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Pour une initiative franco-allemande en faveur des jeunes en Europe

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Le contexte politique en France et en Allemagne est aujourd’hui favorable à la relance de l’Europe et à la coopération franco-allemande. Si les principaux chantiers du dialogue entre Paris et Berlin sont économiques et sécuritaires, Emmanuel Macron, dans ses discours à la Sorbonne le 26 septembre et à Francfort le 10 octobre 2017, a réaffirmé l’importance de l’éducation et de la mobilité des jeunes en Europe. Il convient en effet d’impliquer les sociétés civiles et particulièrement les jeunes dans ce dialogue au service du projet européen. 

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Certes, l’existence de programmes européens tels Erasmus+ peut conduire à s’interroger sur l’intérêt d’une approche bilatérale. Nous sommes au contraire convaincus que notre histoire, la masse critique que forment ensemble la France et l’Allemagne en Europe (sur les plans économique, démographique et linguistique) et l’ancienneté du dialogue entre nos deux pays font de la coopération franco-allemande non pas un but en soi, mais un laboratoire d’expérimentation utile pour les pays européens.

Nous croyons que la coopération franco-allemande en faveur des jeunes doit constituer une priorité politique et qu’elle devrait poursuivre un double objectif :

- enrichir l’expérience des jeunes et améliorer leurs chances de trouver un emploi ;

- renforcer la participation démocratique des jeunes Européens et leur sentiment d’adhésion aux valeurs européennes.

 

Par conséquent, nous proposons une initiative franco-allemande en faveur des jeunes en Europe se déployant autour de trois axes : la mobilité, la qualification professionnelle et les valeurs démocratiques européennes.

 

 

Une initiative volontariste en faveur de la mobilité des jeunes en Europe

Faciliter la mobilité des jeunes malgré l’absence croissante de la maîtrise de la langue du partenaire

Il existe une solide expérience franco-allemande en matière de mobilité et de formation biculturelle des jeunes : plus de huit millions de jeunes Français et Allemands ayant participé à des échanges par l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) depuis 1963, 17 000 étudiants ayant des doubles diplômes grâce à l’Université franco-allemande, etc.

S’il existe de nombreuses actions en ce domaine, force est de constater qu’elles n’ont pas empêché la baisse de l’apprentissage du français par les jeunes Allemands, et plus encore de l’allemand par les jeunes Français. En France, dans les collèges et lycées, les germanistes sont passés en 20 ans, de 1995 à 2015, de 1 312 000 (23 % des élèves) à 842 000 (15 %). En Allemagne, en dix ans, de 2005 à 2015, le nombre d’élèves apprenant le français a légèrement diminué de 1,7 à 1,54 million, même si on constate une progression en pourcentage de 17,7 à 18,4 % des élèves allemands apprenant le français.

Les arguments pour apprendre la langue du partenaire sont pourtant connus et promus, auprès des élèves et de leurs parents. L’argument économique, en particulier, est sans appel. Il existe plus de 8 000 filiales dans les deux pays, employant environ 650 000 salariés. L’apprentissage de la langue du voisin n’est pas seulement un enjeu bilatéral : c’est le projet même de l’Europe qui est en jeu. Le multilinguisme est en effet un objectif fondamental en Europe et a été récemment rappelé par le président français.

Pour autant, ne pas parler la langue de l’autre ne doit pas constituer un frein à la mobilité vers l’autre pays. L’objectif premier est la rencontre de l’autre. Une rencontre réussie pourra même inciter à apprendre la langue de l’autre. C’est la raison pour laquelle nous estimons, d’un point de vue pragmatique, que la mobilité vers l’autre pays doit être recherchée et renforcée, quelle que soit la maîtrise des langues.

