Dix ans après le 13-Novembre : « Le djihadisme reste une menace sérieuse, ce chapitre ne peut être proclamé clos »
Dix ans après les attentats du 13 novembre, la menace terroriste est passée au second plan des priorités face au retour des conflits interétatiques. Ce serait une erreur stratégique de la sous-estimer, prévient Marc Hecker à l'Ifri.
La guerre globale contre le terrorisme déclenchée par George W. Bush en 2001 s'est achevée vingt ans plus tard avec le retour au pouvoir des Talibans et le départ précipité de l'armée américaine d'Afghanistan. L'année suivante, l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie a marqué l'ouverture d'un nouveau cycle stratégique caractérisé par le retour de la « compétition de puissance » et de la guerre interétatique. La menace terroriste est alors passée au second plan des priorités.
Pour la France, l'ère des grands déploiements militaires destinés à lutter contre le djihadisme a symboliquement pris fin en 2022 avec l'arrêt de l'opération Barkhane au Sahel. Certes, l'opération Chammal se poursuit au Levant, mais selon des modalités réduites.
Notre pays est néanmoins resté plus concentré sur la menace terroriste que la plupart de nos alliés, et ce pour deux rai sons : d'une part, du fait de la persistance d'attaques sporadiques très médiatisées car touchant des symboles forts ; d'autre part, en raison de la perspective des Jeux Olympiques de 2024 qui constituaient une cible manifeste.
Une fois cet événement passé, une baisse des moyens dédiés à la lutte contre le terrorisme pouvait être anticipée, compte tenu de l'existence de nombreu ses autres menaces et d'un contexte budgétaire tendu obligeant à des arbitrages. Pourtant, plusieurs arguments plaident en faveur du maintien d'un effort important pour préserver un dispositif antiterroriste de pointe.
Tout d'abord, sur le territoire national, les attaques demeurent relativement fréquentes. On en compte une demi-douzaine depuis juillet 2024 : cinq liées à la mouvance djihadiste et une à l'ultra droite. La diversification des menaces est encore plus nette si l'on considère les attentats déjoués.
Les masculinistes « incels » (involuntary celibates) ont par exemple fait leur apparition en France, ainsi que des nébuleuses plus confuses, où l'attraction pour la violence semble primer sur la pureté idéologique.
Mais le djihadisme reste la menace numéro un devant l'ultra-droite, avec un rajeunissement significatif d'une partie des individus suivis par les services de renseignement.
Recrudescence des fronts internationaux du djihad
Ensuite, le massacre du 7 octobre 2023 puis la guerre à Gaza ont produit une forme d ebullition dans la mouvance djihadiste. Si Al-Qaïda a félicité les Brigades Ezzedine al-Qassam pour l'opération « Déluge d'al-Aqsa », l'Etat islamique s'en est abstenu. Ce dernier a néanmoins appelé à commettre des attaques dans les pays occidentaux, notamment contre les communautés juives. Plusieurs attentats déjoués en France comportaient ainsi une dimension antisémite.
Par ailleurs, alors que le Hamas était considéré comme un groupe focalisé uniquement sur le Proche-Orient, il s'est révélé impliqué dans des projets violents en Europe, comme l'ont montré des arrestations réalisées en Allemagne et au Danemark.
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Marc Hecker est directeur exécutif de l'Institut français des relations internationales (Ifri) et auteur de « Daech au pays des merveilles » (Editions Spinelle, 2025).
> Lire la tribune complète sur le site des Echos.
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