26
déc
2021
Espace Média L'Ifri dans les médias
Paul MAURICE, interviewé par Nicolas Feldmann dans « L’Européen de la semaine » sur RFI  

Du repos, des voyages et l’écriture de ses mémoires : l’avenir d’Angela Merkel

Après 16 ans à la tête de l’Allemagne, Angela Merkel a passé la main à son successeur Olaf Scholz le 8 décembre. Très discrète sur ses projets, l’ex-chancelière prévoit de faire une pause et s’est lancée dans la rédaction de ses mémoires politiques.

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Le 8 décembre 2021, une page de l’Allemagne se tourne. Au Bundestag, Angela Merkel reçoit une dernière ovation. Dans son tailleur sombre, elle se lève, salue les députés, esquisse un sourire derrière son masque, puis se rassoit, presque impassible. Les adieux sont sobres, à l’image de la chancelière : 4 mandats, 16 ans à la tête du pays. « Mutti », maman, comme l’appellent les Allemands, s’en va et à 67 ans, elle commence une nouvelle vie.

« Elle va faire enfin pouvoir faire ses premiers pas en liberté », explique la grand reporter Marion Van Renterghem, auteure de la biographie « C’était Merkel » (éditions Les Arènes). « Elle veut profiter de cette vie libre qu’elle n’a jamais eue, que ce soit sous la dictature est-allemande de 1954 à 1989 ou quand elle était en politique : députée, ministre, secrétaire générale de l’Union chrétienne démocrate (CDU), puis chancelière de 1990 à 2021. Elle a ce rêve de jeunesse de voir les grands espaces américains, russes. » Angela Merkel, physicienne de formation, prévoit également de visiter la douzaine d’universités qui l’ont gratifiée d’un doctorat honorifique, en Israël ou en Finlande.

En Allemagne, elle devrait passer du temps dans sa « datcha », sa maison de campagne de Templin à 80 km de Berlin. D’après le maire, Detlef Tabbert, c’est en tout cas elle-même qui supervise les travaux. « Il y a quelques semaines, un carreleur m’a dit : "Tu ne me croiras jamais, je viens de recevoir un appel d’Angela Merkel" », raconte l’élu rencontré sur place par Achim Lippold. L’artisan croit d’abord à canular d’une radio locale avant que le téléphone ne sonne à nouveau et qu’il réalise qu'Angela Merkel est bien au bout du fil. « D’après ce que je sais, la rénovation de la salle de bain est terminée, explique Detlef Tabbert. Elle prend en charge elle-même ce genre de choses : cela montre qu’elle est restée très terre à terre, elle s’occupe des choses banales comme vous et moi. »

« Je me vois bien dormir un peu »

Sauf qu’en tant qu’ancienne chancelière, Angela Merkel ne devrait manquer de rien. L’État devrait lui verser une pension de retraite estimée à 15 000 euros par mois par une association allemande de contribuables. Elle aura aussi droit à des gardes du corps à vie, ainsi que deux chauffeurs et un bureau. Mais pour ce qui est de ses autres projets, Angela Merkel se fait discrète. Fera-t-elle une pause pour s’adonner à ses passions, les randonnées ou les concerts d’opéra ? « Je me vois bien dormir un peu », concédait-elle tout juste cet été lors de l’un de ses derniers voyages officiels à Washington. Une chose est sûre pour Marion Van Renterghem, Angela Merkel n’occupera plus de hautes responsabilités politiques. « Elle se fiche des honneurs ou des postes de représentation. Elle ne sera pas présidente de la Commission européenne ou secrétaire générale des Nations unies, comme certains ont pu le penser. Je la vois bien en revanche monter une fondation, prendre une cause et s’y donner à fond. »

Angela Merkel s’est aussi lancée avec sa proche conseillère Beate Baumann dans la rédaction de ses mémoires politiques. « La chancelière ne veut pas expliquer toute sa vie, détaille dans l’hebdomadaire Der Spiegel celle qui fut sa cheffe de bureau de 2005 à son départ. Elle veut expliquer ses principales décisions politiques avec ses propres mots et en se référant à son parcours. » Le projet d’écriture doit durer entre deux à trois ans. 

« Sur la crise grecque, on aimerait savoir ce qu’il l’a fait attendre si longtemps avant de débloquer le premier plan de sauvetage en 2010s’interroge Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA) de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Ou encore qu’est-ce qui l’a conduite à ouvrir les frontières aux migrants en 2015 ? Qu’est-ce qui l’a guidée toutes ces années ? Toutes ces questions sont restées en suspens. Est-ce qu’elle y répondra ? On peut l'espérer. »

À l’heure de dresser son bilan de 16 années à la tête de l’Allemagne, la journaliste Marion Van Renterghem rapporte dans son livre des propos d’Angela Merkel lors d’une réunion à Stralsund. À un participant qui lui demande : « Que voulez-vous que les livres d’histoire retiennent de vous dans 50 ans ?, elle répond : "Elle n’a pas ménagé sa peine" ».

 

 

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