L'Allemagne, une culture du compromis
C'est la stabilité qui caractérise le système politique allemand - du moins en comparaison à d'autres régimes parlementaires, comme la Belgique ou les Pays-Bas.

Le système allemand est complexe, hérité d'une période d'après-guerre où l'objectif principal était d'empêcher la transformation d'une démocratie en dictature. En conséquence, le système allemand est fondé sur la répartition maximale du pouvoir. D'abord entre les Länder et le niveau fédéral, puisque l'Allemagne est une démocratie fédérale, puis entre les partis, étant donné qu'une alliance entre plusieurs partis est nécessaire pour former un gouvernement. L'objectif : éviter qu'un parti n'obtienne la majorité absolue et que les voix minoritaires ne soient « effacées » .
Le fonctionnement est le suivant : d'abord, il y a les élections. Il s'agit non pas d'un scrutin à la majorité mais à la proportionnelle personnalisée, où chaque électeur dispose de deux voix, l'une pour un candidat et l'autre pour une liste présentée par un parti.
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Garde-Fous
Malgré ces négociations poussées et ce contrat final, il arrive que la coalition échoue.
Ça a été le cas en novembre 2024, avec la coalition dite « feu tricolore » qui réunissait les verts, les sociaux-démocrates et les libéraux-démocrates. Un peu comme en France, c'est le budget, et plus généralement la politique économique de relance, qui a été le point de discorde. Les libéraux-démocrates prônaient d'importantes coupes budgétaires, auxquelles s'opposaient les verts et les sociaux-démocrates. Le gouvernement est donc tombé et de nouvelles élections ont eu lieu.
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Fragmentations
Cela étant dit, l'Allemagne n'est pas immunisée aux changements politiques qui bouleversent l'Europe, et notamment à la fragmentation du paysage politique. comme en France, l'extrême droite, incarnée par le parti Alternative für Deutschland (AfD), a réalisé ces dernières années une poussée spectaculaire. Dans certaines régions, notamment en Allemagne de l'Est, il s'est approché des 50 %, ce qui remet en cause la faisabilité d'une coalition stable composée par des partis démocratiques pour les gouvernements régionaux. Il devient ainsi de plus en plus ardu pour les autres partis de maintenir le cordon sanitaire autour de l'AfD.
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Pour toutes ces raisons, un blocage à la française ne semble pas envisageable en Allemagne dans l'immédiat. Certes, la poussée des extrêmes va rendre la constitution de coalitions stables de plus en plus difficile, mais le compromis reste toujours au cœur du jeu politique. C'est pour cette raison, peut-être, que les Allemands conservent une grande confiance dans les institutions de la démocratie représentative parlementaire - bien plus importante que celle que les Français leur accordent.
Jeanette Süß est chercheuse au Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Institut français des relations internationales (Ifri), elle est spécialiste de l'Union européenne et des relations franco-allemandes.
>> >> Cet article a été publié dans l'hebdomadaire "Le 1hebdo", n° 560, septembre 2025, intitulé « Crises politiques. Nos voisins font-ils mieux ? ». (réservé aux abonnés).
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