Rechercher sur Ifri.org

À propos de l'Ifri

Recherches fréquentes

Suggestions

« Leur apport tactique est encore pertinent » : comment les chars de combat résistent à la suprématie des drones

Interventions médiatiques |

interrogé par Amaury Coutansais-Pervinquière dans

  Le Figaro 

 

 
Accroche

Avant de pénétrer en Ukraine, l’armée russe disposait de vastes arsenaux de chars hérités de l’ère soviétique. Mais les pertes ont été telles qu’ils semblaient avoir déserté le champ de bataille. Certains observateurs prédisaient sa disparition. Une obsolescence annoncée que nuance Léo Péria-Peigné dans une étude publiée ce lundi : Char de combat : Obsolescence ou renaissance ? Léo Péria-Peigné est chercheur au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri), et spécialiste des armements. 

Image principale médiatique
Varsovie, Pologne, 15 août 2024. Des militaires polonais présentent des chars K2 Black Panther sur Wislostrada dans le centre de Varsovie lors d'un défilé militaire le jour de l'armée polonaise.
Des militaires polonais présentent des chars K2 Black Panther sur Wislostrada lors d'un défilé militaire le jour de l'armée polonaise, Varsovie - 15 août 2024
dom zara/Shutterstock.com
Table des matières
Table des matières

Texte citation
Le char reste un outil militaire important en haute intensité sur lequel la plupart des pays font le choix d’investir, faute de solution plus pertinente ou adaptée.

Photo
Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri
Léo PÉRIA-PEIGNÉ
Intitulé du poste
body
LE FIGARO. - Selon  le site Oryx , la Russie aurait perdu plus de 4000 chars de combat depuis le début de l’invasion, un nombre inédit depuis la Seconde Guerre mondiale. Quelles en sont les causes principales ?

Plusieurs tendances se dégagent. D’abord, le combat « char contre char » reste très rare et concerne dès 2022 moins de 5% des pertes. La plupart de celles-ci sont causées par l’artillerie, les mines et les armes antichars, le plus souvent agissant de concert. Les drones prennent une place croissante à partir de 2023 mais restent longtemps utilisés pour achever des chars immobilisés par d’autres armes ou abandonnés par leurs équipages.

La destruction complète d’un char au seul moyen d’un unique drone reste très rare, d’autant que les chars s’adaptent tout au long du conflit. Aujourd’hui encore, détruire un char abondamment modifié requiert souvent plus d’une trentaine de drones pour l’éliminer ou même simplement l’immobiliser.

« La proportion de chars considérés comme détruits par les drones n’a fait qu’augmenter au fil des années, atteignant 50% en 2025 », dites-vous dans votre étude. Le char est-il voué à devenir obsolète ?

Cette impression d’obsolescence du char face au drone provient de l’abondance d’images et de vidéos de frappes captées par ces mêmes drones au moment de l’impact, souvent suivi d’une détonation spectaculaire. Elles ne sont pourtant le plus souvent qu’une conclusion, et éclipsent un processus bien plus complexe : une partie des chars détruits par des drones ont été endommagés ou immobilisés par d’autres armes comme les mines ou l’artillerie. La diffusion de ces images finales omet aussi le grand nombre de tentatives et de drones nécessaires pour détruire ces chars.

En outre, vulnérabilité ne rime pas toujours avec obsolescence. Le char est vulnérable aux attaques de drones, comme le sont les fantassins ou les véhicules plus légers mais il reste bien plus résilient que ceux-ci tout en étant une plateforme remarquablement adaptable : aux cages anti-drones de 2022 ont succédé des modifications de terrain et d’emploi de plus en plus ambitieuses pour réduire l’efficacité des drones et permettre aux forces de continuer à profiter des qualités intrinsèques du char en termes de puissance de feu, de mobilité tout-terrain et de durabilité au feu. L’obsolescence se détermine selon moi davantage par le fait d’être avantageusement remplacé par les drones que par le fait d’y être vulnérable. 

