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Moscou orchestre des coupures de gaz stratégiques

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Depuis la semaine dernière, Gazprom ne respecte plus ses contrats et a réduit ou coupé les importations de gaz à plusieurs pays européens. Une stratégie qui sert des objectifs aussi bien politiques qu'économiques et qui va mener à une inversion du modèle énergétique sur le Vieux Continent.

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La pression que la Russie exerce sur les Européens en leur coupant peu à peu le gaz sert plusieurs objectifs et multiplie les points de pression politiques, économiques et sociaux.

 

« Les réductions et coupures de gaz, menées sous différents prétextes comme le manque de pièces de rechanges qui résulterait des sanctions occidentales, permet de marquer l'hostilité de Moscou face aux actions des Européens. Comme, par exemple, le déplacement à Kiev de quatre chefs d'Etat et de gouvernement la semaine dernière », note Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie et climat de l'Ifri(Institut français des relations internationales).

 

La Russie ne se tire pas pour autant une balle dans le pied car les revenus du pétrole et des produits dérivés sont beaucoup plus essentiels à l'économie russe que les exportations de gaz.

Le Kremlin agit d'autant plus volontiers qu'il constate que les Européens parviennent malgré tout à recomposer leurs stocks , certes à un prix extraordinairement élevé, mais qui va limiter les capacités de nuisance de Moscou cet hiver. Autant donc les exercer dès maintenant. D'autant que la raréfaction du gaz pousse encore plus haut les prix, ce qui peut provoquer des crises sociales, à l'instar des « gilets jaunes » en France. Tout comme le manque d'engrais (tous les engrais azotés de synthèse sont fabriqués à partir de gaz fossiles) et le blocus sur les exportations de céréales peuvent entraîner une véritable crise alimentaire.

« Les Russes ont beau jeu de dire que c'est la faute des sanctions occidentales alors qu'ils envisagent d'utiliser la famine comme arme politique », constate Thomas Gomart, directeur de l'Ifri.

Compétitivité dégradée

L'impact de la crise énergétique sera fort.

« La compétitivité européenne va être très dégradée car on a longtemps compté sur des prix de l'énergie bas », observe Marc-Antoine Eyl-Mazzega.

Or aujourd'hui, un Européen paiera 100 euros pour un mégawattheure de gaz, quand l'Américain en paie 10 et le Russe 2 ou 3.

En réponse, « les pays du Moyen-Orient essaient de se développer sur les énergies bas carbone , comme l'hydrogène. A court et moyen terme, les industriels européens pourraient vouloir s'implanter là ou l'énergie est abordable. Cela implique des destructions d'emplois sur notre continent, de la perte de valeur... tout l'écosystème est perturbé », explique l'expert. Selon lui, il faudra tâcher d'investir dans des pays de l'OCDE pour limiter les risques.

Changement de modèle

Tout cela mène à une « inversion du modèle énergétique, qui va encore resserrer les liens entre les Etats-Unis et le reste de l'Alliance atlantique», affirme le directeur de l'Ifri. « Alors qu'on vise la décarbonation en 2050, on accélère le changement systémique. La transition ne diminue pas le risque géopolitique mais le complexifie. »

En effet, pour se défaire de son addiction au gaz russe , l'Europe va se tourner vers le gaz naturel liquéfié américain, qui est extrait du gaz de schiste obtenu par fracturation hydraulique, une méthode peu compatibles avec des objectifs « verts ».

« Nous allons basculer d'une dépendance russe vers une dépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Les importations de gaz américain sont très flexibles, ils ont un immense avantage compétitif, mais ils vont devoir s'attaquer à la « propreté » de leurs techniques d'extraction s'ils veulent correspondre aux critères des investisseurs », estime Marc-Antoine Eyl-Mazzega.

 
> Lire l'article sur le site du journal Les Echos

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Marc-Antoine EYL-MAZZEGA

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Directeur du Centre énergie et climat de l'Ifri

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Thomas GOMART

Thomas GOMART

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