28
oct
2020
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Romain Subtil dans La Croix

Bientôt des flottes de camions à hydrogène sur les routes ?

Le Sud-Coréen Hyundai a commencé à livrer, en Suisse, une flotte de cinquante camions fonctionnant grâce à l’hydrogène. Cette technologie présente de solides avantages pour le transport du fret, mais le verdissement du parc ne pourra se faire que lentement.

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Les poids lourds « verts » sont une réalité de plus en plus tangible. La Suisse a commencé en juillet dernier à faire rouler des camions de 36 tonnes fonctionnant à l’hydrogène, livrés par le constructeur sud-coréen Hyundai. D’ici à la fin de l’année, 50 camions de ce type auront été mis en circulation.

« On bénéficie d’un bon alignement des planètes, explique Lionel French-Keogh, directeur général de Hyundai France : un client, gérant de grandes surfaces alimentaires et désireux d’une flotte à zéro émission pour des parcours bien balisés entre ses entrepôts ; un constructeur, nous-mêmes, qui maîtrisons la technologie, et un État qui a bien voulu financer les infrastructures. » La Suisse, État de taille modeste, convient bien pour éprouver cette première flotte de poids lourds, même si Hyundai lorgne déjà du côté d’un grand voisin, l’Allemagne.

Les pays asiatiques, pionniers

La mobilité à l’hydrogène est née en Asie.

  • « En Corée du Sud comme au Japon, l’électricité coûte cher et ces pays cherchent à réduire leur dépendance aux importations de pétrole » explique Marc-Antoine Eyl-Mazzega, chercheur à l’Ifri, auteur d’un rapport sur le pari de la mobilité routière propre en Europe. D’où leurs recherches sur l’hydrogène.

Aujourd’hui, Hyundai et le Japonais Toyota sont les seuls constructeurs à proposer un modèle de voiture particulière fonctionnant grâce à cette technologie. Dotés d’une pile à combustible qui transforme l’hydrogène en électricité, ils sont une alternative technique aux véhicules électriques fonctionnant avec seulement des batteries, même si leur coût est pour le moment bien supérieur.

Des performances équivalentes à celles des moteurs thermiques

Actuellement, près de 98 % des camions roulent au diesel.

  • « Aujourd’hui, 20 % des émissions de CO2 dues au transport viennent des poids lourds, rappelle Marc-Antoine Eyl-Mazzegaet on prévoit, d'ici à 2050, un doublement du fret routier. » Outre qu’il permet de rouler sans émissions de CO2, l’hydrogène présente comme atouts une autonomie et un temps de recharge quasiment équivalents à ceux d’un moteur thermique : des critères essentiels pour les transporteurs, car l’immobilisation d’un camion représente un coût énorme.

Les véhicules à hydrogène vont d’abord équiper les flottes « captives » : celles effectuant toujours les mêmes trajets, comme les bus, les engins de collecte de déchets et, donc, les camions. Par ailleurs, et même si des constructeurs continuent leur recherche dans ce domaine, la taille d’une batterie pour un camion tout électrique est pour le moment rédhibitoire.

Une technologie encore à parfaire

L’industrialisation des camions à hydrogène reste néanmoins tributaire de nombreux facteurs. D’abord, si les grands axes européens de passage des camions sont bien identifiés, encore faut-il trouver les financements pour les équiper d’infrastructures de recharge.

Par ailleurs, en l’état, la technologie commence à être maîtrisée mais n’est pas encore aboutie. « Un moteur à hydrogène nécessite une pile à combustible, explique Gaëtan Monnier, de l’Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN), mais aussi une batterie électrique. Les tailles de la pile et de la batterie peuvent varier, selon les usages prévus du véhicule, mais aussi leur coût. Si jamais le prix des batteries venait à baisser plus fortement que celui de la pile, cela ralentirait la diffusion de la technologie. »

Estimant qu’il y a par ailleurs un manque de recul quant à la fiabilité de la pile sur le long terme, Gaëtan Monnier met en garde contre les effets de mode. Si l’hydrogène bénéficie d’un fort soutien des pouvoirs publics dans le cadre du plan de relance, il ne faudrait pas selon lui « freiner les investissements nécessaires dans des solutions transitoires intéressantes, comme les biocarburants ou le gaz naturel ».

Une extension progressive

La diffusion de la technologie va donc être lente, même si les constructeurs français ont eux-mêmes annoncé la livraison de fourgons à hydrogène dans les deux années à venir. Dans les transports, « l’automobile profitera par effet d’aubaine de l’hydrogène, prévoit Jean-Luc Brossard, directeur recherche et développement de la Plate-forme automobile (PFA), après que se seront penchés dessus le ferroviaire ou l’aéronautique ».

En France, on estime que 30 % du parc roulera à l’électricité - avec batteries seules ou pile à combustible - à partir des années 2030« Ce n’est qu’à partir de cette période que les coûts, grâce aux volumes, auront significativement baissé », prédit Jean-Luc Brossard. Les équipementiers français investissent, parmi lesquels Michelin et Faurecia, associés sur la pile à combustible, ET Plastic Omnium, pépite d’envergure mondiale dans les réservoirs à hydrogène.

Les trains aussi

Les travaux d’une station-service à hydrogène ont commencé lundi 26 octobre, près de Francfort en Allemagne. Elle sera destinée aux 27 trains à piles à combustible qu’Alstom doit livrer d’ici au milieu de l’année 2022. Ils remplaceront des trains diesel et auront une autonomie de 1 000 kilomètres.

L’opérateur du réseau, Rhein-Main-Verkehrsverbund (RMV), est l’un des plus grands réseaux de transport allemands, couvrant près de des deux tiers du Land de Hesse, qui participe au financement de l’infrastructure. Infraserv Höchst, qui exploite un parc industriel au service des industries chimiques, assure la construction et l’exploitation de la station de ravitaillement.

 

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Mots-clés
Mobilité propre transition énergétique