À cette fin, plusieurs mesures devraient constituer des priorités :

  • donner aux outils existants des moyens de développement (OFAJ, Université franco-allemande, Secrétariat franco-allemand pour les échanges en formation professionnelle/SFA, plateforme franco-allemande écoles/entreprises, etc.) ;
  • intensifier la coopération entre les ministères des Länder en charge de l’éducation et les rectorats et les régions ;
  • parvenir à une réelle reconnaissance des formations et diplômes, notamment des certificats de langues, entre la France et l’Allemagne et, à terme, en Europe ;
  • simplifier les démarches administratives pour la mobilité (sécurité sociale, etc.).
Développer la mobilité des apprentis et des jeunes ayant moins d’opportunités

Beaucoup d’initiatives ont déjà vu le jour, mais sont sous-utilisées, en raison de la persistance d’obstacles comme le manque d’information, de moyens financiers ou de reconnaissance des diplômes en pratique. Ainsi, la Garantie pour la jeunesse, lancée en 2013 en Europe avec un plan de 6 milliards d’euros est nettement sous-utilisée, comme Erasmus+. La mobilité des apprentis est encore faible, tant en France (moins de 2 % des apprentis) qu’en Allemagne (environ 4,5 %). L’objectif de l’Union européenne est de 6 %. L’Allemagne s’est fixée pour sa part un objectif ambitieux de 10 % des apprentis. Nous proposons d’améliorer la coordination entre tous les dispositifs existants pour la mobilité des apprentis.

Former les formateurs au franco-allemand

Pour renforcer la mobilité des jeunes entre les pays, il faut former et motiver, voire échanger leurs enseignants ou formateurs. Cette dimension, pourtant essentielle, est encore trop souvent négligée. Les pistes suivantes pourraient être explorées :

  • proposer aux professeurs des écoles ou aux enseignants du secondaire des échanges poste à poste pour une ou plusieurs années scolaires (actuellement, seuls les rares lycées internationaux ou franco-allemands le proposent et le programme de l’OFAJ d’échange de professeurs des écoles primaires reste insuffisant – moins d’une cinquantaine de chaque pays par an ; ainsi, pour 2018-2019, seuls 36 postes sont ouverts en France) ;
  • organiser une formation mutuelle d’enseignants en binôme franco-allemand ;
  • chaque enseignant de langue étrangère devrait passer une année dans le pays européen dont il enseigne la langue ;
  • développer les tandems de directeurs d’établissements d’enseignement en s’appuyant sur les jumelages de régions ou de communes.

 

Mieux former les jeunes aux emplois qualifiés dont ont besoin les entreprises

Une des priorités politiques absolues de l’Union européenne doit être de combattre le chômage, qui, en septembre 2017, atteint 16,6 % des jeunes de moins de 25 ans. Mais cette priorité ne se pose pas dans les mêmes termes en France et en Allemagne, où la situation n’est pas la même ni sur le plan du chômage, ni sur le plan de la démographie. L’Allemagne est le pays où le taux de chômage des jeunes est le plus bas (6,6 %). La France se situe dans la moyenne haute des États connaissant un taux de chômage élevé chez les jeunes (22,1 %). L’évolution des taux de natalité dans les deux pays n’explique pas tout, mais n’est pas non plus étrangère à ce phénomène.

Le chômage des jeunes s’explique en grande partie par un décalage croissant entre les formations et les besoins de l’économie. D’où un manque chronique en personnels qualifiés. Ce manque s’accompagne par ailleurs par une baisse de niveau à l’entrée dans l’enseignement supérieur dans les deux pays, corollaire de l’augmentation du nombre d’étudiants (environ 80 % de bacheliers en France) et d’un détournement progressif des jeunes Allemands de la formation professionnelle au profit de l’université.

Nous proposons notamment de :

  • mieux adapter les formations (en nombre et en qualité) aux besoins évolutifs du marché du travail, notamment en France où les formations dites « professionnalisantes » souffrent d’un manque de reconnaissance, alors que la formation dite « duale » en Allemagne est considérée comme un atout ;
  • impliquer davantage des entreprises dans la conception des formations professionnelles et technologiques, notamment en France ;
  •  favoriser la coopération entre les écoles, les lycées, les universités et les entreprises ;
  • renforcer l’information et l’orientation professionnelle à tous les âges, du lycée jusqu’au niveau Master dans les universités.

