Économie des échanges de salves : vers la fin de la polyvalence des munitions ?

Les conflits de la décennie 2020 voient l’apparition d’échanges de salves d’effecteurs automatisés conventionnels (missiles, drones, etc.) à des fins offensives et défensives, dont les profils de vol et les performances se diversifient rapidement.

Le petit nombre de missiles et d’intercepteurs performants et polyvalents en service dans les armées européennes ne suffit plus pour faire face à la variété et au nombre des menaces, particulièrement dans des conflits impliquant un nombre significatif de munitions de haute technologie mais aussi des effecteurs low cost produits en masse par un certain nombre de pays susceptibles de menacer l’Europe.
La clé d’une stratégie gagnante est la création d’armes à bas coût en complément des armes existantes, faisant appel à une plus basse complexité que les armements actuels, pour engager les cibles les moins performantes, afin de réserver les armes les plus coûteuses aux seules cibles qui l’exigent. Cet effort vers l’artillerie anti-aérienne et des armes de frappe à longue portée saturantes, ainsi que leur environnement tactique, ne pourra paradoxalement pas avoir lieu sans un effort budgétaire significatif et des processus d’acquisition adaptés.
Les conflits en cours en Ukraine et au Moyen-Orient voient s’ajouter à la puissance aérienne traditionnelle, des frappes dans la profondeur dont le nombre et la diversité des vecteurs vont croissant. Le rapport entre le coût total estimé des deux salves offensives tirées par l’Iran contre Israël en 2024 – de l’ordre de 100 à 200 millions de dollars (M$), et le prix des missiles intercepteurs utilisés par les défenseurs, environ un milliard de dollars (Md$) pour chaque attaque – pose la question de la soutenabilité économique et industrielle de tels échanges s’ils devaient se répéter, notamment dans le cadre d’un conflit de longue durée, comme c’est le cas en Ukraine. Malgré un rééquilibrage si l’on prend en compte la parité de pouvoir d’achat, il semble redonner l’avantage à l’offensive, l’asymétrie marquée des coûts se révélant largement défavorable à la défense anti-missile. Dans un monde en recomposition rapide, résoudre cette équation revêt un caractère d’urgence pour les armées européennes marquées par la contrainte budgétaire, qui plus est avec un allié américain incertain.
Le prix des munitions complexes, et en particulier des missiles de défense aérienne, ayant augmenté plus vite que l’inflation, l’ajustement, en l’absence de menace, s’est fait par les volumes avec comme conséquence des arsenaux en Europe occidentale qui n’ont fait que se réduire depuis 1913. Les systèmes de défense aérienne européens capables d’intercepter les armes russes utilisent des munitions dont les stocks sont limités. En miroir, les armes européennes de frappe dans la profondeur sont également rares, peu variées et relativement chères face à un Integrated Air Defense System (IADS) russe pléthorique et rodé par trois ans d’échanges de salves contre l’Ukraine.
Dans ce contexte, comment les forces armées européennes peuvent-elles s’extraire du cercle vicieux de l’augmentation des coûts unitaires et de la réduction des commandes, aussi appelé « spirale de la mort de la défense », appliqué aux munitions conventionnelles, et regagner un ascendant à la fois offensif et défensif ?
Une réponse partielle à cette question, appliquée aux capacités françaises, appuyées par celles de leurs alliés européens, passe par un inventaire sous le prisme économique, puis par la revue des tendances capacitaires à court et moyen termes, avant d’ouvrir des pistes de réflexion au profit des armées.
Contenu disponible en :
Thématiques et régions
ISBN / ISSN
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Économie des échanges de salves : vers la fin de la polyvalence des munitions ?
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesÀ la recherche de sécurité économique : le rôle des marines dans la dissuasion des menaces pesant sur l’économie maritime
Le domaine maritime est actuellement confronté à une grande variété de menaces, telles que le changement climatique, la guerre économique, les opérations de flottes fantômes, la protection des infrastructures critiques, ainsi que des activités illicites allant de la pêche illégale à la piraterie. Les marines souffrent de limites intrinsèques lorsqu’il s’agit de dissuader les menaces pesant sur l’économie maritime mondiale : leur présence mondiale et leur permanence sont restreintes, ce qui limite leur crédibilité en matière de dissuasion ; elles se concentrent généralement sur la dissuasion immédiate ; enfin, la mise en œuvre d’une dissuasion par la punition, dans et depuis le domaine naval, s’avère difficile et coûteuse.
Sécuriser l’économie maritime au XXIe siècle. Le défi des profondeurs
L’élargissement progressif du panel des activités économiques en mer concerne de plus en plus le volume sous-marin et les fonds marins, avec des enjeux majeurs pour les sociétés modernes, notamment dans les secteurs énergétiques ou numériques. Ces développements s’accompagnent de la mise au point accélérée de capacités autonomes sous-marines, capitalisant sur la maturité et l’accessibilité des technologies du segment dual des drones aériens.
Le corps d’armée, nouvel étalon de puissance pour les forces terrestres
Face au retour de la guerre de haute intensité, notamment en Ukraine, le corps d’armée redevient un échelon essentiel. Seul capable de coordonner plusieurs divisions, il permet une manoeuvre interarmes et multi-milieux cohérente à grande échelle. La France entend se positionner comme nation-cadre d’un tel outil de puissance.
Sous le feu des normes : comment encadrer sans désarmer la défense européenne ?
Face à la diversité et la complexité de l’environnement normatif, le secteur de la défense doit pouvoir faire valoir sa singularité militaire. Dépassant une approche par la seule simplification, qui a montré ses limites face au caractère incontournable des normes juridiques et techniques à l’international, un équilibre est nécessaire entre un « trop-plein normatif » et l’absence de normes.