La Silicon Valley prend un virage militaire inédit, de Google à Palantir
Décryptage - Reflet d’un bouleversement culturel majeur, des entreprises de tech américaines telles Meta, OpenAI ou Google s’autorisent désormais à être actives dans les secteurs militaire et de la sécurité nationale, rejoignant les pionniers Palantir ou Anduril.

Alex Karp, le fondateur de Palantir, sait savourer une revanche : « Notre intérêt à armer les Etats-Unis d’Amérique, à nous assurer que leurs forces de défense et de renseignement aient des logiciels plus létaux et précis que ceux de leurs adversaires, a été pendant des années marginalisé et considéré comme politiquement mal avisé », a rappelé le dirigeant de la start-up californienne de traitement de données, en mai, dans sa lettre aux actionnaires, avant de se réjouir d’un changement d’ambiance dans la tech américaine : « Certains dans la Silicon Valley ont, aujourd’hui, passé un cap et commencé à suivre nos traces », a constaté M. Karp.
Ce propos illustre une vraie tendance. Ces derniers mois ont été l’occasion d’un rapprochement entre le secteur de la défense et les grandes entreprises du numérique américaines, dont certaines avaient pourtant souhaité auparavant se tenir à l’écart des activités militaires. « Il y a un virage culturel chez certaines entreprises de la tech aux Etats-Unis », décrypte Laure de Roucy-Rochegonde, directrice du centre géopolitique des technologies de l’Institut français des relations internationales.
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Changement de pied
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« La nouvelle phase de rapprochement actuelle est notamment liée au fait que les armes ont changé, décrypte la professeure d’histoire à l’université de Washington. Le type de technologies auxquelles s’intéressent les militaires américains a progressivement basculé vers l’intelligence artificielle, les drones, les matériels autonomes ou la guerre cyber. » « Historiquement, le savoir-faire était dans les contenants comme les avions, les chars, etc. Aujourd’hui, la valeur est davantage dans le logiciel : fabriquer un drone est perçu comme plus facile que de concevoir l’IA embarquée qui le rend performant », ajoute Mme Roucy-Rochegonde.
« Les conflits en Ukraine et à Gaza ont aussi servi de laboratoire et ont fait la démonstration de l’essor de ces technologies sur le champ de bataille », explique la chercheuse. La spécialiste de la défense note qu’en Ukraine, ont été utilisés des matériels d’entreprises de tech américaines comme les terminaux Starlink de M. Musk ou des logiciels de Palantir.
Enfin, le retour au pouvoir de M. Trump – qui a fait le vœu de dominer l’IA pour contrer la Chine et d’augmenter le budget de défense jusqu’à 1 000 milliards de dollars pour 2026, soit une hausse de 13 % – a aussi joué un rôle dans le rapprochement entre les sphères tech et militaire. « Cela a décomplexé des acteurs du numérique qui, de façon plus ou moins opportuniste, ont ajouté le patriotisme et la défense nationale à leurs valeurs, alors que c’étaient des notions auparavant beaucoup plus taboues », estime Mme Roucy-Rochegonde. De nouveaux liens se tissent.
« Une évolution préoccupante »
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L’association AI Now Institute s’était, elle, inquiétée des évolutions d’OpenAI. « Pourrait-il y avoir une levée de boucliers des utilisateurs d’une entreprise de tech, par exemple si elle coopérait avec l’armée israélienne ? La question se pose, mais on ne voit pas de boycott massif à ce stade », estime Mme Roucy-Rochegonde. A l’avenir, l’essor d’armes – robots ou drones – toujours plus autonomes ne manquera toutefois pas de susciter polémiques et dilemmes éthiques.
> Lire l'article complet sur le site du Monde.
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