21
juin
2023
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Jour du Drapeau d'État de la Fédération de Russie, Lipetsk, Russie - 22 août 2022
Julien NOCETTI, cité par Valentin Dauchot dans La Libre

Parler d’opinion publique "n’a aucun sens, on ne sait pas ce que pensent les Russes"

"On ne sait pas ce que pensent les Russes. Dans une dictature, ce qui est la définition du régime depuis plusieurs années, la notion même d’opinion personnelle n’existe plus”.

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Le 24 avril dernier, un capitaine de police moscovite était condamné à sept ans de prison pour “diffusion de fausses informations”. Mis sur écoute par ses collègues, Semiel Vedel s’est officiellement et notamment rendu coupable d’avoir “nié le caractère nazi du régime ukrainien” lors d’une conversation téléphonique, comme l’ont rapporté nos confrères du Monde. L’information pourrait sembler anecdotique, elle illustre pourtant à la perfection le climat qui règne actuellement en Russie, où le seul et unique récit autorisé au sujet de “l’opération militaire spéciale” en Ukraine, ne tolère aucune remise en question.

 

La source en 2014

"Pour comprendre la communication mise en place par le régime, il faut prendre un petit peu de recul” analyse Julien Nocetti, chercheur associé à l’Institut Français des Relations Internationales (Ifri). “La guerre en Ukraine n’a pas commencé en février 2022, elle a démarré en 2014 avec l’annexion de la Crimée et les affrontements qui ont suivi dans le Donbass. C’est à ce moment-là que Vladimir Poutine a mis en place son narratif : la “junte nazie et toxicomane” au pouvoir à Kiev s’est rendue coupable d’un “génocide” à l’encontre des populations russophones du Donbass sous l’influence de l’Otan et de l’Occident”. […]

 

Libératrice, la Russie est donc légitimement intervenue pour protéger les siens. Huit ans plus tard, ce narratif n’a pas changé et s’est même imposé telle une doctrine sacrée.

La population russe a été longuement et méticuleusement préparée à intégrer ce message, poursuit Julien Nocetti. C’est important à rappeler, parce qu’un message propagandiste efficace produit rarement des effets immédiats, on ne “retourne” pas une population du jour au lendemain.”

[...]

Créer un flou

Le cas du barrage de Kakhovka pourrait illustrer cette théorie, Russes et Ukrainiens se renvoyant la responsabilité du sabotage. Julien Nocetti cite un autre exemple : le bombardement par les forces russes de la maternité de Marioupol en mars 2022, devenu – sous la plume russe – le bombardement d’un établissement hébergeant un bataillon nationaliste ukrainien utilisant des femmes comme “boucliers humains”, le bombardement par les Ukrainiens d’une maternité russe avec une bombe de fabrication américaine, et bien d’autres choses plus ou moins farfelues.

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Courber l’échine

Selon nos deux interlocuteurs, le système de propagande actuel n’est en rien comparable avec ce qui se faisait ex-URSS, “même s’il y a un lourd passif”. Contrairement à la période soviétique, une partie de la population a bien accès à internet et peut s’informer autrement. À l’image de ce que l’on voit notamment en Iran, des VPN (des logiciels ou applications souvent gratuits permettant de privatiser votre connexion) donnent accès aux sites et informations censurés. “Certains Russes y ont recours, analyse Julien Nocetti.

Mais globalement, on constate une forme de passivité, de relâchement. Un nombre considérable de Russes se disent “à quoi bon ?”. On verra avec le temps si cette passivité demeure ou s’il y a un ras-le-bol. […] Mais culturellement, la tendance est plutôt à courber l’échine et attendre des jours meilleurs.

 

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Annexion Crimée guerre en Ukraine politique intérieure russe Vladimir Poutine Russie