Brexit : quatre questions en suspens
Grâce au COVID-19 et aux élections américaines, le Brexit a temporairement pâli sur l’écran radar médiatique. À l’approche de la date fatidique du 1er janvier 2021 (limite pour un éventuel accord entre Union européenne – UE – et Royaume-Uni), il réapparaît de plus belle. Le dossier qui s’ouvre ici pose (au moins) quatre questions fondamentales.

Comment politistes et analystes peuvent-il essayer de savoir ce qui va se passer ? Réponse – selon Florence Faucher et Colin Hay : ils ne le peuvent pas. Plusieurs Brexit sont concevables ; seuls un ou deux sont probables. Mais nous ne saurons pas lesquels avant que le Brexit « définitif » ne se mette en place. Et celui-ci pourra lui-même évoluer. Comment l’élection de Joe Biden impactera-t-elle le sort du Brexit en général, et l’avenir de la soi-disant special relationship en particulier ? Moins positivement pour le Royaume-Uni, sans doute, que ne l’aurait fait un deuxième mandat Trump. Les perspectives d’un accord commercial États-Unis/Royaume-Uni restent dans les limbes. Biden donnera la priorité aux rapports américano-européens. La capacité du gouvernement Johnson à imposer l’Internal Market Bill semble compromise au vu de l’engagement du nouveau président en faveur du Good Friday Agreement (accord du Vendredi saint).
Comme le suggère Robert Singh : les signes extérieurs des relations entre Londres et Washington demeureront, mais la substance s’érodera rapidement, la présidence Biden accélérant le processus. Comment le Royaume-Uni échappera-t-il aux forces historiques et géographiques qui semblent le contraindre à accepter un accord futur avec l’UE, accord remettant en question les objectifs fondamentaux du Brexit ? Les Brexiters ont cherché refuge dans un modèle canadien, voire un modèle australien. La réalité, comme le suggère Stephen Wall, sera vraisemblablement plus proche du « modèle norvégien » : celui-là même que les partisans du divorce rejetaient comme un BRINO (Brexit in Name Only). Dans la même logique, et s’il est vrai que « l’histoire c’est le destin », comment le Royaume-Uni fera-t-il face à cette donnée : sa sécurité reste indissociable de celle de l’Europe ? Avec Adrien Abécassis, nous analysons ci-après le potentiel de la coopération militaire franco-britannique post-Brexit.
Comment, enfin, le Royaume-Uni traitera-t-il le risque de son éclatement en quatre nations distinctes ? Le COVID a accentué en Écosse le sentiment que Westminster fait partie du problème plutôt que de la solution. Le nationalisme écossais, nous dit Kirsty Hughes, est une dynamique en progrès. Quant à la perspective de la (ré-)unification irlandaise, elle n’est plus inimaginable.
Le Brexit, comme le trumpisme, a sa part de rêve, de déni du réel. Mais l’écrivain américain Philip K. Dick nous rappelle que « la réalité, c’est ce qui continue d’exister, même quand on cesse d’y croire »…
Jolyon Howorth est professeur émérite de Politique européenne à l’université de Bath, et fellow à la Harvard Kennedy School.
Article publié dans Politique étrangère, vol. 85, n° 4, hiver 2020-2021.
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