Rechercher sur Ifri.org

À propos de l'Ifri

Recherches fréquentes

Suggestions

Faux sites d'infos dans nos régions : enquête sur une guerre numérique

Interventions médiatiques |

interviewé par Sébastien Colin et Christophe Gobin dans

  l'Est Républicain  

 
Accroche

Élie Tenenbaum, directeur du Centre des études de sécurité à l’Institut français des relations internationales (Ifri), décrypte les enjeux la guerre de désinformation que mène actuellement la Russie et d’autres pays totalitaires et dont la France est l’une des cibles.

 

Image principale médiatique
Concept de technologie des fausses nouvelles et des symboles de désinformation. Panneau abstrait sur des écrans de correction, illustration 3d.
Concept de technologie des fausses nouvelles et des symboles de désinformation. Panneau abstrait sur des écrans de correction, illustration 3d.
Skorzewiak/Shutterstock
Table des matières
Table des matières
body

[...]

Quel est l’intérêt pour une puissance étrangère de créer de faux sites d’infos locales français de façon aussi grossière que ceux recensés par un groupe de chercheurs américains ?

Elie Tenenbaum : La presse locale touche un public plus large et renvoie une image de confiance lié à la proximité pour le lecteur. Elle permet aussi de glisser des informations manipulées ou fausses au milieu d’autres qui peuvent être vraies ou vraisemblables. Cela crée de la confusion dans l’esprit du lecteur qui, après un certain temps, ne saura plus quoi penser.  Comme l’écrivait Hannah Arendt, « Si tout le monde vous ment en permanence, la conséquence n’est pas que vous croyez les mensonges, mais plutôt que personne ne croit plus rien. (…)  Et un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut plus se décider. »

Comment peut-on être sûr qu’il y a la main de Moscou derrière ?

L’attribution est un travail ardu dans le cyberespace et le Kremlin est passé maître dans l’art de sous-traiter sa propagande à diverses officines. Certains ne savent même pas pour qui ils travaillent. Toutefois, de nombreux journalistes d’investigation et le Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (VIGINUM) ont largement documenté l’explosion des activités liées à la Russie depuis 2022 contre la France qui est devenue une cible de choix du fait de son poids en Europe, de sa position ferme sur le dossier ukrainien. C’est une campagne de grande ampleur et organisée.

Depuis quand la Russie s’est-elle lancée dans la désinformation à grande échelle avec notamment l’organisation de propagande Copycop créé par un transfuge américain ?

Les activités russes de manipulation de l’information sont une tradition ancienne qui remontent à l’Union soviétique, voire au régime tsariste (sa police secrète, l’Okhrana, était friande de faux documents). Avec le durcissement du régime de Vladimir Poutine en 2012 et l’irruption massive des réseaux sociaux, les services russes ont développé de nombreuses techniques de guerre informationnelle dans le cyberespace. L’ingérence dans l’élection américaine de Donald Trump en 2016, largement documentée par le FBI, a été leur première grande opération. Depuis 2022, les acteurs se multiplient pour diversifier les modes d’action et les cibles.

D’autres pays ont-ils la même stratégie de guerre de l’information ? La France pratique-t-elle aussi la désinformation dans d’autres pays ?

Les pays autoritaires comme la Chine, la Corée du Nord ou l’Iran ont d’abord développé un contrôle et une manipulation de l’information à des fins intérieurs avant de le retourner contre leurs adversaires géopolitiques. Ce sont ceux qui poussent le plus loin ces activités car ils n’ont guère de limites éthiques. D’autres nations ont également développé ces activités contre la France, comme l’Azerbaïdjan dont l’ingérence en Nouvelle-Calédonie est documentée. La France, à l’instar des autres démocraties, a surtout une stratégie défensive, qu’elle peut combiner à une stratégie de diplomatie publique et de communication qui suit des règles strictes. La première, instaurée par la BBC dès la Seconde Guerre mondiale, est celle de la vérité : ne pas mentir !

Comment lutter contre ces ingérences étrangères ?

La réponse doit se faire à plusieurs niveaux. Le premier, est celui de la prise de conscience et de la sensibilisation dans la société, l’éducation médiatique qui peut être pratiquée dans les écoles, mais aussi à travers les associations ou par tout un chacun est essentiel – c’est comme apprendre à repérer les arnaques en ligne ! Le second est plus spécialisé et provient des services qui peuvent remonter les filières, judiciarisé les auteurs quand c’est possible – la loi anti-fake news de 2018 le permet – ou faire de l’entrave par toute une gamme de moyens dont certains peuvent être secrets.

 

> Lire l'article dans son intégralité sur le site de l'Est Républicain

Decoration

Média

Nom du journal, revue ou émission
L'Est Républicain

Journaliste(s):

Journaliste
Sébastien Colin et Christophe Gobin

Format

Catégorie journalistique
Interview

Partager

Decoration
Auteurs
Photo
Élie TENENBAUM

Élie TENENBAUM

Intitulé du poste

Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri

Crédits image de la page
Concept de technologie des fausses nouvelles et des symboles de désinformation. Panneau abstrait sur des écrans de correction, illustration 3d.
Skorzewiak/Shutterstock