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RD Congo : l'étrange victoire de l'opposant Félix Tshisekedi

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Paris juge « non conforme » le résultat de la présidentielle, puisque les observateurs congolais ont constaté la victoire de l'autre opposant, Martin Fayulu. Le pays pourrait se diriger vers une transition en trompe l'oeil.

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Un « véritable putsch électoral ». L'opposant Martin Fayulu a immédiatement contesté, jeudi, le résultat de la présidentielle à un seul tour du 30 décembre en République démocratique du Congo (RDC). La commission électorale avait donné dans la nuit la victoire à un autre opposant, Félix Tshisekedi, avec 38 % des voix, contre 34 % à Martin Fayulu et 23 % à Ramazani Shadary, le dauphin du président Joseph Kabila.

Paris et Bruxelles expriment des doutes

Il est vrai que ce résultat ne correspond pas aux remontées des 70.000 observateurs congolais, issus de la conférence des évêques, des Protestants et de la société civile, qui donnaient une confortable avance à Martin Fayulu.

D'ailleurs, la France a jugé ces résultats « non conformes » et la Belgique, ancienne puissance coloniale, a exprimé ses « doutes », qui « feront l'objet de débats au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies » . Les Etats-Unis n'ont pas réagi jeudi, tout comme l'Angola ou l'Afrique du Sud, très impliqués dans l'organisation de ce scrutin avec deux ans de retard sur le calendrier constitutionnel.

Deux années durant lesquelles l'église et les partenaires étrangers du deuxième pays francophone du monde ont fait pression sur Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001 après l'assassinat de son père, pour qu'il ne brigue pas un troisième mandat anticonstitutionnel.

Un événement sans précédent

Certes, la victoire d'un opposant ouvre la voie à une transition électorale et pacifique, ce qui serait sans précédent depuis l'indépendance en 1960, et rarissime en Afrique centrale.

  • Mais il s'agirait d' « une alternance trouble », juge Thierry Vircoulon, spécialiste du pays à l'Institut français des relations internationales, pour qui « cela ressemble à un résultat négocié, un compromis entre le clan Kabila et le clan Tshisekedi » . Ce dernier a eu des contacts avec l'équipe du président avant et après le scrutin et Félix Tshisekedi a assuré jeudi que Joseph Kabila était un «important partenaire politique » . La firme de conseil Exx Africa a estimé dans une note que, « a u moins au début, Tshisekedi dépendra politiquement de Kabila, qui veut obtenir des garanties contre toute inculpation » pour corruption « et la protection des substantiels intérêts économiques de sa famille » .

Martin Fayulu contestera certainement le résultat devant la Cour Constitutionnelle, qui a dix jours pour statuer. Il a demandé au peuple congolais de ne pas se laisser « voler sa victoire », sans appeler toutefois à des manifestations. La situation était calme jeudi dans la capitale.

  • Parmi les nombreux scénarios possibles (y compris l'annulation des résultats), celui d'un soulèvement n'est pas le plus probable, estime Thierry Vircoulon, « car après tout, les Congolais ont obtenu ce qu'ils voulaient en priorité, l'alternance, même si elle n'est sans doute pas sincère. Le pouvoir a coupé l'herbe sous le pied de l'opposition » .

Toute la question sera, ajoute-t-il, de savoir si le « pacte » ente Kabila et Tshisekedi tiendra, comme on le verra dans la répartition des postes ministériels, au vu de l'équilibre des forces au sein du Parlement (les législatives ont aussi eu lieu le 30 décembre). La stabilité de la RDC importe en raison des réserves naturelles et de la taille du pays (quatre fois la France et 81 millions d'habitants), déjà déchiré par deux guerres civiles qui ont impliqué jusqu'à sept de ses pays voisins.

 

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Thierry VIRCOULON

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Chercheur associé, Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri