12
mai
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc JULIENNE, cité par Mathilde Durand dans Le Journal du Dimanche

Et si la Chine se dotait d’une seconde capitale ?

Une étude de deux chercheurs chinois préconise la création d’une seconde capitale dans la province du Xinjiang, à l’ouest pour rééquilibrer les pouvoir. Une idée « illusoire » pour le chercheur Marc Julienne qui rappelle la tradition « hypercentralisée » de la Chine.

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Les faits. Comment rééquilibrer le pouvoir en Chine ? Deux chercheurs de l’université Fudan de Shanghai et de l’université du Sichuan à Chengdu proposent une solution. Dans une étude publique parue en avril dernier, ils préconisent de créer une seconde capitale dans le pays, en plus de Pékin. Cette nouvelle ville pourrait, selon eux, se situer dans la province du Xinjiang, dans l’Ouest, une des cinq régions autonomes chinoises, à la fois désertique et montagneuse.

Rééquilibrer et contrôler. Pour justifier cette idée, l’étude expose plusieurs arguments. D’abord,  l’objectif serait de décongestionner Pékin, où vivent plus de 21 millions d’habitants et de répartir davantage la population, concentrée sur la partie Est du pays. Les motivations sont également économiques : une nouvelle capitale à l’ouest serait située au cœur du tracé des nouvelles routes de la soie, projet commercial lancé en 2013 visant à développer des liaisons maritimes et ferroviaires en direction de l’Europe et de l’Afrique. Sur le plan politique, enfin, l’étude avance que la nouvelle capitale « s’occuperait directement des questions liées aux minorités ethniques pour améliorer la communication avec le gouvernement central ».

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Est-ce une idée crédible ? « Ça me semble totalement illusoire, voire délirant, tranche Marc Julienne, responsable des activités Chine de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Il y a une capitale au Xinjiang, Ürümqi, comme dans toutes les provinces chinoises. Si on construit une nouvelle ville à côté, on tire un trait sur cette capitale historique. » Une démarche qui serait associée à une « politique coloniale » pour le chercheur, dans une région où les relations entre population locale et pouvoir central sont tendues depuis le XVIIIe siècle. Un mouvement progressif est en plus déjà à l’œuvre depuis le début des années 1950.

 

« Le pouvoir central à Pékin a lancé des politiques démographiques en envoyant, grâce à des incitations, des Chinois de l’ethnie majoritaire Han pour développer économiquement cette région. Ce qui a permis de rééquilibrer le ratio démographique : au début des années 1950 la population était à plus de 90 % issues d’ethnies locales. Aujourd’hui, on est sur un ratio de 50-50 », rappelle Marc Julienne.

En plus d’un mauvais signal, ce projet serait une véritable révolution intellectuelle. « Traditionnellement, dans l’histoire de la Chine, y compris sous l’Empire, le pays a toujours été centralisé, même si la capitale n’a pas toujours été Pékin. C’est difficile d’imaginer une deuxième capitale au sens politique. Quant aux capitales économique et industrielle, il y en a déjà. » Shanghai est déjà qualifiée de capitale économique du pays, comme Canton est celle de l’industrie. « À ma connaissance, il n’existe aucun projet sérieux sur le thème d’une seconde capitale », clarifie enfin Marc Julienne.

Pourquoi c’est important. Mais si ce rapport peut sembler innovant, voire insolite, et que rien ne dit que le gouvernement chinois s’en saisisse, il illustre néanmoins un enjeu de répartition  l’activité économique et de population en Chine.

« La capitale actuelle a des problèmes de congestion, de surpopulation, de pollution. Il y a donc des réflexions pour essayer de décongestionner la capitale actuelle, soit en élargissant la ville, soit en construisant des nouveaux centres urbains proches de Pékin qui puissent être reliés avec des trains rapides », explique Marc Julienne, qui cite en exemple le projet Xiong’an New Area.

Une nouvelle ville à environ cent kilomètres au sud-ouest de Pékin, qui se veut respectueuse des normes environnementales, territoire d’innovations et qui pourrait accueillir les sièges de nombreuses entreprises. À l’instar de China SatNet,  entreprise d’État qui ambitionne de devenir le Starlink chinois. « Une ville du futur qui serait un peu l’héritage de Xi Jinping, sa signature, en termes de développement industriel et urbain », note Marc Julienne, comme l’avait été Shenzhen pour l’ancien leader Deng Xiaoping.

 

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Mots-clés
nouvelles routes de la soie urbanisation Chine Xinjiang