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Poutine, Prigojine, Choïgou... Qui sont les gagnants et les perdants de la mutinerie de Wagner ?

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cité par Hugues Maillot dans

  Le Figaro
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La marche vers Moscou des mercenaires laissera des traces au sein de l'appareil d'État russe et de l'armée. La plupart des acteurs y ont perdu des plumes, d'autres ont su tirer leur épingle du jeu.

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L'événement a tenu en haleine toute la planète. Avant de retomber comme un soufflé. Quand les troupes de Prigojine ont entamé leur «marche de la justice» sur Moscou vendredi 23 juin au soir, les mots rébellion, voire coup d'État, étaient sur toutes les lèvres. Finalement, Wagner a interrompu son action à quelques encablures de Moscou, à la suite de négociations encore obscures. Trois jours après, l'heure est au bilan.

L'objectif affiché de Prigojine n'était pas de «renverser le pouvoir», a-t-il certifié lundi dans un message audio. Mais de «protéger Wagner» et de punir les coupables des errements de la guerre en Ukraine : le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d'état-major Valeri Guerassimov.

Finalement, l'action du «cuisinier de Poutine» n'a pas eu l'effet recherché : Choïgou et Guerassimov sont, pour l'heure, toujours en poste, et le chef du Kremlin a ordonné lundi soir aux hommes de Wagner de signer un contrat avec le ministère de la Défense ou de partir pour la Biélorussie, comme Prigojine. En revanche, cette mutinerie avortée semble avoir fissuré en profondeur un appareil d'État russe que tout le monde pensait solide. Mais aussi ébranlé ou renforcé la stature de ses différents acteurs.

 

Vladimir Poutine, une autorité ébranlée

En 2018 à la télévision russe, il jugeait la trahison «impossible à pardonner». Cinq ans plus tard, Vladimir Poutine fait preuve d'une étonnante mansuétude dans ses discours, à l'heure de sanctionner le factieux Prigojine. En ne réagissant que mollement à la mutinerie de Wagner, le chef du Kremlin «révèle des fissures réelles» au plus haut niveau de l'État russe, a asséné lundi le secrétaire d'État américain Antony Blinken. Il abandonne surtout sa stature, souvent fantasmée, de «mâle alpha» intraitable. [...]

Pourtant, Vladimir Poutine persiste à tourner les événements à son avantage. Dans son discours de lundi, le dirigeant a de nouveau insisté sur le fait qu'il avait empêché une insurrection et évité un bain de sang.

«Il retourne ainsi une faille, son incapacité à arrêter les rebelles, en avantage», constate Dimitri Minic, chercheur au Centre Russie/NEI de l'Ifri et auteur d'un livre remarqué sur l'armée russe.

 

Evgueni Prigojine, rebelle exilé

Que reste-t-il de Prigojine, trois jours après sa rébellion avortée ? On est tenté de dire : pas grand-chose. Porté disparu depuis dimanche, le patron de Wagner est arrivé à Minsk lundi. Ce week-end, il peut se targuer d'avoir imposé un dilemme au Kremlin : «Il savait probablement que le pouvoir ne pouvait pas réprimer la rébellion, car ce serait les prémices d'une guerre civile», analyse Arnaud Dubien.

Lui aussi persiste à n'exposer que le bon côté des choses :

«Il estime avoir fait une démonstration de force efficace, et avoir accepté de l'arrêter pour épargner le sang russe», souligne Dimitri Minic. Ironique, quand on comptabilise le nombre de ses hommes envoyés dans «le hachoir de Bakhmout» et les douze pilotes de l'armée de l'air russe abattus lors de son périple vers Moscou.

Désormais exilé en Biélorussie, Prigojine peut aussi se réjouir d'avoir «sauvé sa peau», souligne Arnaud Dubien. Ce n'était pas évident samedi soir. À voir, désormais, s'il gardera la main sur Wagner, et ce que deviendra la milice, sa principale source de revenus. Prigojine pourra-t-il conserver ses contrats en Afrique depuis Minsk ? De la réponse à cette question dépendra en partie la réussite de sa mutinerie. Et, ajoute Dimitri Minic, «ses capacités de nuisances futures pour un pouvoir russe affaibli».

[...]

Sergueï Sourovikine, la mauvaise surprise de Wagner

La vidéo du commandant adjoint des forces russes en Ukraine avait le mérite de la clarté : pistolet-mitrailleur sur les genoux, Sergueï Sourovikine a appelé, le soir de la mutinerie, les hommes de Wagner à déposer les armes sans attendre. Il était pourtant réputé proche d'Evgueni Prigojine. «C'était sans doute une très mauvaise surprise pour Wagner», note Arnaud Dubien. Est-ce une façon de prouver sa fidélité et de se positionner pour le poste de chef d'état-major des forces russes ?

En réalité, la posture de Sourovikine pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponse. «S'opposait-il sincèrement au coup de force de Prigojine», lui l'ancien putschiste, se demande Dimitri Minic.

«A-t-il fait un calcul opportuniste ?» «Il sait qu'il est plus apprécié que Choïgou et Guerassimov au sein des troupes russes, explique Arnaud Dubien. Ce qui ne veut pas dire qu'il a engagé une démarche active pour évincer les uns et les autres».

Alexandre Loukachenko, négociateur opportuniste

C'est sans doute lui qui a le mieux tiré son épingle du jeu. En se posant en médiateur entre Vladimir Poutine et Evgueni Prigojine, Alexandre Loukachenko «a montré toute son utilité à la Russie», souligne Arnaud Dubien. Vladimir Poutine l'a d'ailleurs remercié pour ce geste. Le dirigeant biélorusse montre ainsi qu'il n'est pas qu'un simple vassal de la Russie, et que son poids politique est non négligeable, même si sa marge de manœuvre est limitée depuis sa réélection contestée de 2020.

«Il a ses propres intérêts, son propre agenda et a jusqu'à présent su faire des concessions pour préserver sa relative indépendance», résume Dimitri Minic.

Mais la teneur des tractations demeure secrète. Il s'agit donc désormais de comprendre pourquoi Prigojine et Wagner ont été envoyés en Biélorussie au terme des négociations. «Est-il convenu que Minsk garde un œil très rapproché sur eux ?», se demande le chercheur. Ce qui poserait la question de l'utilisation de cette milice par le régime biélorusse.

[...]

 

> Lire l'article dans son intégralité sur le site du Figaro

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Dimitri MINIC

Dimitri MINIC

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Chercheur, Centre Russie/Eurasie de l’Ifri