L’Union de la dernière chance : Trois questions pour trois constats sur l’union de l’énergie

Près d’un an après la présentation de l’union de l’énergie, alors que l’année 2016 promet d’être une année cruciale pour sa mise en œuvre, où en est ce projet phare de la Commission Juncker ?

L’analyse de chacune des trois dimensions du projet d’union de l’énergie – stratégique, politique et économique – laisse sceptique quant à sa capacité à refonder une politique énergie-climat qui fonctionne.
Au plan international, dans sa genèse comme dans ses ambitions, l’union de l’énergie est marquée par le retour de la géopolitique. Elle signe une rupture bienvenue avec l’approche déconnectée et idéaliste des réalités internationales qui caractérisait jusqu’alors la politique énergie-climat. Est-elle pour autant une réponse à la hauteur des bouleversements géopolitiques en cours ? Si le principe même d’une reconnexion aux réalités internationales est acquis, le diagnostic solide sur les bouleversements à l’œuvre manque encore. Notamment, la réémergence des Etats-Unis comme seule puissance énergétique globale ou encore le changement des fondamentaux sur les marchés pétro-gaziers avec l’irruption des hydrocarbures non conventionnels mériteraient un suivi attentif. La scénarisation et la modélisation de l’impact des évolutions géopolitiques sur l’Europe continuent de faire défaut à l’Union européenne.
Sur le plan politique, il faut se réjouir de l’ambition de la Commission Juncker de sortir des grands débats idéologiques pour renouer avec l’action, dans une démarche de dialogue et d’accompagnement. La démarche volontariste et la gouvernance renouvelée de la politique énergie-climat sont nécessaires pour faire contrepoids aux forces centrifuges à l’œuvre, qui mettent en danger le principe même d’une politique énergétique européenne renforcée. Car qui veut vraiment l’union de l’énergie, dans une Europe qui conjugue renouveau du nationalisme et crises urgentes, faisant osciller la question énergétique entre chasse gardée des Etats et sujet secondaire dans les grands sommets européens ? En outre, les positions se crispent dans certains Etats membres qui refusent le principe même de la transition énergétique. Enfin, de nouveaux irritants apparaissent, tel le projet de gazoduc Nordstream 2, sans qu’aient été résolues les divergences de fond sur la relation avec la Russie ou les objectifs de la réforme du marché de l’électricité.
Dans sa composante économique, l’union de l’énergie se veut ambitieuse, sans pour autant lever le doute sur sa capacité à recréer la confiance chez les investisseurs et la sérénité chez les consommateurs. La réforme du marché du carbone ne convainc pas, tandis que celle du marché de l’électricité va faire ressurgir les grands débats entre régulation et marché, vingt ans après les premières directives sur la libéralisation des marchés de l’énergie en Europe. Or, pendant que l’Union européenne se débat dans la définition de son modèle de marché et risque de se perdre dans des débats encore trop souvent teintés d’idéologie, le big data progresse dans tous les secteurs, y compris dans l’énergie. Où est la révolution digitale dans l’union de l’énergie ? Qui la portera quand les grandes utilities européennes sont exsangues, là où les géants de l’internet américains sont en position de choisir comment ils vont venir bouleverser le secteur ?
Tout le monde veut l’union de l’énergie mais chacun peut la définir selon ses intérêts, tant elle est à géométrie variable. S’il n’est qu’une machine de guerre contre la Russie, ce projet échouera. Ce dont l’Europe a besoin, c’est d’un projet pragmatique. L’Union doit trouver sa révolution des gaz de schiste à elle, c’est-à-dire une politique qui assure sa sécurité énergétique, qui conforte son économie, qui lui fasse jouer un rôle à sa mesure dans la lutte contre le changement climatique, sans peser sur sa latitude d’action dans le monde, voire en l’accroissant. Sans quoi l’Europe de l’énergie sera dans le monde ce qu’elle a été à la COP 21 : sans voix et paralysée.
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