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Au Niger et au Sahel, « il y a une jeunesse militante très anti-française »

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interviewé par Maxime Mainguet pour

  Ouest France
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La manifestation organisée dimanche 30 juillet devant l’ambassade de France à Niamey (Niger) confirme, si besoin en était, l’existence d’un important courant anti-français au Sahel. Courant dont Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri), nous décrit les tenants et aboutissants.

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Ansongo, Mali - Décembre 2015 : Vie quotidienne des soldats français de l'opération militaire barkhane au Mali (Afrique) lancée en 2013 contre le terrorisme dans la région.
Ansongo, Mali - Décembre 2015 : Vie quotidienne des soldats français de l'opération militaire barkhane au Mali (Afrique) lancée en 2013 contre le terrorisme dans la région.
(c) Fred Marie/Shutterstock
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La manifestation anti-française organisée dimanche à Niamey vous a-t-elle surpris ?
 
Non, ni le putsch ni les manifestations qui l’ont suivi ne m’ont surpris. Dans les grandes villes sahéliennes, il y a une jeunesse militante très anti-française qui est facilement mobilisable quand survient un événement politique majeur.
 
Le fait que cette manifestation ait eu lieu après un coup d’État n’est donc pas un hasard ?
 
Non. Les putschistes commettent un coup d’État contre un président qui n’était pas parfait mais qui dirigeait un pays où la situation sécuritaire avait plutôt tendance à s’améliorer, contrairement à ce qui a été annoncé. Et ils sont isolés sur le plan diplomatique. Donc ils sont bien obligés de justifier leur action en entonnant le refrain de la souveraineté, notamment en utilisant un discours anti-français, car ils savent que ça va leur donner un certain capital sympathie.
 

La manifestation de dimanche illustre-t-elle le ressenti de toute l’opinion publique, ou seulement celui d’une petite frange de la population ?

C’est difficile à dire. Mais ce que l’on sait, c’est que ces manifestations sont surtout des phénomènes urbains, dont l’impact est renforcé par les caméras. Donc même si une grande partie de l’opinion publique peut avoir de fortes critiques vis-à-vis des Occidentaux et de leur politique, ce n’était en réalité pas des manifestations très massives. Et il y a même eu des manifestations de soutien au régime renversé.

Le Niger avait-il connu des événements de ce type avant le coup d’État ?

Dans un passé récent, il y a déjà eu ce type de manifestations. Quand la France s’est repliée du Mali, des convois militaires français ont été bloqués par des militants du Niger, qui avaient des slogans très hostiles. Et après les attentats contre Charlie Hebdo, le président nigérien de l’époque avait participé à la manifestation de Paris et cela lui avait été reproché. Des Nigériens avaient brûlé des églises et s’étaient attaqué à des symboles économiques français.

Ces derniers mois, le Mali et le Burkina Faso ont également connu des manifestations anti-françaises. Le Tchad voisin pourrait-il lui aussi en connaître ?

Rien n’est exclu, même si, au Tchad, on est dans une situation un peu différente puisque l’armée est déjà au pouvoir et qu’elle réprime assez brutalement toute contestation. Mais on y trouve les mêmes slogans qu’ailleurs au Sahel. Si on n’a pas de manifestation anti-française au Tchad, c’est parce qu’on a un régime extrêmement brutal qui n’hésite pas à tirer dans la foule.

Ces slogans que vous évoquiez sont souvent rattachés à ce qui est appelé le néopanafricanisme. Qu’est-ce que c’est ?

Le panafricanisme était un mouvement intellectuel développé au moment des indépendances et qui prônait une vraie indépendance pour l’Afrique. Il touchait principalement les élites subsahariennes. Le néo-panafricanisme est beaucoup plus populaire et populiste. Il touche la population connectée aux réseaux sociaux et résume tous les problèmes de l’Afrique à la malveillance des Occidentaux et, dans les pays francophones, à la malveillance de la France. Le corps de la doctrine c’est : “L’Afrique n’est pas encore indépendante, il faut rompre les amarres avec l’Europe et la France et trouver d’autres partenaires”.

Quels sont les principaux griefs faits à la France ?

Il y a en trois grands qui reviennent régulièrement : l’interventionnisme militaire français, sa politique d’aide jugée peu performante et soutenant davantage les régimes que les populations, et le franc CFA. Sur ce dernier, il y a un discours d’économistes, tout à fait respectable, qui dit que cette monnaie liée à l’euro est surévaluée et que c’est dommageable pour ces pays. Mais sur les réseaux sociaux, cela se transforme en : “Le Franc CFA est le symbole de l’asservissement des pays africains par la France”.

Quelle place le passé colonial de la France a-t-il dans ces argumentaires ?

Ce n’est pas forcément la période qui est la plus souvent évoquée. On parle plus souvent de l’après-décolonisation, quand la France soutenait fortement les régimes anticommunistes qui pouvaient ne pas être démocratiques. C’est tout le discours sur la Françafrique. En Algérie, la guerre de libération est constamment invoquée, mais c’est beaucoup moins le cas dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Quel rôle jouent les fakes news dans ces discours anti-français ?

Un rôle très fort. Il y a des comptes Twitter et des chaînes YouTube qui déversent des fake news constamment. Aujourd’hui, il y a des gens qui disent que la France va renverser les putschistes parce qu’elle a des militaires sur place. Récemment, j’ai aussi vu circuler une fausse information indiquant qu’un officier nigérien avait autorisé les avions français à frapper la présidence. Certains prennent au premier des degrés ces choses-là.

La Russie joue-t-elle un rôle dans la propagation de ces fausses informations ?

Au Mali ou au Burkina Faso, c’est établi. Je n’ai pas de confirmation pour le Niger mais il est très probable que des entités russes aient donné quelques dizaines de milliers d’euros à des blogueurs ou à des influenceurs pour diffuser ces choses-là.

Les autres pays européens subissent-ils le même discours ?

Non, c’est très particulier à la France. Cela s’explique parce que la France est le seul ancien colonisateur à avoir gardé une vraie empreinte militaire en Afrique subsaharienne. Dans les pays lusophones ou anglophones, il n’y a pas la même intensité de ressentiments, même s’il y a régulièrement des discours anti-occidentaux, en les mettant tous dans le même sac.

Lire l'interview sur le site de Ouest France.

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Alain Antil

Alain ANTIL

Intitulé du poste

Directeur du Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri

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Ansongo, Mali - Décembre 2015 : Vie quotidienne des soldats français de l'opération militaire barkhane au Mali (Afrique) lancée en 2013 contre le terrorisme dans la région.
(c) Fred Marie/Shutterstock
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