19
avr
2023
Publications Notes de l'Ifri
Vue aérienne d'une centrale solaire en Hongrie

L'européanisation de la transition énergétique dans les pays d'Europe centrale et orientale : un combat à gagner Notes de l'Ifri, avril 2023

La guerre de la Russie en Ukraine et le découplage brutal avec les combustibles fossiles russes ont bouleversé la région de l'Europe centrale et orientale, qui dépendait largement de la Russie pour son approvisionnement en énergie.

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Bien que des réserves de pétrole, de gaz et de combustible nucléaire subsistent, leur déclin brutal et la recherche d'alternatives ont conduit à un changement de paradigme : le déploiement de technologies à faible émission de carbone et l'efficacité énergétique sont désormais des questions de sécurité nationale et économique. Ainsi, à la suite de la crise énergétique de 2022, la prise de conscience que la sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Union européenne (UE) passe par l'abandon progressif des combustibles fossiles et le déploiement d'énergies propres est devenue le nouvel acquis européen en matière de politique énergétique, ce qui accroît l'importance du Pacte vert aux niveaux européen, national et local. Le risque de voir s'ériger un mur du carbone en Europe entre l'Ouest et les États membres d'Europe centrale et orientale (PECO) n'est plus d'actualité.

Le concept d'européanisation est au cœur de l'analyse de la transition énergétique dans les PECO. Les progrès en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) observés dans ces États membres (EM) peuvent être considérés comme une réussite du processus d'européanisation dans cette région, car leur calendrier coïncide avec la mise en œuvre du programme 2020 pour le climat et l'énergie, qu'ils ont contribué à mettre en place.  En outre, le paquet "énergie propre" et le "Pacte vert européen" sont parvenus à mettre en place une structure d'encadrement pour que tous les Européens aillent dans la même direction, avec un mode de vie plus propre, plus sain, quelle que soit leur situation. Compte tenu du statu quo dans les dix PECO, les nouveaux objectifs ambitieux en matière de décarbonisation des transports se traduiront par des coûts de transformation importants pour la région, ce qui pourrait accroître le risque de tentatives de renégociation, comme le prévoit la "théorie circulaire de l'européanisation".

La reconnaissance au niveau de l'UE de la nécessité d'une transition juste s'illustre à travers l'européanisation progressive de certains États membres qui ont façonné le programme et le discours européens sur la transition énergétique. Le soutien financier conséquent accordé à cette fin a été la première condition du soutien des PECO au programme de la neutralité climatique. La deuxième condition consiste à ce que les PECO planifient le remplacement, au moins partiel, de leur parc de centrales à charbon par de l'énergie nucléaire, qu'il s'agisse d'extensions de la capacité des réacteurs, de prolongations de leur durée de vie, de nouveaux grands réacteurs ou de petits réacteurs modulaires (SMR). La troisième condition consiste à assurer l'utilisation du gaz naturel pour la transition, ce qui, en 2022, s'est avéré être un choix coûteux.

Avec la crise, les PECO ont tous pris conscience du besoin de développer les énergies renouvelables afin de réduire rapidement la dépendance aux combustibles fossiles importés, pour atteindre les objectifs de 2030 et se préparer à l'élimination progressive des quotas sur les émissions de CO2 tout en attendant les nouvelles capacités de production d'énergie nucléaire prévues à partir de 2035. Cette stratégie est également soutenue par l'opinion publique, même s'il reste à voir dans quelle mesure les SMR seront acceptés par cette dernière. Les PECO ont donc un intérêt commun à faire pression en faveur de l'inclusion de l'énergie nucléaire dans les législations de l'UE, aux côtés de la France. En ce qui concerne le gaz, les pays sont passés au gaz naturel liquéfié (GNL) et ont diversifié leurs approvisionnements par gazoduc et, dans la mesure du possible, tentent d'augmenter l'offre nationale de gaz naturel et, bientôt, de biométhane. Bien que les PECO soient relativement éloignés des points d'entrée alternatifs du gaz, la Russie reste, dans une certaine mesure, une nécessité pour certains d'entre eux, cela ne peut servir d'excuse pour saper l'unité de l'UE et devrait pousser à des réflexions plus approfondies au niveau de l'UE sur la solidarité énergétique, sur laquelle des progrès ont été accomplis pendant la crise énergétique de 2022.

Il reste à déterminer si une nouvelle ligne de fragmentation n'apparaîtra pas entre l'Allemagne et l'Autriche d'une part et les PECO d'autre part : suite à la trahison du Nord Stream et au déni par l'Allemagne des préoccupations polonaises en matière de sécurité énergétique par exemple, les PECO s'inquiètent de la portée extraterritoriale des politiques allemandes de sortie du nucléaire et de l'opposition systémique de l'Autriche à cette énergie. Cela joue en faveur des États-Unis, qui peuvent faire pression sur l'Allemagne pour garantir l'exportation de technologies américaines.  Il convient également de noter la préoccupation commune concernant la dépendance à l'égard des combustibles et des équipements nucléaires russes et les efforts déployés pour la réduire. Une dernière source de tensions possibles provient de certains investissements dans de nouvelles infrastructures gazières qui peuvent renforcer la résilience mais risquent de bloquer le gaz bien plus longtemps que ne le permet la projection de l'UE.

Cependant, il est important de souligner que les PECO présentent une grande diversité en termes d'approches énergétiques, au-delà de la question de l'énergie nucléaire et de la transition juste.

Enfin, cette note met en évidence une possible division entre les PECO en fonction de leur capacité à innover et du niveau des subventions accordées à leurs industries respectives. Bien que certains de ces pays sont en tête dans le déploiement de gigafactories pour la production de cellules de batterie, leurs capacités budgétaires restent inférieures à celles des États de l'Ouest. Cela s'applique également quant à leur capacité à élaborer des plans climatiques exhaustifs et cohérents, ainsi qu'à mobiliser les outils et les financements de l'UE. Sans un fonds souverain de l'UE, la région aura des difficultés à atteindre les objectifs européens dans le cadre de la loi sur la neutralité carbone de l'industrie et de la loi sur les matières premières critiques, en raison d'une marge de manœuvre fiscale limitée qui pourrait être utilisée pour des aides d'État, malgré des conditions favorables.

 

> cette note est uniquement disponible en anglais:The Europeanisation of the Energy Transition in Central and Eastern EU Countries: An Uphill Battle that Can Be Won 

 

The Europeanisation of the Energy Transition in Central and Eastern EU Countries - An Uphill Battle that Can Be Won
Mots-clés
Energie énergies fossiles énergies renouvelables transition énergétique Union européenne (UE) Europe centrale et orientale
ISBN / ISSN: 
979-10-373-0702-6