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La guerre en Ukraine risque d'inciter davantage de pays à se doter d'armes nucléaires

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Nombre de pays pourraient juger nécessaire de se munir d'un arsenal de dissuasion nucléaire au vu de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. D'ores et déjà, la moitié de l'humanité vit dans des pays dotés de bombes atomiques.

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Le constat n'est pas tombé dans l'oreille de sourds. Si la Russie dotée d'armes nucléaires a décidé si facilement d'envahir son voisin ukrainien, c'est parce que cette dernière n'en avait plus (Kiev avait renoncé en 1995 à l'arsenal hérité de l'URSS en échange de garanties d'intégrité territoriale par, notamment, la Russie).

Le Kremlin a aussi brandi son arsenal nucléaire pour dissuader tout allié de Kiev de s'impliquer directement. Et cela a fonctionné comme l'ont montré les hésitations occidentales à fournir des armes lourdes à l'Ukraine, ou le refus de livrer des avions ou des missiles longue portée. 

  • Moscou mène ainsi ce que le directeur de l'Institut français des relations internationales, Thomas Gomart, qualifie de « guerre coloniale sous parapluie nucléaire ».

Un ordre international bouleversé

L'invasion russe a donc, d'ores et déjà, bouleversé l'ordre international de dissuasion . Alors que le compteur du nombre de puissances nucléaires restait bloqué depuis quarante ans, reflet d'un ordre géopolitique relativement stable illustré par le faible nombre de conflits interétatiques, l'invasion russe peut inciter nombre de pays à envisager de se doter d'armes nucléaires pour éviter de connaître le sort de Kiev. « Il va être très difficile de faire des progrès sur le désarmement dans les années à venir à cause de cette guerre et de la façon dont Poutine parle de ses armes nucléaires », résume Matt Korda, expert du Sipri (Institut international de Stockholm de recherche sur la paix).

Deux critères suffisent pour figurer sur la liste des pays pouvant être tentés de se doter de bombes nucléaires en raison d'un « syndrome ukrainien » : disposer d'une base industrielle et scientifique et compter un voisin menaçant. Cela peut faire du monde. Ainsi, l'Iran semble pouvoir se doter de la bombe bientôt, ce qui pourrait inciter l'Arabie saoudite à en faire autant, et par réaction en chaîne les autres puissances du Moyen-Orient, Egypte et Turquie. En Asie, la Corée du Sud, Taïwan, le Vietnam et le Japon, malgré le tabou né d'Hiroshima, voire les Philippines et la Malaisie, peuvent légitimement se sentir menacés par une Chine encline, notamment, à revendiquer une souveraineté maritime extrêmement élargie.

La moitié de l'humanité sous parapluie nucléaire

La prolifération est contagieuse : quand une puissance moyenne se dote de l'arme nucléaire elle devient, de facto, intimidante, pour un voisin plus petit, qui à son tour peut chercher un arsenal de dissuasion. Le pire n'est toutefois pas certain, fait valoir l'amiral Jean-Louis Lozier, expert du sujet à l'Institut français des relations internationales, car les pays se dotant d'armes nucléaires violeraient le TNP (traité de non-prolifération nucléaire, signé par 191 pays, mais pas par l'Inde, Israël et le Pakistan). Ce qui ouvrirait la voie à des sanctions occidentales et mesures d'isolement, comme celui vécu par l'Iran.

Près de la moitié de l'humanité vit déjà directement sous parapluie nucléaire, en additionnant la population des neuf pays qui en possèdent (Chine, Inde, Etats-Unis, Russie, Pakistan, France, Royaume-Uni, Corée du Nord, Israël). La proportion est même proche de 60 % si on ajoute les pays liés à l'un d'entre eux par de solides accords de défense (vingt-sept pays de l'Otan, plus Australie, Japon, Corée du Sud pour les seuls alliés des Etats-Unis). Des accords censés persuader un éventuel pays hostile qu'une attaque contre l'un d'entre eux serait considéré comme une atteinte aux intérêts existentiels de leur allié nucléaire. [...]

 

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Jean-Louis LOZIER

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Conseiller, Centre des études de sécurité de l'Ifri

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Thomas GOMART

Thomas GOMART

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Directeur de l'Ifri