L'Ukraine sur la brèche
Alors que le plan de paix américain, passé de 28 à 19 points, se heurte aux conditions russes, un scandale de corruption fragilise Volodymyr Zelensky. La paix a-t-elle une chance d’aboutir, et à quel prix pour l’Ukraine et l’Europe ? Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/Eurasie de l'Ifri, analyse la situation actuelle.
La guerre en Ukraine entre dans un quatrième hiver et ce matin, encore une fois, dans ce feuilleton mortifère qui ébranle notre sécurité et nos alliances, on se demande comment le président promoteur immobilier à la Maison Blanche et le président idéologue au Kremlin vont ou non conclure un deal sur le dos des Ukrainiens.
Kiev n’a pas perdu cette guerre que la Russie ne parvient pas à gagner, mais le pays est à bout de forces et la corruption ronge jusqu’au sommet de l’Etat. Hier, Andriy Yermak, le bras droit de Volodymyr Zelensky, celui-là même qui le week-end dernier négociait à Genève avec le secrétaire d’état américain, démissionnait de ses fonctions après perquisitions du parquet. Scandale pour scandale, la confirmation du biais pro-russe du principal négociateur américain, Steve Witkoff, cet autre promoteur immobilier qui conseillait son interlocuteur russe sur la meilleure manière de flatter Donald Trump, ternit la Maison Blanche alors que les Européens, cette fois, ont réussi au bon moment à enrayer l’engrenage qui condamnait l’Ukraine à la reddition aux conditions de Moscou. Vladimir Poutine répète que les Européens n’ont rien à y faire et félicite le Hongrois Orban, reçu hier au Kremlin, pour « sa position équilibrée ».
Si Kiev accepte de céder les territoires de l’Est, les hostilités s’arrêteront, affirme-t-il, tout en précisant qu’il ne signerait jamais avec Zelensky, illégitime à ses yeux. La position du Kremlin durcit donc à nouveau. Une nouvelle tentative de profiter de l’affaiblissement du président ukrainien pour presser Donald Trump qui, depuis 10 mois, n’a cessé de tergiverser ? Ce dernier n’interviendra que dans la phase finale du processus, dit la Maison Blanche, mais de quel processus s’agit-il ? Existe-t-il encore un plan, une base de négociations ?
Un plan de paix en forme de capitulation
Le président américain considère toujours l’Ukraine comme un territoire et non un Etat souverain, les Européens comme des vassaux encombrants et Poutine comme son seul égal. Qui a désormais la main, côté américain, Witkoff est-il déconsidéré maintenant que quelques sénateurs républicains ont osé élever la voix et que le gendre Jared Kushner est envoyé en renfort ?
Voilà les Européens une nouvelle fois au pied du mur, marginalisés par les deux protagonistes qui se sont arrogés la conclusion d’un conflit qui concerne d’abord les Ukrainiens, dans leur chair, mais aussi l’Europe, pour la sécurité de ses frontières et la tranquillité de nos sociétés. Vladimir Poutine n’a cure d’une économie de guerre sous sanctions, qui compromet le développement de son pays désormais soumis à la Chine, et se soucie encore moins des vies humaines sacrifiées pour grignoter, péniblement, quelques kilomètres carrés sur la ligne de front.
Les Ukrainiens savent depuis longtemps qu’ils ne pourront jamais gagner militairement ; quels sacrifices sont-ils prêts à consentir pour obtenir, au moins, un cessez-le-feu ? La partie est-elle maintenant pliée alors que les rigueurs de l’hiver s’aggravent et que les attaques, tous les jours, continuent ?
Pour analyser ces récentes évolutions, France Culture invite :
- Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/Eurasie de l'Ifri
- Alexandra Goujon, maîtresse de conférences à l’Université de Bourgogne, enseignante à Sciences Po Paris et spécialiste de l’Ukraine et de la Biélorussie
- Gérard Araud, diplomate français
- Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique et conseiller géopolitique à l'Institut Montaigne
>Réécouter l'émission sur le site de France Culture
Média
Journaliste(s):
Nom de l'émission
Format
Partager