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Terrorisme : dix ans après le 13 Novembre, « les pays occidentaux restent des cibles »

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interviewé par Ludovic Séré dans

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Le chercheur Marc Hecker, directeur exécutif de l’Institut français des relations internationales, rappelle le risque d’attaques jihadistes et souligne leur objectif de déstabilisation des sociétés, commun aux tentatives d’attentats d’extrême droite.

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Médias face à l'intervention de la police française mobilisée suite aux attentats terroristes de Paris le 13 novembre 2015.
Médias face à l'intervention de la police française mobilisée suite aux attentats terroristes de Paris du 13 novembre 2015.
Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock.com
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Dix ans après les attentats du 13 Novembre, les menaces terroristes en France ont évolué, même si les attaques jihadistes demeurent la principale préoccupation. En miroir, l’extrême droite s’agite de plus en plus et l’assassinat de Hichem Miraoui, le 31 mai à Puget-sur-Argens (Var), a vu le Parquet national antiterroriste (Pnat) se saisir pour la première fois d’une attaque à l’origine identitaire.

Selon Marc Hecker, directeur exécutif de l’Institut français des relations internationales et auteur du livre Daech au pays des merveilles (Editions Spinelle, 2025), les deux mouvances terroristes poursuivent le même objectif, à savoir polariser le pays.

Entre la perte d’influence des organisations jihadistes étrangères, les attaques isolées sur le territoire et la montée des violences venues d’extrême droite, où en est la menace terroriste en France, dix ans après le 13 novembre 2015 ?

D’un point de vue administratif, nous sommes remontés au niveau d’alerte le plus élevé, à savoir urgence attentat, après l’attentat du Crocus City Hall à Moscou, en mars 2024. En termes d’attentats « réussis » et déjoués, le jihadisme reste nettement devant l’ultradroite. Si on regarde depuis l’été 2024 et les Jeux olympiques, six attaques ont abouti. Cinq sont jihadistes, une vient de l’ultradroite. Ce sont des attaques qui font peu de morts mais qui maintiennent le niveau d’alerte élevé.

Mais la menace a changé de forme. Il y a dix ans, Daech était une organisation terroriste structurée qui contrôlait des territoires, notamment en zone syro-irakienne. Son califat se voulait mondial avec des « provinces » dans différents pays comme la Libye ou l’Afghanistan. Des dizaines de milliers de personnes ont afflué vers la Syrie à l’époque, dont 5000 à 6000 Européens parmi lesquels le contingent français était le plus important. Depuis ce sanctuaire, Daech a prouvé sa capacité à entraîner des combattants et à les projeter vers l’Europe pour mener des attaques.

Aujourd’hui, la configuration historique et géographique est très différente. Le « califat territorial » de Daech a disparu sous les coups de boutoir de ses adversaires, dont la coalition internationale. Dans d’autres zones, Al-Qaeda est l’acteur principal, comme au Sahel. Au Mali, Bamako pourrait chuter à court terme. Il y a au moins trois fronts en Afrique. Ceci sans compter le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan, alliés historiques d’Al-Qaeda qui, selon un rapport récent de l’ONU, aurait constitué de nouveaux camps d’entraînement. Ces organisations sont globalement affaiblies mais elles conservent localement de réelles capacités.

Daech ou Al-Qaeda ont-ils encore la volonté ou les moyens de s’attaquer directement à l’Occident ?

Dans la propagande jihadiste, les pays occidentaux restent des cibles. Il y a eu des menaces explicites contre la France avant les Jeux olympiques. Mais il semble que ni Daech ni Al-Qaeda ne soient aujourd’hui capables de projeter des commandos au cœur de la France. Ils peuvent néanmoins toujours tenter de téléguider depuis l’étranger des individus qui se trouvent en Europe. C’était le cas avant les JO, avec l’attaque déjouée à Saint-Etienne par exemple.

Ce terrorisme téléguidé n’est pas nouveau.

Non. En fait, il existe trois types d’actions qui s’entremêlent depuis plus de vingt ans. Le terrorisme projeté, l’envoi d’un commando entraîné à l’étranger, demande une organisation très sophistiquée. Le téléguidage demande de repérer depuis l’étranger et sur les réseaux sociaux des personnes en France qui souhaitent faire partie de la mouvance jihadiste. Enfin, on parle beaucoup aujourd’hui du terrorisme d’inspiration mais celui-ci date d’avant Daech. A la fin des années 2000, Al-Qaeda dans la péninsule arabique publiait un web magazine appelé en anglais Inspire. L’idée était de susciter des vocations jihadistes dans les pays occidentaux. Elle vient du théoricien jihadiste Abou Moussab al-Souri qui, dans son Appel à la résistance islamique mondiale, analysait qu’une organisation comme Al-Qaeda était vulnérable parce que pyramidale : la décapitation des chefs menaçait d’ébranler tout l’édifice.

C’est l’autoentreprenariat jihadiste ?

Chaque époque a connu son expression, oui. On a parlé un temps de la méthode Wikipédia, puis de jihad 2.0 ou le jihad open source. Aujourd’hui, on évoque plutôt l’ubérisation. Généralement, ces terroristes utilisent des modes opératoires low cost comme le couteau ou la voiture bélier. Ce terrorisme d’inspiration est devenu le plus fréquent. Aujourd’hui, une action de type « 13 Novembre » paraît improbable, mais la « stratégie des 1 000 entailles », qui veut que l’on harcèle un pays à l’aide d’une multitude d’attaques d’ampleur réduite, reste d’actualité.

Concernant les profils de ces jihadistes inspirés, les statistiques montrent un certain rajeunissement… Même s’il y avait déjà des jeunes en 2015, notamment dans les départs en Syrie, le Pnat souligne que la proportion de jeunes passant à l’acte est aujourd’hui très importante : plus de 70 % des personnes arrêtées depuis 2023 ont moins de 21 ans. Sur la question du pourquoi, il faudrait se pencher sur les méthodes de recrutement, depuis TikTok ou les forums de jeux vidéo. Ce rajeunissement s’observe aussi à l’ultradroite, même si les groupuscules de cette mouvance sont plus divers en âges.

Le sort de Gaza depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et la réponse d’Israël sont-ils des leviers actionnés dans la propagande jihadiste ?

La Palestine est historiquement une cause mobilisatrice pour la mouvance jihadiste. Daech n’est pas un allié du Hamas mais il a appelé à attaquer des cibles, notamment juives. Cette guerre à Gaza est remise dans un contexte plus large d’oppression du monde musulman par les populations occidentales. Dans votre livre Daech au pays des merveilles, vous imaginez une attaque d’ampleur contre des musulmans venant de l’extrême droite après le 13 Novembre. Cela n’est pas arrivé mais les projets venus de l’extrême droite sont en augmentation.

L’objectif des jihadistes était de déclencher des surréactions, de polariser la société jusqu’à ce qu’elle implose. En 2016, le directeur général de la sécurité intérieure a anticipé une grande confrontation entre l’ultradroite et les musulmans. Celle-ci n’a pas eu lieu, du moins pour le moment.

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> Lire l'interview en entier sur le site de Libération.

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Marc HECKER

Marc HECKER

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Directeur exécutif de l'Ifri, rédacteur en chef de Politique étrangère et chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri

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Médias face à l'intervention de la police française mobilisée suite aux attentats terroristes de Paris du 13 novembre 2015.
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