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Les droits de douane de Trump poussent l’Inde dans les bras de la Chine

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citée par Eva Moysan dans

  Alternatives Economiques 

 
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New Delhi a refusé de céder aux exigences américaines, récoltant en représailles des droits de douane très élevés. Ce qui l’incite à se rapprocher de son grand voisin, la Chine, en dépit de leur conflit frontalier.

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Sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, Chine - 1er septembre 2025
Sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, Chine - 1er septembre 2025
Russian Presidential Office/UPI/Shutterstock
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L’image du trio formé par le président russe Vladimir Poutine, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président chinois Xi Jinping, réunis début septembre à Tianjin (Chine) à l’occasion d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, a fait le tour du monde. Les trois dirigeants y ont étalé leur bonne entente devant les caméras.

S’il n’a pas été mentionné directement, Donald Trump était dans toutes les têtes. Il l’a très bien ­compris en commentant la photo des trois hommes sur le réseau Truth Social, avec son style habituel : « On dirait que nous avons perdu l’Inde et la Russie au profit de la Chine la plus profonde et la plus sombre. »

Le président des Etats-Unis peut être amer. Le rapprochement historique entre l’Inde et la Chine – c’est la première visite de Modi dans l’empire du Milieu depuis sept ans – résulte en partie de la hausse des droits de douane qu’il a lui-même décidée à l’égard d’un allié pourtant fidèle.

En plus des 25 % de droits de douane dits « réciproques » imposés aux produits indiens, le pays a écopé de 25 points de pourcentage supplémentaires fin août, en guise de mesure de rétorsion pour ses achats massifs de pétrole russe depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. La décision de la Maison-Blanche a stupéfié Narendra Modi, qui avait été chaleureusement reçu par Trump en février dernier.

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« Je pense que ces droits de douane supplémentaires de 25 % s’expliquent aussi par la frustration de Trump vis-à-vis de l’impasse des négociations commerciales avec l’Inde. Washington réclame l’ouverture du marché indien, dont des pans restent protégés par des droits de douane, en particulier dans le secteur agricole. Ce que New Delhi refuse », expose Sylvia Malinbaum, chercheuse, responsable de la recherche sur l'Inde et l'Asie du Sud au Centre Asie de l'Ifri.

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En 2024, les Etats-Unis ont enregistré un déficit commercial de 49 milliards vis-à-vis de l’Inde, signe qu’ils importent de ce pays bien plus qu’ils n’arrivent à y exporter. Les exportations indiennes vers les Etats-Unis se concentrent sur les secteurs des biens d’équipement, du tex­tile, de la joaillerie, de la pharmaceutique et des nouvelles technologies. Heureusement pour New Delhi, une partie (environ 45 %) n’est pas touchée par les tarifs de 50 %.

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Un tournant dans la politique américaine…
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« On assiste à un tournant dans la politique indienne des Etats-Unis. Jusque-là, une ligne faisait consensus chez les démocrates et les républicains : il fallait entretenir une proximité avec l’Inde pour faire contrepoids à la Chine en Asie. Les annonces de Trump remettent en question cette orientation », analyse Sylvia Malinbaum, chercheuse, responsable de la recherche sur l'Inde et l'Asie du Sud au Centre Asie de l'Ifri.

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Pour préserver la relation, il aurait probablement fallu que Modi cède au chantage américain sur ses achats ­d’hydrocarbures russes. Ce qu’il a refusé de faire en affichant, au contraire, sa proximité avec Poutine à Tianjin. Même si les raffineurs publics indiens auraient réduit leurs achats russes fin juillet, selon le service économique de l’ambassade française à New Delhi. Ils le justifient par la baisse actuelle des prix du pétrole qui réduit, de fait, l’écart avec le brut russe et donc son intérêt pour les acheteurs. 

L’Inde est en effet devenue l’un des premiers clients – avec la Chine – du pétrole russe. Au premier semestre 2025, le brut russe représentait un tiers de ses approvisionnements pétroliers, contre une part dérisoire avant 2022. La raison est avant tout économique : New Delhi, qui doit importer massivement des hydrocarbures, a profité du fait que Moscou soit contraint par les sanctions occidentales à brader son pétrole.

Mieux, les raffineurs indiens se sont mis à réexporter le pétrole russe vers l’Europe. Une fois passé par l’Inde, il s’avère en effet plus difficile de tracer la provenance russe du pétrole, qui peut ainsi arriver en Europe en contournant l’embargo censé l’en empêcher. Alors, malgré la pression des droits de douane et des nouvelles sanctions européennes et états-uniennes sur les hydrocarbures, il semble pour l’instant difficile pour l’Inde de se défaire de cette source d’énergie à bas coût pour sa consommation intérieure, et très rentable à l’export.

… et indienne

Bien que Donald Trump semble revenir à une attitude plus conciliante début septembre, qualifiant Modi de « grand Premier ministre » avec qui il serait « toujours ami », les deux pays restent loin d’un accord commercial. Et l’épisode a mis à mal la politique indienne de ­multi-alignement et l’a contrainte à se rapprocher de la Chine. Ce alors que New Delhi s’efforçait depuis quelques années de réduire ses dépendances à l’égard de son grand voisin. En particulier depuis 2020 et les affrontements meurtriers dans la vallée de Galwan causés par le litige entre les deux pays sur le tracé de la frontière sino-indienne.

Si la population indienne (1,45 milliard d’habitants en 2024) surclasse depuis 2021 la population chinoise (1,41 milliard), le pays souffre d’un déficit commercial croissant avec son voisin, qui a frôlé les 100 milliards de dollars en 2024.

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« L’asymétrie économique est très forte. Non seulement le marché indien importe des biens chinois de consommation, mais c’est également une grande partie de l’industrie indienne qui dépend des composants et des matières premières chinoises. Le grand programme “Make in India”, lancé par Narendra Modi en 2014 pour développer la production locale, repose en réalité sur le “Made in China” », appuie Sylvia Malinbaum.

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Après le conflit frontalier de 2020, les autorités indiennes ont pris des mesures de rétorsion à l’égard de la Chine, comme la restriction des investissements ou l’exclusion des entreprises chinoises des marchés publics.

Citations Auteurs

« Ces mesures ont eu des effets négatifs sur l’économie indienne, ce qui a fait réfléchir les autorités. En vérité, l’Inde n’a pas les moyens d’un affrontement commercial ou militaire avec la Chine », juge la chercheuse de l’Ifri.

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Eva Moysan

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Sylvia MALINBAUM

Sylvia MALINBAUM

Intitulé du poste

Chercheuse, responsable de la recherche sur l'Inde et l'Asie du Sud, Centre Asie de l'Ifri

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Sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Tianjin, Chine - 1er septembre 2025
Russian Presidential Office/UPI/Shutterstock