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Quelles « garanties de sécurité » pour l’Ukraine ? Les scénarios européens

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Depuis la rencontre, lundi 18 août à Washington, entre Donald Trump, Volodymyr Zelensky et les dirigeants européens, les assurances que pourrait obtenir Kyiv contre une nouvelle agression russe sont au cœur des négociations. Leur solidité renvoie à l’engagement des puissances concernées. 

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Le président Donald Trump rencontre les dirigeants européens, Washington, D.C. - 18 août 2025
Le président Donald Trump rencontre les dirigeants européens, Washington, D.C. - 18 août 2025
Aaron Schwartz/UPI/Shutterstock
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Mardi 19 août au matin, le premier ministre britannique, Keir Starmer, et le président français, Emmanuel Macron, ont coprésidé à Paris une réunion de la «coalition des volontaires», cet ensemble de pays européens qui entendent monter une opération militaire ad hoc en Ukraine, qui se substituerait à l’Otan. À l’agenda figurait la question sensible des «garanties de sécurité» à offrir à Kyiv en cas de cessez-le-feu.

Si l’hypothèse d’un arrêt consenti des combats par la Russie demeure encore chimérique, tant Vladimir Poutine semble utiliser les discussions diplomatiques pour gagner du temps, donc du terrain, plusieurs formats sont à l’étude. L’une des premières questions à résoudre pour les dirigeant·es européen·nes concerne ce que ces garanties de sécurité sont précisément supposées… garantir.

Visent-elles à geler la ligne de front, en empêchant la Russie de reconstituer ses forces pour tenter de réaliser plus tard ce qu’elle n’a pu accomplir en 2022, à savoir prendre le contrôle de toute l’Ukraine? Ou s’agit-il, plus modestement, d’un signal politique, d’un soutien symbolique aux Ukrainien·nes destiné avant tout à rassurer d’autres voisins de la Russie, notamment les États baltes, membres de l’Union européenne (UE), sur la solidité politique et militaire de l’espace européen?

Le champ de bataille ukrainien est marqué par son immensité et par un degré d’attrition inédit: pour un blindé ou un fantassin à découvert, l’espérance de vie se compte en minutes; pour un drone, elle excède rarement quatre sorties. La question des garanties soulève donc des enjeux militaires complexes, à la hauteur des enjeux politiques: pour l’Ukraine, sa survie comme État indépendant ; pour l’UE, sa crédibilité comme acteur stratégique sur la scène internationale.

Première option: la force d’observation

Une première hypothèse consisterait à déployer une mission d’observation, sur le modèle de la Finul, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, ou plus récemment de la Kfor au Kosovo, avec le succès douteux qu’on leur connaît. Des Casques bleus placés sous mandat international pourraient surveiller et signaler d’éventuelles violations du cessez-le-feu. L’expérience historique plaide contre l’efficacité de ces dispositifs: ni au Liban ni dans les Balkans, ils n’ont réellement garanti la paix.

Une alternative plus modeste encore serait de maintenir une présence à l’arrière, centrée sur la formation et la reconstruction de l’armée ukrainienne, comme cela se fait déjà avec les missions de réassurance de l’Otan, ou comme le fait la France par l’entraînement de pilotes ukrainiens sur Mirage 2000. Ce scénario, en réalité, ne ferait que prolonger les dispositifs existants sans changement décisif, et serait donc un aveu d’impuissance européenne.

Deuxième option: le «tripwire»

Le deuxième format repose sur la logique du tripwire, ce «fil déclencheur» conçu pendant la guerre froide face à l’URSS. Son principe est simple: de petites unités, insuffisantes pour bloquer militairement une attaque, sont néanmoins positionnées de façon à garantir que toute agression déclencherait mécaniquement une riposte plus large de pays puissants.

Dans cette logique, ce n’est pas la robustesse du fil qui compte, mais la certitude qu’il déclenchera une réaction, comme son nom l’indique. En d’autres termes, une violation du cessez-le-feu entraînant la mort d’un soldat français susciterait une riposte militaire par la France assez forte pour être de nature dissuasive.

La présence des deux puissances nucléaires du continent, la France et le Royaume-Uni, est capitale, mais sans garantie que la dissuasion fasse son effet.

Dans le contexte ukrainien, une telle posture soulève toutefois des questions complexes. Du fait du blocage russo-américain sur l’implication militaire de l’Otan dans ce conflit, ce dispositif ne serait pas mis en place sous l’égide de l’Alliance atlantique mais bien d’une coalition ad hoc de volontaires mentionnée plus haut. Quelle serait alors sa crédibilité, sans un soutien explicite des États-Unis?

Autre interrogation: si un soldat d’un pays membre de l’Alliance, déployé hors Otan dans un cadre européen, venait à être tué, cela suffirait-il à déclencher la défense collective prévue par l’article 5? Rien n’est moins sûr– et Moscou aurait beau jeu de jouer sur cette incertitude pour tester la volonté des États européens de réellement réagir en cas d’attaques de petite ampleur.

La présence des deux puissances nucléaires du continent, la France et le Royaume-Uni, est ici capitale, mais sans garantie que la dissuasion nucléaire fasse son effet. Une poignée de soldats tués sur le front n’engageant pas nécessairement les intérêts vitaux de ces puissances, l’événement n’appellerait pas une escalade vers le seuil nucléaire. Cela laisse la possibilité à la Russie d’exploiter son avantage militaire conventionnel.

On touche ici du doigt un postulat de cette option, à savoir une aversion au risque du côté russe, qui ne voudrait pas s’exposer à de potentielles représailles européennes. Or, l’invasion de février 2022 a démontré la capacité du Kremlin à franchir des seuils que les États occidentaux croyaient infranchissables, et sa désinhibition vis-à-vis de l’emploi de la force.

Troisième option: le déploiement massif

La dernière hypothèse, la plus ambitieuse, serait un déploiement de grande ampleur, conçu pour véritablement figer la ligne de front –qui, à l’heure actuelle, ne l’est pas. Cela supposerait au bas mot un déploiement de 20000 personnels militaires au moins, dotés de moyens de frappe dans la profondeur et de renseignement, sans compter des blindés et des drones. Le tout devant pouvoir tenir sur la durée, afin de permettre des rotations des personnels.

Pour la France, un tel engagement représenterait un effort inédit. Le volume des derniers déploiements en date était bien inférieur: de l’ordre de 3000 en Afghanistan, et de 5000 sur l’opération Barkhane au Mali. Pour être crédible, il faudrait idéalement que la France puisse déployer près de 7000 soldats. Cela impliquerait aussi la construction de bases abritant ce déploiement, marquant pour le coup l’arrimage durable de l’Ukraine à l’Europe.

En réalité, les responsables européens restent tétanisés par la possibilité d’une confrontation directe avec la Russie.

Ce scénario aurait pour vertu de placer Moscou devant un rapport de force nettement défavorable. Il ferait toutefois courir à la coalition des risques politiques forts: être présentée par les partisans de la Russie comme une force d’occupation, s’exposer à la lassitude de l’opinion publique européenne face aux pertes et au coût économique d’un tel déploiement, et subir dans les sociétés civiles des pays participants d’agressives campagnes de déstabilisation.

[...]

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Amélie FÉREY

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Le président Donald Trump rencontre les dirigeants européens, Washington, D.C. - 18 août 2025
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