18
mar
2024
Espace Média L'Ifri dans les médias
Héloïse FAYET, interviewée par Vincent Roux dans "Points de Vue"

Guerre en Ukraine: la menace nucléaire a-t-elle augmenté ?

Héloïse Fayet, chercheuse à l'Ifri et responsable du programme de recherche Dissuasion et prolifération, était l’invitée de Vincent Roux dans «Points de Vue».

Le Figaro Magazine

Est-ce que la guerre en Ukraine n’a pas remis en question la menace nucléaire ?

C’est effectivement depuis la fin de la guerre froide, le premier conflit qui se déroule sous une ombre nucléaire aussi forte, car c'est la première fois qu'un état doté d'arme nucléaire, la Russie, se sert de cette menace nucléaire pour envahir un état qui n'a pas d'arme nucléaire donc dans ce cas l'Ukraine. Après, quand on regarde l'état du monde, on se rend compte que le retour du fait nucléaire dans les relations internationales ne date pas de février 2022.

Qu’est-ce que le nucléaire tactique ?

Il faut bien avoir en tête que les armes nucléaires tactiques qui font partie de l'arsenal russe dispose d’une puissance supérieure à Hiroshima. Donc on est quand même sur certes du tactique dans l'emploi, mais ça reste des conséquences dramatiques qui romprait le tabou sur l'arme nucléaire, qui rappelons-le n'a pas été utilisé depuis le 9 août 1945.  

Le nucléaire est-il rationnel ?

Il y a vraiment une grosse différence à faire entre la rationalité quand on parle du conventionnel et la rationalité quand on parle du nucléaire.

Poutine était rationnel dans son envie de conquérir une partie de l'Ukraine (...) car il voyait que les bénéfices d'attaquer l'Est de l'Ukraine étaient supérieurs au coût qu'on allait pouvoir lui infliger. On est pas du tout dans ce même ratio quand on parle d'arme nucléaire même d'armes nucléaires tactiques, Vladimir Poutine sait très bien que ça changerait tout à fait le cours de la guerre. Vladimir Poutine convoque la rhétorique nucléaire pour empêcher que la France et l’OTAN n'envoie encore plus de soutien à l'Ukraine parce qu'il sait que ça le met en danger.

La France, a-t-elle réussi à calmer les ardeurs de ses adversaires ?

L’avantage de la France est qu’elle dispose d’une dissuasion nucléaire indépendante, capable de répondre à cette menace nucléaire russe en produisant son propre signalement stratégique (...) permettant d'être dans un dialogue dissuasif avec Vladimir Poutine au même rang que les États-Unis.

L’ambiguïté stratégique ?

Alors de toute façon, l'ambiguïté stratégique est un concept qui existe dans la guerre conventionnelle depuis des centaines d'années et qui consiste effectivement à ne pas montrer clairement à son adversaire ce qu'on va faire parce que du coup, l'adversaire pourrait s'y préparer. Il est important de maintenir un certain flou sur ce que la France et l’OTAN pourraient faire, mais pas au point de crisper les partenaires.

La crédibilité de la France

Oui, la France n'a pas besoin de nucléaire tactique pour être crédible parce que la doctrine française n'est pas la même que celle des États-Unis ou de la Russie, pour lesquelles il y a une idée de progression dans l’escalade. La France est crédible dans sa dissuasion notamment parce que lorsque Emmanuel Macron parle d'envoyer des troupes au sol, Vladimir Poutine répond en agitant la carte du nucléaire, ce qui montre bien qu'il a perçu cette menace et qu'il sait que la France peut se permettre d'être indépendante dans ses prises de position grâce à la dissuasion nucléaire.

Un épaulement entre les forces conventionnelles et les forces nucléaires: 

Il est très important d'avoir ce qu'on appelle un épaulement entre les forces conventionnelles et les forces nucléaires afin de ne pas se reposer uniquement sur la dissuasion nucléaire.

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