30
sep
2020
Espace Média L'Ifri dans les médias
Laurence NARDON, citée dans l'émission Le Journal des Idées sur France Culture.

La campagne américaine vue d'Europe

Après le premier débat de la présidentielle américaine, quelles conséquences de l’élection pour l’Europe ?

France Culture

Pour Enrico Letta, l’ancien président du Conseil italien (2013-2014) et Européen convaincu, peu d’événements dans le monde auront eu des conséquences aussi directes pour notre continent et l’état de sa démocratie que l’élection de Donald Trump. Il s’en explique aujourd’hui dans l’hebdomadaire Le 1.

Et voilà pourquoi les élections américaines nous concernent tant. Comme le rappelle Laurence Nardon, de l’Ifri, « dès la campagne de 2016, le candidat Trump avait clairement exposé sa vision des relations internationales » dans un monde « à l’état de nature », au sens de Hobbes, « un monde de violence et de rapports de force dans lequel la diplomatie et la coopération internationales sont inefficaces, voire contraires à l’intérêt des Etats-Unis ». Retrait de l’accord de Paris sur le climat, puis de l’accord sur le nucléaire iranien, guerre commerciale avec l’Europe, le bilan est éloquent. Et si Joe Biden est élu en novembre prochain, « il ne faut pas s’attendre à ce qu’il revienne en arrière sur chaque sujet de politique étrangère américaine », selon la politiste. Reste que le candidat démocrate souhaite « le retour d’une Amérique qui donne l’exemple en matière de démocratie ». La nouvelle administration respecterait l’amitié transatlantique et reviendrait « dès le premier jour » dans l’accord de Paris.

Et « Trump ne veut pas gouverner. Il veut le pouvoir », résume le journaliste et essayiste américain George Packer.

Pour l’auteur de L’Amérique défaite : portraits intimes d’une nation en crise (rééd. Points, 2018), « Trump a sorti l’Amérique de son exceptionnalisme, de cette idée que la démocratie américaine était unique et résiliente ». Il est un symptôme de son affaiblissement, en montrant « avec quelle facilité on pouvait la détruire. La Constitution, si belle et si endurante soit-elle, n’est jamais plus forte que ceux qui s’en servent ».

La démocratie en Amérique

De la fin de la démocratie en Amérique, c’est le titre provocateur qu’a choisi Philosophie magazine pour son dossier sur la campagne américaine, un dossier où Tocqueville est très présent.

On ne saurait mieux décrire le malaise que pointe Michael J. Sandel dans son diagnostic sur la crise de la démocratie en Amérique : « la tyrannie du mérite est à l’origine de la révolte populiste ». L’une des grandes figures de la pensée politique américaine dénonce la méritocratie, « qui permet aux gagnants de considérer que leur position est un dû et renvoie aux perdants l’idée qu’ils sont responsables de leur destin ». Et il plaide pour « une politique du bien commun centrée sur la dignité du travail ». On l’a vu pendant la crise sanitaire avec « les premiers de corvée » : éboueurs, pompiers, caissières, livreurs, personnels soignants, devenus indispensables, « ne jouissent pas de l’estime sociale qu’ils méritent ».

Pas d’autorité politique sans autorité morale

Le bien commun est pourtant une idée ancienne. Pour l’historien de la Renaissance James Hankins, les humanistes se sont employés à éduquer les gouvernants aux valeurs morales pour, à travers eux, réformer le monde. 

« Pétrarque lui-même, afin de se défendre des critiques virulentes qui le visaient depuis qu’il était entré en 1353 sous le patronage de l’archevêque de Milan, argue ainsi qu’il est possible d’éduquer aux vertus non seulement le prince, mais même le tyran, et de contribuer par là au bien commun » souligne Julien Le Mauff, qui rend compte pour le site La vie des idées de l’ouvrage non traduit de James Hankins sur les vertus politiques (Virtue Politics. Soulcraft and Statecraft in Renaissance Italy, Cambridge). Une correction d’envergure apportée à l’idée répandue selon laquelle l’histoire de la pensée politique n’aurait été que celle de l’avènement de l’État moderne. La leçon des humanistes : pas d’autorité politique sans autorité morale.

Par Jacques Munier.

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