29
jan
2021
Espace Média L'Ifri dans les médias
Françoise NICOLAS, interrogée par Laurent Lambrecht dans La Libre.

Commerce : pourquoi la Chine restera agressive en 2021

Sur le plan des relations économiques internationales, plusieurs événements se sont produits ces dernières semaines. Fin 2020, l’Europe a conclu ses négociations avec la Chine autour d’un accord facilitant les investissements sur leurs marchés respectifs. Selon certains analystes, cet accord a semé le doute, côté américain, quant à la volonté de l’Europe d’établir une stratégie commune face à la Chine.

 

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Rappelons toutefois que cet accord sino-européen n’est pas près d’entrer en vigueur. Il doit recevoir l’aval du Conseil européen et du Parlement européen, ce qui n’est pas acquis et prendra, au minimum, du temps.

L’autre élément marquant est la signature par Joe Biden d’un décret présidentiel (Buy American) favorisant les entreprises américaines dans leurs marchés publics. Une mesure protectionniste, dans la lignée de la politique menée par Donald Trump, qui pourrait déboucher sur une mesure européenne de protection de ses propres marchés publics.

Sur quoi ces éléments pourraient-ils déboucher en 2021 ? Quelle est la portée réelle de l’accord sino-européen ? Nous avons posé la question à François Godement, conseiller pour l’Asie
à l’Institut Montaigne, ainsi qu’à Françoise Nicolas, directrice du Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Un accord limité ?

L’accord négocié par l’Europe et la Chine a pour objectif de faciliter l’accès des investissements européens au marché chinois. L’économie européenne, elle, est déjà largement ouverte aux investissements étrangers.

Pékin s’est ainsi engagé à limiter les transferts forcés de technologie, à ouvrir certains secteurs aux entreprises européennes, et à réduire certaines contraintes comme l’obligation de créer une coentreprise pour pénétrer son marché intérieur. Avec quelles conséquences concrètes pour les entreprises européennes ? “Il n’y a pas énormément de choses nouvelles dans cet accord”, commente Françoise Nicolas.

“Et lorsqu’il y a de nouveaux engagements, on peut craindre qu’ils ne soient pas respectés, une pratique habituelle de la Chine. Je ne pense donc pas que cet accord puisse conduire à un rééquilibrage des relations économiques avec la Chine, comme le clament les Européens.”

“Il faudra voir la liste définitive des secteurs ouverts à la concurrence, mais on a l’impression que la plupart des secteurs annoncés étaient déjà ouverts”, ajoute François Godement. “Sur le plan symbolique et politique, la Chine a gagné. Elle a amené l’Europe à se séparer des États-Unis. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est la question du respect des engagements
pris. Affirmer qu’elle va lutter contre le travail forcé, c’est trop beau pour être vrai. Pékin voulait un accord et a le cynisme de proclamer son attachement à des valeurs qu’il ne suit pas.” “D’ailleurs, certains experts chinois proches du pouvoir confirment que la Chine n’a aucune intention de bouger sur la question du travail forcé”, renchérit Françoise Nicolas.

Si cet accord n’est pas suivi d’effets positifs, pourrait-il détériorer les relations entre l’Europe et les États-Unis ? “Je pense que ces derniers vont rapidement passer au-dessus de cet épisode”, estime Françoise Nicolas. “Joe Biden va rester sur une ligne dure vis-à-vis de la Chine. Mais, grâce à son ton moins agressif, il pourra bénéficier de la coopération de
l’Europe.” “Je ne crois pas que le Buy American soit de nature à détériorer les relations transatlantiques”, confirme François Godement. “Cette priorité donnée aux entreprises américaines existait bien avant Donald Trump.”

La Chine encore plus agressive ?

Par ailleurs, François Godement estime que la reprise rapide de l’économie chinoise pourrait rendre Pékin plus agressif. “Je pense que la Chine a un diagnostic de faiblesse concernant les grandes puissances industrielles, explique-t-il. Elle voit l’Europe comme divisée, en récession, menacée par la pandémie. Quant aux États-Unis, ils ne sont pas sortis de leur longue crise politique et la majorité que détient Joe Biden est fragile. Je pense donc qu’on va entrer dans une phase délicate au cours de laquelle Pékin va tester l’unité des pays occidentaux.” Au niveau économique, cela pourrait se traduire par un plan d’autonomisation technologique et une volonté d’axer la croissance sur la demande intérieure, plutôt que sur les exportations.

Si elle partage le diagnostic de la poursuite d’une stratégie agressive de la part de Pékin, Françoise Nicolas, quant à elle, est moins enthousiaste au sujet des performances économiques chinoises. “Exportations, investissements publics, ils sont revenus aux vieilles recettes, explique-t-elle. Il y a quinze ans, Pékin disait déjà qu’il fallait sortir de ce modèle sans y parvenir.” En outre, cette experte estime que l’Europe va maintenir une ligne dure vis-à-vis de la Chine.

“L’année dernière, l’Europe a ouvert les yeux sur la réalité des ambitions chinoises, déclare-t-elle. La stratégie du loup guerrier, la diplomatie des masques, la Chine a montré son vrai visage. Si certains pays européens avaient l’illusion qu’ils pourraient la faire changer, ils ont compris que ce n’était pas possible. En outre, l’Europe est plus unie, ce qui rendra son approche plus cohérente face à la Chine.”

 

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Mots-clés
Commerce international Chine