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Reprise des essais, nouveaux missiles, drones... Assiste-t-on à une escalade nucléaire entre les États-Unis et la Russie ?

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interviewée par Victor Mérat dans

  Le Figaro 

 
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Le président américain a ordonné jeudi la relance des essais d’armes nucléaires des États-Unis, sans en détailler les modalités. Pour la chercheuse à l’Ifri Héloïse Fayet, le républicain s’inscrit dans la lignée d’une rhétorique nucléaire « de plus en plus animée et affirmée, mais jusqu’à présent plutôt du côté russe ».

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Le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine sont en conversation.
Le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine.
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Héloïse Fayet est chercheuse au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri) et responsable du programme Dissuasion et prolifération et chercheur associé à Geode (Université Paris 8).

LE FIGARO - Plus de trente ans après la fin des essais d’armes nucléaires aux États-Unis, Donald Trump a ordonné au ministère de la Guerre ce jeudi de « procéder immédiatement au test des armes nucléaires américaines sur un pied d’égalité », « en raison des programmes d’essais menés par d’autres pays ». Comment faut-il interpréter sa déclaration ?

Héloïse FAYET - La déclaration de Donald Trump n’est pas claire et comporte plusieurs fausses affirmations. Tout d’abord, il dit que les États-Unis « possèdent plus d’armes nucléaires que tout autre pays », ce qui est faux puisque c’est la Russie. Il écrit également que la modernisation complète de l’arsenal nucléaire américain a été menée sous son premier mandat, ce qui n’est pas vrai non plus : il s’agit d’un effort de plus long terme. Enfin, ce n’est pas le ministère de la Guerre qui s’occupe des essais nucléaires, mais l’Agence de sécurité nucléaire nationale (NNSA) qui dépend du département de l’Énergie.

Pour revenir au cœur du sujet, il ne détaille pas ce qu’il entend par « essais ». Il y a quatre hypothèses. D’abord, tester des missiles sans charge nucléaire, à l’instar de ce que viennent de faire les Russes avec le missile Bourevestnik ou possiblement avec Poséidon. Mais ça, les États-Unis le font déjà, en témoigne l’essai du missile Minute Man III il y a plusieurs mois. La deuxième option consisterait à faire des essais nucléaires «sous-critiques», c’est-à-dire des explosions qui utilisent une quantité de matière fissile insuffisante pour provoquer des réactions en chaîne. Les États-Unis n’en font plus depuis 1992 et la signature, et non pas la ratification, du Traité d’interdiction complète des essais nucléaire, le TICEN. De plus, les cinq pays détenteurs de l’arme nucléaire se sont engagés à ne pas en faire. Mais dans le cas contraire, la NNSA le ferait.

Peut-être que Donald Trump souhaite aussi alléger la norme américaine d’essais « zero yield », c’est-à-dire sans aucune énergie générée pendant les essais, après que plusieurs rapports du département d’État ont accusé la Russie de ne pas y adhérer sans toutefois violer le TICEN que Moscou a signé. Mais les gains scientifiques seraient bien inférieurs aux pertes stratégiques. Enfin, et c’est l’hypothèse la plus inquiétante, il s’agirait de reprendre les essais nucléaires souterrains tels qu’il y en avait dans les années 1970-80. Le dernier pays a en avoir fait un, c’est la Corée du Nord en 2017. J’ai des doutes sur le fait que Donald Trump fasse la même chose. Toujours est-il que sa déclaration reste très importante.

Quand bien même opterait-il pour cette dernière option, les États-Unis seraient-ils rapidement prêts ?

Le processus serait très lent et très coûteux. Et même la NNSA estime qu’il n’y a pas besoin d’en faire. Lent et coûteux car il faudrait réhabiliter des sites qui ne sont plus en état depuis des années. Donc ça n’a pas de sens. De plus, les États-Unis ont développé, comme la France, tout un système de simulation mathématique et physique qui permet de poursuivre la modernisation de l’arsenal sans conduire d’essais.

Qu’est-ce qui a alors pu motiver la sortie de Donald Trump, quelques minutes avant de rencontrer son homologue chinois Xi Jiping en Corée du Sud ? Est-ce un message adressé à la Russie, à la Chine, ou aux deux États ?

Sa stratégie n’est pas compréhensible. Il est à espérer que sa position soit détaillée rapidement par son administration. Est-ce que c’est une réaction vis-à-vis des Russes ? Ou plutôt vis-à-vis des Chinois qui ont une pratique des essais nucléaires qui flirte avec les limites de l’acceptable ? D’autant que Donald Trump sait que les Chinois ont beaucoup d’armes nucléaires, que le programme de Pékin est exponentiel avec un objectif de 1000 têtes nucléaires en 2030, contre plus de 600 aujourd’hui...

Paradoxalement, Donald Trump parle beaucoup de dénucléarisation, il est très clair qu’il n’aime pas les armes nucléaires, en témoigne les frappes américaines en juin dernier contre trois sites iraniens. Sa déclaration semble ainsi contrevenir à la stratégie qu’il a adoptée jusqu’alors. Cependant, il est notoire que certains de ses conseillers militent pour une reprise des essais nucléaires ou a minima pour que Donald Trump prépare les sites ad hoc. Sur la nucléarisation, Donald Trump n’a pas de doctrine. Normalement, un président américain publie pendant son mandat une revue de posture stratégique sur le sujet. Il l’a fait en 2018, mais il n’est pas certain qu’il en publie une cette fois-ci. Et si les États-Unis reprennent leurs essais, ce serait uniquement à visée politique et stratégique et non pas dans une optique de faire progresser l’arsenal.

[...]

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Le Figaro

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Victor Mérat

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Héloïse FAYET

Héloïse FAYET

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Chercheuse, responsable du programme dissuasion et prolifération, Centre des études de sécurité de l'Ifri

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Le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine.
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