Quelles adaptations tactiques et techniques les armées russes et ukrainiennes mettent-elles en œuvre pour limiter la vulnérabilité de leurs chars ?

D’abord la généralisation du tir indirect (c’est-à-dire un tir sur cible non-visible depuis l’emplacement de l’arme, NDLR), complètement abandonnée par les Occidentaux sur la dernière génération de char (Léopard 2, Leclerc). Cette pratique héritée de l’URSS a gardé toute son importance pour les deux armées. En plus d’enrichir la palette tactique à disposition des commandants, le tir indirect permet aux chars d’agir sur le front tout en restant à distance raisonnable d’une kill-zone dronisée. Avec le développement de calculateurs balistiques appropriés, un char ukrainien est aujourd’hui en mesure de procéder à un tir indirect efficace en moins de 2 minutes à plus de 10 kilomètres de sa cible !

Le temps des grands assauts blindés envisagés avant-guerre a cependant vécu. Considérés comme des atouts de valeur, les chars sont aujourd’hui préservés pour des assauts plus ponctuels, de nuit ou dans le brouillard pour limiter la présence des drones. Les chars russes les plus anciens sont aussi réutilisés en transport de troupes fortement blindés et recouverts d’une superstructure anti-drone improvisée pour amener le fantassin au plus près de la ligne adverse. Moqués au départ, ces chars « tortues » ont prouvé leur efficacité et requièrent un effort particulier pour être mis hors de combat.

Ces improvisations découlent cependant directement d’une situation tactique ukrainienne très particulière, notamment liée à l’absence de supériorité aérienne : il est peu probable qu’elles auraient eu lieu dans un conflit plus ouvert.

Quels enseignements la guerre en Ukraine apporte-t-elle quant à la place du char sur le champ de bataille moderne ?

Elle nous montre l’impérieuse nécessité d’adapter l’ensemble de nos systèmes d’armes à la dronisation massive du champ de bataille. Quel que soit le prochain conflit auquel devront prendre part les forces françaises, il est indubitable que les drones y prendront une place notable sinon majeure.

Cela ne disqualifie pas pour autant le char. Ils devront évoluer dans leur architecture, leurs capacités comme dans leur usage, mais leur apport tactique en termes de puissance de feu, de mobilité et de protection semble encore suffisamment pertinent pour mériter cet effort d’adaptation aux nouvelles réalités du champ de bataille. Si les leçons d’Ukraine doivent être apprises pour préparer les conséquences des évolutions récentes, elles doivent aussi être remises dans un contexte qui pourrait évoluer d’ici au prochain conflit.

L’avenir du char pourrait ainsi passer par une plus grande utilisation du tir indirect, par une transformation en transport de troupes « surblindés » à l’image des choix israéliens ... Le char revenant ici à sa fonction première d’accompagnement de l’infanterie. L’intégration de capacités dronisées semble aussi incontournable pour améliorer la conscience de situation de l’équipage, automatiser certaines fonctions de protection ou disposer d’armes plus variées. 

[...]

> Lire l'article dans son intégralité sur le site du Figaro

Titre
Découvrir la nouvelle étude de Léo Péria-Peigné : « Char de combat : obsolescence ou renaissance ? »
Image
Couverture Focus stratégie char de combat Léo Peria Peigné
Decoration

Média

Nom du journal, revue ou émission
Le Figaro

Journaliste(s):

Journaliste
Amaury Coutansais-Pervinquière

Format

Catégorie journalistique
Article

Partager

Decoration
Auteurs
Photo
Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri

Léo PÉRIA-PEIGNÉ

Intitulé du poste
Crédits image de la page
Des militaires polonais présentent des chars K2 Black Panther sur Wislostrada lors d'un défilé militaire le jour de l'armée polonaise, Varsovie - 15 août 2024
dom zara/Shutterstock.com