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Les questions de défense restent étrangement absentes du débat national, alors même que le contexte stratégique ne cesse de se dégrader. 

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Thomas Gomart, Ifri
Thomas Gomart, directeur de l'Ifri
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Les six premiers mois de l’administration Trump bouleversent le confort des Européens appelés à prendre davantage en charge la sécurité de leur propre continent : « Nous sommes à un point de bascule », estime Emmanuel Macron en introduction de la nouvelle Revue nationale stratégique, rendue publique le 14 juillet 2025. En début d’année, il avait chargé le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) d’assurer la mise à jour de la version présentée en novembre 2022. Une autre époque. Depuis lors, la guerre d’Ukraine est devenue le centre de gravité de la sécurité européenne.

Le président de la République souligne quatre constantes : la permanence d’une menace russe, la désinhibition du recours à la force, la nécessité pour les Européens de toujours plus reposer sur leurs propres forces et la révolution technologique (intelligence artificielle, guerre électronique, espace et quantique). Le document, tout comme la communication qui l’a accompagné, insiste sur la menace russe, longtemps sous-estimée par les autorités françaises : « La Russie, en particulier, menace le plus directement aujourd’hui et pour les années à venir les intérêts de la France, ceux de ses partenaires et alliés, et la stabilité même du continent européen et de l’espace euroatlantique. » La République islamique d’Iran apparaît comme la deuxième menace étatique en raison de ses ambitions régionales et de son programme nucléaire clandestin. Le « durcissement de la posture de la République populaire de Chine » est évoqué car « elle facilite directement l’effort de guerre russe en Ukraine » et poursuit « l’effort d’expansion considérable de son arsenal nucléaire ». Cependant, « l’émergence de véritables coalitions antioccidentales de puissances révisionnistes, au-delà des liens qui se resserrent entre la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, demeure peu probable ».

Dans cette optique, l’anticipation exposée au point 7 du document mérite d’être citée in extenso tant elle semble ignorée, notamment par les milieux d’affaires : « Face à ces actions, il est désormais clair que nous entrons dans une nouvelle ère, celle d’un risque particulièrement élevé d’une guerre majeure de haute intensité en dehors du territoire national en Europe, qui impliquerait la France et ses alliés, en particulier européens, à l’horizon 2030, et verrait notre territoire visé en même temps par des actions hybrides massives. »

Ce genre de document suscite toujours son lot de commentaires et de critiques au sein de la communauté stratégique. En raison de son contenu qui souligne la gravité du moment, il mériterait d’être discuté au-delà des spécialistes. Il serait intéressant de connaître la lecture (ou son absence) qu’en feront les nombreux prétendants à l’élection présidentielle, et s’ils comptent poursuivre l’effort financier engagé par Emmanuel Macron dès 2017. Par rapport à la trajectoire envisagée, le Président a annoncé 6,5 milliards d’euros supplémentaires pour les deux années à venir, laissant au Premier ministre le soin de construire le budget correspondant. Il se pourrait bien que le niveau de la dépense militaire devienne un enjeu de la prochaine discussion budgétaire, obligeant les partis politiques à se positionner.

La première critique de fond porte sur les risques d’illusion créée par cette Revue et à prendre les intentions affichées pour des actes accomplis. Reste, en effet, un fort décalage entre le modèle d’armée adapté à un conflit de haute intensité et la réalité des forces actuelles. Les besoins en équipement et en munitions sont très importants, tout comme la nécessité de gagner en masse et en résilience. De facture classique, cette Revue traduit, selon certains, un conservatisme lié au modèle d’armée complet, qui cherche à maintenir ouvertes le maximum d’options, tout en réaffirmant la centralité de la dissuasion nucléaire.

La seconde critique porte précisément sur ce point. La Revue exclut toute atteinte au territoire national, dissuasion oblige. Cependant, elle envisage une guerre majeure en Europe. Dès lors, que signifie se préparer à la guerre ? Cela revient à reconnaître que la participation française se ferait pour d’autres enjeux que la seule défense de notre territoire : le primat du droit sur la force, la défense de la démocratie ou la construction européenne. Reste à l’expliquer et à en convaincre l’opinion.

 

>Lire la chronique sur le site de la revue Études

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