Les Afro-Asiatiques : acteurs ou enjeux de la scène politique internationale ?
Né à la conférence de Bandung, en 1955, l’afro-asiatisme marqua de son empreinte la seconde moitié du XXᵉ siècle. «Mythe politique inspirateur d’actions», il favorisa la décolonisation et permit l’émergence du Tiers-Monde sur la scène internationale, derrière les figures de Nasser, Nehru, Sukarno et Zhou Enlaï. Pris dans l’étau de la guerre froide, il ne put cependant résoudre certaines contradictions, entre non-alignement et pro-communisme, discours libérateur et régime autoritaire, indépendance politique et dépendance économique. En définitive, l’expérience afro-asiatique se sera surtout distinguée par sa contribution décisive à la démocratisation des relations internationales.
Généalogie de l'afro-asiatisme
L'âge des Empires vit l'achèvement de la domination européenne sur la totalité de l'Ancien Monde et de l'Afrique noire. Car si cette domination fut largement assurée dans les premières décennies du XIXᵉ siècle, la prise de contrôle direct d'immenses territoires en Afrique et en Asie fut surtout le fait du demi-siècle qui précéda la guerre de 1914-1918 et que l'on peut définir comme le temps de la première mondialisation. Parallèlement, et en dépit des rivalités impériales, les colonisateurs ressentirent très tôt la nécessité d'une solidarité commune face aux révoltes des peuples soumis. On le voit bien dans les expéditions militaires collectives menées en Chine. Cette peur occidentale fut le symétrique de l'idéologie qui se développait alors parmi les peuples colonisés. Une idéologie qui reconnaissait la différence, établie par l'Occident, entre « eux » et « nous », et postulait que le mouvement naturel de l'histoire allait dans le sens d'une réappropriation, par les peuples colonisés, des catégories inventées pour les désigner. Les non-Blancs se trouvaient ainsi en position d'incarner à leur profit la « mission de l'homme blanc ».
Dès les années 1870, les élites des peuples dominés prirent donc conscience de cette communauté de destin qui les unissait face au pouvoir blanc. Le premier mouvement de résistance à l'impérialisme d'une certaine ampleur fut, à la fin du XIXᵉ siècle, le panislamisme (le terme apparaît en 1880-1881). Il se renouvela régulièrement tout au long du XXᵉ siècle, suscitant, bien avant 1914, la première peur de l'Occident. Cette peur fut bientôt relayée par le « péril jaune » qui, curieusement, inquiétait surtout des États peu présents en Asie, comme l'Allemagne impériale. Celle-ci tenta, néanmoins, pendant la Grande Guerre, de susciter la révolte des peuples des Empires coloniaux français et britanniques. Ces derniers répliquèrent en encourageant l'émergence d'un mouvement panarabe d'abord limité à l'Asie, mais qui ne tarda pas à exercer son attraction sur le nord de l'Afrique. Il eut un prolongement immédiat en Russie soviétique, avec le célèbre congrès, à Bakou, de l'Internationale communiste. Le soutien aux mouvements révolutionnaires, même bourgeois, devint un mot d'ordre. Durant la Seconde Guerre mondiale, enfin, ce fut au tour du Japon de se faire le héraut du mouvement panasiatique, à l'intérieur de son propre système impérial en voie de constitution.
PLAN DE L’ARTICLE
- Généalogie de l’afro-asiatisme
- Les origines de la décolonisation
- L’anti-impérialisme
- Alignement et neutralisme
- La conférence de Bandung
- La thématique de l’afro-asiatisme
- Droits de l’Homme et Tiers Monde
- Suez, succès majeur de l’afro-asiatisme
- Les impasses de l’afro-asiatisme
- Vers le non-alignement progressiste
- Conclusion
Henry Laurens est professeur des universités à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO).
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Les Afro-Asiatiques : acteurs ou enjeux de la scène politique internationale ?
En savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLa France et l'OTAN : une histoire
Cofondatrice de l’Alliance, la France adopte en 1966 une position qui prend acte de son échec à la réformer de l’intérieur et qui garantit son indépendance. Les décisions récentes de réintégration sont les héritières de trois facteurs : des bouleversements géopolitiques redéfinissant le rôle de l’Alliance ; un rapprochement continu dans la gestion des crises depuis les années 1990 ; et la volonté de construire une Europe de la défense, qui ne peut être que complémentaire de l’OTAN.
Le "retour" de la France dans l'OTAN : une décision inopportune
La décision de la France de rejoindre la structure intégrée de l’OTAN confirme des évolutions déjà anciennes. Elle n’en est pas moins contestable. Symbolique, elle affecte l’image du pays sur la scène internationale. Elle ne garantit nullement une évolution de l’Alliance correspondant à nos intérêts de nation, et n’aide pas à lever les ambiguïtés sur son propre avenir. Elle risque enfin de réduire progressivement à néant la volonté de la France de se défendre par elle-même.
L'OTAN et les armes nucléaires
Le dispositif dissuasif de l’Alliance issu de la guerre froide ne peut qu’évoluer avec l’environnement actuel. Les éléments de la stratégie nucléaire de l’OTAN doivent donc être revus. Quel rôle ont désormais les armes affectées à l’Alliance ? Comment serait prise une décision en temps de crise et comment seraient utilisées ces armes ? Les accords de partage demeurent-ils pertinents ? Et comment arriver à un accord avec Moscou sur la disparition des armes nucléaires à courte portée ?
La réforme de l'OTAN : le besoin, les obstacles, les nouvelles perspectives
L’histoire de l’OTAN, pendant et après la guerre froide, est celle de multiples réformes organisationnelles, greffées sur une trame institutionnelle très peu structurée. Il s’agit aujourd’hui, à l’occasion du débat sur le nouveau concept stratégique, de poursuivre cette dynamique de réforme en réaffirmant les objectifs fondamentaux de l’Alliance, en redéfinissant les équilibres entre ses diverses composantes, bref d’en arriver à une Alliance à la fois plus dynamique et plus pertinente.