28
avr
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Alain ANTIL, interviewé par Clémence Cluzel et Marie-Valentine Chaudon pour La Croix

En Afrique, la France a-t-elle perdu la guerre de l’information ?

Radio France Internationale (RFI) et France 24, interdites de diffusion au Mali depuis le 17 mars, ont été définitivement suspendues dans ce pays, a annoncé mercredi 27 avril le groupe France Médias monde. Cette décision intervient alors que la junte malienne a accusé mardi soir l’armée française d’« espionnage » et de « subversion ». L’état-major français avait diffusé des vidéos tournées par un drone à proximité d’une base du centre du Mali récemment restituée par la France.

« Les médias sont les victimes de la guerre d’information au Mali »

 

Alain Antil, directeur du centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri) :

« Il faut rappeler que Radio France Internationale (RFI) et France 24 sont suspendues depuis le 17 mars à la suite dela diffusion d’une information que les autorités maliennes considéraient comme fausse : elle mettait en cause l’armée dans des exactions contre les civils. Tout est parti de là. La suspension définitive, décidée par la Haute Autorité decommunication du Mali le 27 avril, intervient à la suite d’un autre événement qui concerne la base de Gossi, rendue par l’armée française à l’armée malienne.

Quelques jours après cette restitution, des soldats sont venus enterrer des corps à proximité du camp. Qui étaient-ils ? Des Français, comme l’a alors affirmé un mystérieux compte Twitter émanant vraisemblablement de la Russie ? L’armée française a très vite répliqué avec des images tournées par un drone qui montrent qu’il ne s’agit pas de soldats français, mais cela a suscité de la part de la junte malienne une accusation d’espionnage. L’interdiction des médias publics français internationaux n’est que la conséquence de cet enchaînement.

Il y a bien une guerre de l’information au Mali dans un contexte très fébrile, après deux coups d’État et une grande insécurité, mais elle se joue sur les réseaux sociaux, par des jeux d’influences et la propagation d’infox, dans lesquels les Russes, en particulier, sont très forts. France 24 et RFI sont victimes de cette lutte d’un nouveau genre. Elles sont présentes sur les réseaux sociaux, certes, mais ne les utilisent pas pour des offensives ou contre-offensives. Ce n’est pas leur rôle. Ces rédactions travaillent de façon traditionnelle avec un important réseau de correspondants, unsérieux et une indépendance largement reconnus par les auditeurs.

France 24 et RFI étaient assez écoutées et regardées par la population malienne. Elles constituaient une véritable alternative aux médias locaux, qui ne font souvent, surtout depuis les putschs de mai 2021, que relayer le narratif gouvernemental, dans une tendance générale de renfermement où il devient de plus en plus difficile de s’exprimerlibrement. Le gouvernement a voulu jeter le discrédit sur les médias français en multipliant les propos outranciers,comme cette comparaison avec la radio des Mille Collines, dont on connaît l’implication funeste dans le génocide rwandais.

Sur les réseaux sociaux, des officines russes travaillent aussi à décrédibiliser les médias français. La France est beaucoup moins au point que la Russie sur l’utilisation de ces nouveaux moyens mais il y a une vraie prise de conscience de la nécessité de se renforcer sur ce plan. L’affaire de Gossi, où l’armée française a pu fournir des éléments concrets et probants en réponse à une infox, est un signe de cette évolution. Les médias souffrent d’uneguerre qui les dépasse mais on ne peut pas dire qu’elle soit perdue pour la France. »

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