Le bilan de la politique étrangère du gouvernement Harper

Les élections fédérales canadiennes d’octobre 2015 ont vu la défaite du gouvernement conservateur de Stephen Harper et le retour au pouvoir du Parti Libéral. Le nouveau premier ministre Justin Trudeau a aussitôt mis fin aux opérations de combat de son pays contre l’Etat Islamique dans le cadre de la coalition internationale, respectant ainsi l’une des ses promesses de campagne.

L’arrivée des conservateurs en 2006 avait marqué le début d’une rupture avec la tradition internationaliste et multilatéraliste du Canada. Quelle politique étrangère ont-ils pratiquée durant ces dix années au pouvoir ? S’agissait-il d’un néoconservatisme, parallèle à la politique menée par G. .W. Bush aux Etats-Unis ? Faut-il parler de néocontinentalisme, au travers d’un soutien indéfectible à l’égard de l’allié américain ? S’agissait-il d’une idéologie sous-jacente guidant toute décision, ou plutôt d’une politique pragmatique ? Quelles furent les conséquences des années Harper sur la réputation du pays à l’étranger ? Quatre mois après le départ du gouvernement, un premier bilan peut être dressé.
1945-2006 : la tradition internationaliste
Après la victoire de 1945, la politique étrangère canadienne s’établit sur les principes de l’internationalisme libéral, caractérisé par le respect de la diplomatie et des institutions internationales, la promotion des droits de l’Homme, des valeurs de paix et de justice sociale, et la réticence à recourir à la force pour résoudre les conflits. Le Prix Nobel de la Paix Lester Pearson, grand artisan de la résolution de la Crise de Suez en 1957, puis premier ministre libéral de 1963 à 1968 et opposé à la Guerre du Vietnam, incarne au mieux cette vision de la politique étrangère. Parfois romancée avec le recul, attribuant au Canada un poids plus grand qu’il n’a pu avoir, elle connaît toutefois des traductions concrètes. Ainsi le protocole de Montréal de 1987, relatif à la protection de la couche d’ozone, est-il le premier accord international de protection de l’environnement à obtenir une ratification universelle. La Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel montre également l’engagement du Canada dans le système international. Dans les années 1980 et 1990, sous l’impulsion du ministre Lloyd Axworthy, le Canada est l’un des premiers pays contributeurs de casques bleus au monde, avec 1 000 casques bleus en 1990 (1er pays) et 1 500 en 1995 (9ème pays).
2006 : le néoconservatisme canadien
Le néoconservatisme américain tente, par une politique étrangère fondée sur des considérations morales, d’influer sur la société nationale face à une crise morale supposée ou réelle. Bien que revêtant de grandes similarités avec ce modèle, le néoconservatisme canadien présente des particularités qui n’en font pas qu’un simple article d’importation.
La base électorale de S. Harper repose sur le terreau conservateur, traditionaliste et populiste des Prairies (Alberta, Manitoba), dont les partis principaux ont toujours défendu le peuple contre les puissants, les petits propriétaires terriens contre les grands capitalistes, l’Ouest contre l’influence jugée néfaste et excessive du Centre (et donc du gouvernement fédéral). L’« Ecole de Calgary », groupe de penseurs conservateurs de l’Université de Calgary (Alberta) dont est issu Harper, est considérée comme l’influence majeure derrière chaque décision de son gouvernement. Cette école s’inscrit dans la tradition populiste et constitue le socle du néoconservatisme canadien. La spécificité canadienne vient d’une tentative inédite de protéger la morale traditionnelle du peuple face à une décadence supposément causée par le relativisme, le multiculturalisme et le post-matérialisme d’élites déconnectées de la réalité, ce qui la démarque du cas américain.
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