Pologne, première armée d'Europe en 2035 ? Perspectives et limites d'un réarmement

Cette étude cherche à éclairer le public français sur l’évolution de la politique de sécurité et de défense de la Pologne depuis la fin de la guerre froide, puis à évaluer l’importance et la crédibilité du renforcement capacitaire amorcé en 2022, avant de proposer une série de recommandations sur l’évolution de la coopération franco-polonaise.

Depuis 2022, en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Pologne s’est lancée dans un ambitieux programme visant à accroître de façon exponentielle ses capacités militaires. Consacrant plus de 4 % de son budget à la défense et ayant pour objectif de construire la première armée de Terre d’Europe, la Pologne s’impose comme une exception dans le paysage sécuritaire européen et comme l’un des acteurs majeurs de la zone euro-atlantique. Cette montée en puissance s’inscrit et parachève une transformation quasi continuelle de l’outil militaire depuis la transition démocratique consécutive à la chute du mur de Berlin.
Cette montée en puissance s’inscrit et parachève une transformation quasi continuelle de l’outil militaire depuis la transition démocratique consécutive à la chute du mur de Berlin. À l’orée des années 1990, la Pologne a opéré une réorientation complète de l’ensemble de ses politiques. La chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) lui ont permis d’envisager son « retour vers l’ouest » symbolisé par l’adhésion à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) en 1999 et à l’Union européenne (UE) en 2004. Depuis lors, la politique de défense de la Pologne s’est caractérisée par quelques grandes constantes, notamment l’importance de la relation transatlantique à travers l’OTAN et la relation bilatérale avec Washington qui ne connaît pas de véritables heurts ou éloignements depuis le début des années 1990. Une autre constante est l’investissement constant dans la défense, Varsovie considérant que sa sécurité doit aussi reposer sur un outil militaire crédible. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il faut comprendre la dynamique de réarmement amorcée depuis l’adoption de la Loi sur la défense de la Nation en février 2022.
Confrontée à une menace russe considérée comme majeure depuis l’annexion de la Crimée en 2014, la Pologne adopte une stratégie de montée en puissance militaire caractérisée par la masse et l’urgence des acquisitions, ainsi qu’une augmentation de ses effectifs afin d’atteindre les 300 000 militaires – professionnels, réservistes et volontaires – d’ici 2035. Ce réarmement privilégie les composantes aéroterrestres au détriment de la Marine qui reste un parent pauvre, Varsovie ne cherchant pas à développer un modèle d’armée complet. L’objectif est de construire une dissuasion conventionnelle crédible pour pallier l’absence de dissuasion nucléaire indépendante face à une Russie plus agressive que jamais.
Cet objectif est d’autant plus ambitieux qu’il se distingue d’une tendance européenne plutôt tournée vers la consolidation et le renforcement qu’à la massification des forces armées. Pour l’atteindre, la Pologne profite d’un consensus politique transpartisan ainsi que d’une forte vitalité économique et industrielle. Elle souffre en revanche d’une démographique en berne susceptible de mettre à mal ses ambitions. Malgré tout, quand bien même celles-ci ne seraient qu’à moitié remplies, la Pologne disposerait déjà du premier outil militaire d’Europe dans le domaine aéroterrestre, renforcé et modernisé en profondeur. Cette évolution capacitaire devrait permettre à Varsovie de faire pencher le barycentre militaire européen en sa faveur devenant un acteur incontournable sur le théâtre est-européen et au sein de l’OTAN.
De son côté, la France renforce sa présence sur le flanc Est de l’Europe, réalisant son propre « pivot européen ». Bien qu’appuyé en priorité sur l’Estonie et la Roumanie, ce changement stratégique accorde une place croissante au partenariat avec la Pologne, bientôt enrichi d’un nouvel accord de coopération multi-domaine, le futur traité de Nancy, qui doit être signé courant 2025. Cette dynamique est indispensable pour la cohérence de la stratégie continentale de la France. Elle doit se renforcer afin d’associer durablement deux acteurs majeurs de la défense européenne dans un partenariat susceptible d’influencer l’architecture du continent.
Contenu disponible en :
Thématiques et régions
ISBN / ISSN
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Pologne, première armée d'Europe en 2035 ? Perspectives et limites d'un réarmement
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analyses2001-2025 : guerre globale contre le djihadisme
Malgré des moyens considérables dédiés à la guerre globale contre le terrorisme, la menace djihadiste n’a pas disparu.
L’Iran face à ses limites : 10 points sur les causes structurelles d’une cassure tactique
Proxies régionaux. Soutien de Moscou. Latence nucléaire. Dissuasion balistique. L’équilibre sur lequel Téhéran avait bâti sa doctrine a chancelé — avec une rapidité impressionnante. Une semaine après l’annonce d’un cessez-le-feu entre l’Iran et Israël, il est possible de dresser un bilan détaillé des raisons structurelles qui ont permis à Tel Aviv de déjouer les plans de la République islamique et de dégager des perspectives.
Repenser la fonction « Protection – Résilience ». Un nécessaire changement de paradigme face à un environnement qui se durcit
La France comme les autres pays européens est confrontée de manière directe, tout particulièrement depuis le début de la guerre en Ukraine, à une stratégie hybride de déstabilisation mise en œuvre par la Russie. Cette stratégie se matérialise dans l’ensemble des champs et des milieux possibles d’affrontement et a pour objectif, outre de saper le soutien occidental à l’Ukraine, d’affaiblir les pays européens avec lesquels la Russie se perçoit dans une confrontation systémique de long terme.
Réformer les commandements de l’OTAN. Entre européanisation, émergence de nouveaux leaders et rôle des États-Unis
Au moment où le Sommet de l'OTAN se tient à La Haye du 24 juin au 25 juin 2025, la réélection de Donald Trump à la présidence américaine interroge profondément la nature du lien transatlantique. Si les garanties de sécurité de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), article 5 et dissuasion nucléaire notamment, ne sont pour l’instant pas officiellement remises en cause ou amoindries, des projets de la nouvelle administration portent sur le désengagement de fonctions au sein de l’Alliance, en particulier le poste de SACEUR (Supreme Allied Commander Europe).