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La Russie, une puissance spatiale en perte de vitesse

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Face au défi du retour sur la Lune, l’Inde fait atterrir une sonde, les Etats-Unis misent sur le dynamisme de leurs groupes privés, et la Russie décline. Outre la guerre en Ukraine qui prive le secteur de financements, le pays s’est contentée de vivre sur les acquis de l’époque soviétique. D’où l’échec cuisant de l’alunissage de Luna-25 le 20 août.

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La sonde spatiale russe Luna 25, 3 août 2023
La sonde spatiale russe Luna 25, 3 août 2023
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Le 11 août, la Russie lançait, depuis le cosmodrome Vostochny en Sibérie orientale, sa première mission lunaire depuis la fin de la guerre froide. La précédente mission Luna-24, menée par l’Union soviétique, remontait à 1976. Dans l’exploration spatiale, c’est une éternité. L’échec de l’alunissage de la sonde russe Luna-25, le 20 août, à la suite de sa collusion sur le sol sélène rappelle la difficulté technique d’une telle mission. Celle-ci devait consacrer le retour de la Russie sur la Lune en explorant son pôle sud. Longtemps portée par la formation, l’expertise et la technologie soviétiques, la Russie n’est désormais plus un acteur de premier plan. Au cours des trois dernières décennies suivant la fin de la guerre froide, le programme spatial russe a vécu sur une rente, sans investir dans la recherche et l’innovation pour préserver son statut de grande puissance spatiale. Hasard du calendrier, le succès de l’alunissage de la sonde indienne Chandrayaan-3, le 23 août, agit comme un effet miroir au sein de la communauté internationale. Le croisement des trajectoires russe et indienne est un symbole du changement des rapports de force qui ont cours dans l’espace. Objet de fierté au sein de l’opinion publique russe, cet échec est vécu comme la marque d’un programme spatial qui n’a plus le prestige d’antan.

Un environnement de plus en plus concurrentiel

Le programme spatial civil est une victime collatérale des sanctions économiques occidentales qui ont suivi l’invasion russe en Ukraine, parachevant sa phase de dépression. Dans les années 90, la Russie avait pourtant noué une coopération étroite avec les pays occidentaux, illustrée par la mise en orbite de la Station spatiale internationale en 1998 : si la coopération sur la station subsiste, cette dernière est en déclin et devrait définitivement plonger dans l’océan Pacifique en 2031. Dans la conquête de l’espace, la Russie apparaît comme une puissance isolée.

L’accélération et la complexification de la compétition internationale pour les grandes missions spatiales mettent en difficulté le pays, qui n’a pas su maintenir sa compétitivité industrielle, scientifique et technologique depuis le début du XXIe siècle. De nouvelles puissances sont en train d’émerger comme l’Inde, les Emirats arabes unis ou encore la Turquie. A cela s’ajoute un écosystème industriel états-unien dynamique mené par les groupes privés – SpaceX, Blue Origin et Virgin Galactic – qui renforce l’hégémonie spatiale du pays. Cependant, le développement à grande vitesse d’un programme spatial chinois, fait de l’empire du milieu le nouveau grand rival des Etats-Unis. Dans cette confrontation géopolitique entre les deux puissances économiques mondiales, la Lune se retrouve au centre de cette rivalité systémique qui s’est étendue au domaine spatial.

Les distances prises par la Chine

Dans cette recomposition géopolitique, quel avenir pour le programme spatial russe ? Confronté à une crise existentielle, le pays s’enlise dans la guerre. Pour l’heure, les autorités russes, par l’intermédiaire du directeur de l’agence spatiale russe Roscosmos, Iouri Borissov, insistent sur la nécessité de maintenir le cap et préparer les futures missions lunaires. Sur le plan domestique, le secteur spatial reste soumis à des défis structurels, dont le vieillissement technologique, le déclin démographique et une orientation budgétaire qui donne la priorité au volet militaire au détriment de son programme civil. Ces effets vont progressivement s’accentuer au cours de la prochaine décennie. Au niveau international, Moscou compte sur la Chine, partenaire clé, pour l’accompagner. Néanmoins, après l’échec de Luna 25, la Chine a pris ses distances en annonçant par le biais de son ministère des Affaires étrangères que son objectif était de renforcer ses partenariats internationaux. A l’aune du second âge pour la conquête de la Lune, Moscou doit revoir à la baisse son ambition spatiale, fruit d’un encombrant héritage soviétique, si elle ne veut pas à terme subir son déclassement de manière plus brutale.

 

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Florian VIDAL

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Chercheur associé, Centre Russie/Eurasie de l'Ifri

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