Nvidia, l'entreprise la plus chère du monde au coeur des remous géopolitiques
Mercredi, Nvidia a publié ses résultats trimestriels, annonçant un chiffre d’affaires record de 46,7 milliards de dollars, en hausse de 56% sur un an. L'entreprise américaine Nvidia est devenue la plus valorisée au monde grâce à ses puces au cœur du boom de l'intelligence artificielle. L'entreprise américaine Nvidia est devenue la plus valorisée au monde grâce à ses puces au cœur du boom de l'intelligence artificielle. Mais sa réussite l’expose aux rivalités entre Washington et Pékin, qui se disputent le contrôle des semi-conducteurs, technologies à la fois civiles et militaires.

"L’importance stratégique des semi-conducteurs n’est pas nouvelle", rappelle jeudi au micro de Tout un monde Mathilde Velliet, chercheuse au Centre de géopolitique des technologies de l’IFRI. Déjà dans les années 1980, Etats-Unis et Japon s’affrontaient pour le contrôle de cette industrie. Mais avec l’essor de l’IA, Nvidia s’est imposée comme un acteur clé en concevant des processeurs graphiques capables d’effectuer des millions de calculs en parallèle, un passage obligé pour développer des intelligences artificielles comme ChatGPT ou leurs équivalents chinois comme DeepSeek, poursuit-elle.
Problème: ces technologies sont dites "à double usage", souligne la chercheuse, "à la fois commercial et militaire". C'est pourquoi ces dernières années, "depuis la fin du premier mandat de Donald Trump et surtout 2022", Washington a multiplié les restrictions d'exportations vers Pékin, touchant Nvidia de plein fouet.
En réponse, Nvidia a tenté de s'adapter en créant une puce spécifique baptisée H20, "qui est juste en dessous des plafonds du contrôle des exportations pour pouvoir la vendre à la Chine." Mais manque de chance: mi-avril, l'administration Trump interdit sa vente à la Chine. "Son PDG Jensen Huang est alors allé discuter avec Donald Trump, qui a levé ces restrictions mi-juillet et qui, retournement de situation en août, a indiqué qu'il acceptait que Nvidia vende à la Chine cette fameuse puce H20 en échange d'un pourcentage de 15%", raconte Mathilde Velliet.
Une décision critiquée aux Etats-Unis pour son mélange d’intérêts sécuritaires et commerciaux, car les restrictions de vente avaient été mises en place pour éviter que ces semi-conducteurs facilitent la modernisation militaire chinoise. Une situation qui explique que, malgré les bons résultats, l'action de Nvidia a légèrement baissé lors des échanges électroniques après la clôture de la bourse de New York mercredi.
En parallèle, la Chine voudrait à terme se passer totalement de Nvidia, ajoute la chercheuse. "Ça fait plusieurs décennies que la Chine vise l'autosuffisance technologique. Ça a été rappelé dans un grand plan industriel en 2015, baptisé 'made in China 2025', qui a suscité beaucoup d'inquiétudes aux Etats-Unis puisque la Chine déclarait vouloir être leader dans les sciences et technologies d'ici à 2050." L'objectif est de produire elle-même ses propres puces avancées, notamment grâce à des acteurs chinois comme Huawei ou SMIC.
Devenue la vitrine du boom de l'IA, Nvidia illustre aujourd’hui combien la course technologique mondiale est aussi une lutte de pouvoir entre grandes puissances.
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