Entre la France et l'Allemagne, une relation à (re)bâtir
Avec l’arrivée de Friedrich Merz à la chancellerie, la France souhaite retisser un lien fort avec l'Allemagne. Mais il faudra d’abord aplanir les différends accumulés ces dernières années.

Purger malentendus et désaccords pour repartir du bon pied. Tout vieux couple qui traverse une crise existentielle a un jour imaginé cette remise à plat. Soixante-deux ans après le traité de l'Élysée et six après celui d'Aix-la-Chapelle, le duo franco-allemand en est aussi là. À Paris, on espère donc que l'arrivée de Friedrich Merz à la chancellerie — il sera officiellement investi mardi — sera l'occasion d'un « nouveau départ » dans les relations entre les deux pays.
Signe que le conservateur semble sur la même ligne : mercredi, c'est à la France qu'il consacrera sa première visite à l'étranger. Il retrouvera Emmanuel Macron à l'Élysée pour un premier rendez-vous de travail. « Dans un contexte où l'Europe fait face à de graves défis, Merz est attendu comme jamais un chancelier allemand ne l'a été avant lui », s'enthousiasme l'ancien commissaire européen Thierry Breton.
Fibre francophile de Friedrich Merz
Le patron de la CDU est d'autant plus désiré à Paris que la «bromance » avec son prédécesseur, Olaf Scholz, n'a jamais eu lieu.
- « Sans être mauvaises, ses relations personnelles avec Emmanuel Macron n'étaient pas au mieux, affirme Paul Maurice, le secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa). Cela a engendré des frustrations chez les Français, qui en attendaient beaucoup. »
[...]
Avec Merz, les choses seront différentes, promet l'entourage du chef de l'État français. Depuis que le chrétien-démocrate est arrivé en tête des élections de février, l'Élysée insiste lourdement sur la bonne entente entre les deux hommes, qui se sont vus à plusieurs reprises. On souligne aussi la fibre francophile du nouveau chancelier.
- « Elle est réelle, confirme Paul Maurice. Comme Adenauer ou Kohl, Merz s'inscrit dans cette tradition chrétienne-démocrate qui favorise la relation franco-allemande. Cela ne veut pourtant pas dire que tout va bien se passer. »
[...]
Depuis de longues années, l'Allemagne et la France ont pris des trajectoires opposées en la matière.
Sous Merkel, Berlin a abandonné le nucléaire, se reposant sur un gaz russe peu onéreux. La guerre en Ukraine a totalement remis ce choix en question. « Il faut que l'Allemagne reconnaisse qu'elle s'est trompée sur le sujet, soutient Thierry Breton. À mon avis, ce ne devrait pas être la chose la plus compliquée. » Paul Maurice estime lui aussi le problème résoluble : « Les Verts ne sont plus dans la coalition, ça devrait faciliter les choses. » Nathalie Loiseau abonde : « La croissance allemande est ralentie à cause de l'énergie. Or Merz a été élu pour remettre son pays sur les rails. »
[...]
Défense commune
La mise sur pied d'une défense européenne est un autre point d'achoppement. Face à la menace russe et au lâchage redouté des États-Unis, Friedrich Merz devrait certes s'éloigner de la doxa nationale qui consiste à confier les clés de la sécurité du pays à Washington. Le soir de l'élection, il a d'ailleurs suggéré de se placer sous la protection des parapluies nucléaires français et britannique. « Merz a eu le courage de ce changement de paradigme », salue Thierry Breton.
Du côté de l'Élysée, on estime qu'il a donné raison à Emmanuel Macron, qui plaide, depuis des années et dans la pure tradition gaullienne, pour une indépendance vis-à-vis des Américains et une souveraineté européenne renforcée.
[...]
Texte citation
Paul Maurice est plus dubitatif. « Merz s'est un peu avancé ce soir-là, estime-t-il. Même si l'Allemagne a compris que ce sont les États-Unis qui s'éloignent de l'Europe et pas l'inverse, il existe toujours des forces outre-Rhin qui ne veulent pas se détacher de Washington. »
Sur la dette européenne, il ne pourra pas trop avancer. Cela risque d'être source de tensions avec Paris.
Sur la dette européenne, il ne pourra pas trop avancer. Cela risque d'être source de tensions avec Paris.

Secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri
Quand bien même Berlin opterait pour cette défense commune, il faudra, pour construire une industrie européenne digne de ce nom, des investissements massifs. Paris, comme Rome ou Madrid, plaide pour un grand emprunt commun, à la manière de ce qui a été fait pendant le Covid. Merz se ralliera-t-il à cette idée ?
Là encore, Paul Maurice émet des doutes : « Merz a déjà fait des concessions à ses alliés du SPD sur le frein de la dette dans son pays. L'opinion lui en veut. Donc, sur la dette européenne, il ne pourra pas trop avancer. Cela risque d'être source de tensions avec Paris. »
[...]
>> >> Cet article est paru dans La Tribune (site web). réservé aux abonnés.
Média

Journaliste(s):
Format
Partager