"La Russie adopte des caractéristiques de l'économie iranienne": entre produits obsolètes, émergence du troc et inflation à 8%, l'économie russe (qui avait résisté) craque
Alors que l'économie russe s'était maintenue jusqu'en 2024, les perspectives à moyen et long terme semblent moins favorables. C'est ce qui ressort d'une étude, qui dresse un état des lieux des rapports de force entre la Russie et l'Europe.
Le constat est sans appel : "les perspectives [économiques] à long terme pour la Russie sont sombres". L'étude de l'Institut français des relations internationales (Ifri) intitulée "Europe-Russie : évaluation des rapports de force", publiée sous la direction de Thomas Gomart, met en exergue les difficultés auxquelles la Russie fait face sur le volet macroéconomique.
"L'élan économique de la Russie a culminé à la fin de 2024, et le pays s'oriente désormais vers une stagflation", affirme le rapport.
Selon l'auteur de ce chapitre Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre énergie et climat, après une période "faste" entre 2022 et 2024 et une croissance du PIB à 4,3% en 2024, la situation se complique fortement pour la Russie. Le pays subit le contrecoup des sanctions européennes liées à la guerre en Ukraine, un rétrécissement de son commerce extérieur et la ré-orientation vers une économie fixée sur le financement de l'effort de guerre.
Le ralentissement observé dans l'étude de l'Ifri évoque une hausse de l'inflation qui est encore à 8% en octobre – la Banque centrale de Russie (BCR) ayant augmenté son taux directeur de 7,5% fin 2021 à 21% entre octobre 2024 et mai 2025 –, un déficit budgétaire qui devrait atteindre -2,6% en 2025, ainsi qu'une diminution "rapide" des liquidités du Fonds national de richesse (un fonds de réserve budgétaire qui n'a pas été réapprovisionné depuis 2023).
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"La capacité de la Russie à s'adapter à la réalité économique changeante de la guerre qu'elle a déclenchée a désormais atteint son maximum", énonce le rapport.
Pétrole et gaz
"Le secteur gazier russe ne pourra pas se remettre de la perte du marché européen", indique le rapport, alors que l'Europe a réussi son "découplage énergétique" et que la Chine n'importera pas autant de volume que les pays européens.
Quant au pétrole, les sanctions infligées à Lukoil et Rosneft par les États-Unis "ajouteront des contraintes supplémentaires au budget russe" et devraient avoir des conséquences sur les importations de l'Inde et la Chine, qui pourraient réduire leur approvisionnement et dont les investissements dans l'industrie pétrolière russe "sont peu probables", prédit l'étude de l'Ifri.
Financer l'effort de guerre
Pour financer l'effort de guerre, toujours plus conséquent, le gouvernement russe a diminué les dépenses publiques et augmenté la fiscalité dans certains secteurs. Ces mesures ont permis de consacrer "environ 8 à 10% du PIB en 2025" aux dépenses de défense.
La stratégie de contournement des sanctions a permis à la Russie de trouver des voies d'approvisionnement alternatives, en rapprochant Moscou de Téhéran, pékin ou encore Pyongyang. L'obtention d'une licence de production des Shahed iraniens est l'exemple même du renforcement de ces partenariats.
Revers de la médaille: si l'économie russe se concentre sur l'effort de guerre, l'étude relève que "la production de biens (…) en retard sur le plan technologique, ne bénéficie plus d'aucun élan de compétitivité". Le document constate que "les produits russes sont obsolètes".
"À quelques exceptions près, l’industrie russe de l’armement a largement perdu la confiance des acheteurs et, quoi qu’il en soit, les équipements de pointe ne sont plus disponibles à l’exportation", relève également l'étude.
Iranisation de l'économie russe
Pour Marc-Antoine Eyl-Mazzega, "l'ensemble de l'économie russe adopte progressivement des caractéristiques de l'économie iranienne". L'auteur cite quelques caractéristiques de cette comparaison : capacité à contourner les sanctions, isolement vis-à-vis de l'Occident mais commerce avec d'autres partenaires "toujours plus en dehors du système traditionnel", dépréciation de la monnaie "remplacée par le troc, l'or et d'autres devises"...
A contrario, l'auteur note qu'à la différence de l'Iran, la Russie est bien plus dépendante d'un pays voisin (la Chine) "pour sa survie", qu'elle reste un acteur important sur la scène internationale (et siège au Conseil de sécurité de l'ONU) et a su s'imposer comme acteur majeur dans le secteur agricole (en particulier le blé).
> Lire l'article sur le site de BFM TV.
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Découvrir la nouvelle Étude de l'Ifri « Europe-Russie : évaluation des rapports de force »
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