 

Enseigner les valeurs démocratiques européennes

Aux dernières élections législatives en France, l’abstention des jeunes de 18-24 ans a culminé à 63 % au premier tour. Un peu plus de la moitié des jeunes Français a voté au premier tour des élections présidentielles de 2017 pour des candidats militant pour une remise en question de la construction européenne ou d’autres candidats hostiles au projet européen.

Afin de renforcer la participation démocratique des jeunes Européens et leur sentiment d’adhésion aux valeurs européennes, un enseignement de ces valeurs serait fondamental. Les traditions en Allemagne (longue tradition de politische Bildung depuis l’après-guerre) et en France (discussions autour de l’enseignement civique) diffèrent à ce sujet. La République fédérale d’Allemagne, vu la catastrophe du national-socialisme allemand, consacrait une forte importance à la formation démocratique des jeunes Allemands. Depuis longtemps, des matières comme « Politische Weltkunde », sciences politiques, mais aussi des cours d’éthique font partie intégrale de la formation scolaire. Par conséquent, la formation universitaire de professeurs enseignant ces matières plus tard aux établissements scolaires est bien établie, elle aussi, depuis longtemps. Avec la montée des populismes en Europe, un tel enseignement est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, l’objectif étant de renforcer la conviction des jeunes Européens que l’existence durable d’un système démocratique, une fois établi, n’est pas garanti une fois pour toutes.

C’est pour cette raison que nous proposons enfin de constituer un groupe de travail franco-allemand pluridisciplinaire chargé de concevoir un enseignement des valeurs démocratiques européennes. Ce groupe travaillerait sur la base des traditions politiques différentes française et allemande, mais avec l’objectif de renforcer la capacité de résistance des jeunes Allemands et Français face aux tentations des solutions simples, en permettant aux jeunes de s’approprier les valeurs européennes communes.

Nous recommandons par conséquent de lancer dès 2018 une initiative franco-allemande en faveur des jeunes en Europe, qui favorise la mobilité, la qualification professionnelle et la transmission des valeurs démocratiques européennes.

 

Cette publication est également disponible en allemand "Für eine deutsch-französische Initiative zugunsten der jungen Generation in Europa".

 

     

 

 

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978-2-36567-831-5

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Pour une initiative franco-allemande en faveur des jeunes en Europe

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Porte de Brandebourg
Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa)
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Le Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) a été créé en 1954 par un accord intergouvernemental entre la République fédérale d’Allemagne et la France, afin de mieux faire connaître l'Allemagne en France et analyser les relations franco-allemandes y compris dans leurs dimensions européennes et internationales. Dans ses conférences et séminaires, qui réunissent experts, responsables politiques, hauts décideurs et représentants de la société civile des deux pays, le Cerfa développe le débat franco-allemand et suscite les propositions politiques. Il publie régulièrement des études à travers deux collections : les « Notes du Cerfa » et les « Visions franco-allemandes ». 

Le Cerfa entretient des relations étroites avec le réseau des fondations et des think tanks allemands. En plus de ses activités de recherche et de débat, le Cerfa promeut l’émergence d’une nouvelle génération franco-allemande à travers des programmes de coopération originaux. C'est ainsi qu'en 2021-2022, le Cerfa a conduit un programme sur le multilatéralisme avec la Fondation Konrad Adenauer de Paris. Ce programme s'adresse à des jeunes professionnels des deux pays intéressés par les enjeux du multilatéralisme dans le contexte de leurs activités. Il a couvert une large gamme de thèmes relatifs au multilatéralisme, tel que le commerce international, la santé, les droits de l’homme et la migration, la non-prolifération et le désarmement. Auparavant, le Cerfa avait participé au dialogue d’avenir franco-allemand, co-piloté de 2007 à 2020 avec la Deutsche Gesellschaft für auswärtige Politik (DGAP) et soutenu par la Fondation Robert Bosch, ou encore le groupe Daniel Vernet (anciennement Groupe de réflexion franco-allemand) qui avait été fondé en 2014 à l’initiative de la Fondation Genshagen.

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