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Au Sahel, la crainte du retour des enfants-soldats

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cité par Nicolas Barotte pour

  Le Figaro
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L’opération Barkhane s’inquiète du recrutement de mineurs par les groupes terroristes.

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La dernière offensive de l’opération Barkhane contre les groupes terroristes au Sahel a porté ses fruits, mais une menace de long terme surgit. L’État islamique au Grand Sahara, désigné comme principal ennemi depuis janvier, a subi de sévères pertes, selon l’état-major français. «Ses capacités humaines et matérielles ont été fortement réduites», s’est félicité le général Facon, commandant de la force Barkhane, jeudi, lors d’un échange avec la presse. Mais «l’ennemi s’est durci. Il n’hésite plus à recourir à des enfants-soldats. Ces derniers sont endoctrinés et entraînés au maniement des armes», a-t-il prévenu.

«Cette exploitation abjecte nous met en difficulté», a convenu le général Facon. Les enfants-soldats ne sont pas une nouveauté. En 2013 déjà, al-Qaida poussait de jeunes recrues sur le terrain sahélien. Leur présence dans les rangs terroristes, destinée à détourner la vigilance des soldats ou à servir de fait de bouclier humain, constitue un défi pour les armées occidentales. Chaque image d’enfant mort est susceptible de fragiliser l’opération. Le général Facon n’a pas évoqué de cas concrets de victimes mineures des combats. «Ces situations demeurent extrêmement rares, mais il convient d’en avoir une pleine conscience», a-t-il expliqué, en ajoutant que des enquêtes étaient systématiquement diligentées quand des mineurs étaient impliqués.

La confidence du général ressemble à un avertissement. «C’est une réalité à prendre en compte», a-t-il commenté en se refusant à entrer dans les détails sur le nombre ou le profil de ces enfants-soldats. Il peut s’agir de «jeunes déterminés qui intègrent (les groupes armés terroristes ou GAT) pour des raisons familiales», a-t-il vaguement expliqué, avant de qualifier les mouvements djihadistes qui gangrènent le territoire sahélien de «système totalitaire, terroriste, fondé sur la peur et sur l’endoctrinement».

Le commandant s’est aussi interrogé «sur le traitement des enfants capturés». Les terroristes arrêtés sont livrés normalement aux autorités pour être jugés. En ce qui concerne les enfants, ils «sont actuellement envoyés dans un centre qui est assez ouvert. Hors de question de les transférer dans des prisons pour adultes», a-t-il déclaré. Le général a évoqué «une réflexion» avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour accueillir ces jeunes djihadistes et les déradicaliser.

Un millier d’écoles fermées

Un rapport de l’Unicef Mali, en août 2019, relevait un doublement des cas d’enfants «recrutés» ou «utilisés» par des groupes terroristes: 47 cas avaient été recensés entre janvier et juin 2018, 99 cas entre janvier et juin 2019. «On estime encore que des centaines d’enfants font partie de groupes armés, bien qu’il n’existe pas de données précises», écrivait l’ONG. «Les enfants peuvent porter des armes et être utilisés au combat ou être contraints de travailler avec un groupe armé pour ses opérations, en agissant comme espions, messagers, porteurs, cuisiniers, ou chargés du nettoyage », lit-on dans le rapport. Au Mali, les cas d’enfants combattants semblent demeurer exceptionnels, contrairement à ce qui avait pu être observé dans d’autres conflits, notamment au Sierra Leone.

  • «Les enfants sont recrutés tout d’abord parce qu’ils sont livrés à eux-mêmes», explique Élie Tenenbaum, spécialiste du Sahel à l’Ifri en décrivant le mode opératoire des GAT. «La stratégie des groupes armés terroristes est d’attaquer les écoles», poursuit-il. En 2019, le Mali comptait un millier d’écoles fermées, affectant environ 340.000 enfants. Dans certaines zones, comme au nord de Mopti, 90 % des établissements sont touchés. Ces jeunes sont alors des proies faciles pour les djihadistes. «La stratégie générationnelle des groupes terroristes est assumée», poursuit Tenenbaum, en rappelant le sort des «lionceaux du califat» en Syrie. Au Mali, 57,9 % de la population a moins de 18 ans. En s’attaquant aux esprits jeunes, les djihadistes rêvent d’une victoire de long terme.

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Élie TENENBAUM

Élie TENENBAUM

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Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri