L'Occident devant l'Orient : primauté d'une solution culturelle
Un récent séjour à Bagdad et au Caire m'a inspiré quelques observations sur l'état social dans le Proche-Orient et a attiré mon attention sur ce que j'appelle la priorité ou « primauté d'une solution culturelle ». Les réflexions qui vont suivre sont présentées d'un point de vue français et concret.
Je ne nie pas du tout le fait de la supériorité technique de l'Europe, mais il ne doit pas légitimer l'abus des épreuves de force. Je ne veux pas nier non plus le primat théorique de la justice abstraite, mais il ne légitime pas non plus notre expulsion de toutes nos positions de commandement, au bénéfice du marxisme. Ce que je veux, c'est essayer de revendiquer l'efficacité, qu'on néglige trop, d'une certaine réflexion progressive, d'une certaine psychologie opérative qui nous mettent en position de participation avec ceux qui se trouvent en face de nous.
Ici s'élève une objection, et une objection qui me vise personnellement, qui a été employée à plusieurs reprises : « Pourquoi cet orientaliste, historien de la mystique s'est-il mis à s'occuper de "politique" ? » C'est ce qu'a dit assez fortement, dans son ouvrage sur le soufisme, le Dr Omar Farrukh, un musulman syrien notable, professeur à l'Université américaine de Beyrouth ; la mystique étant elle-même quelque chose d'indiscernable et d'inutilisable, en tirer une « politique » semblait indiquer qu'on avouait avoir échoué dans la découverte de la mystique.
La même objection avait été faite dans « el-Basaïr » par le cheikh Ibrahimi, le chef des Ulémas réformistes d'Algérie, qui a considéré que j'avais mis vingt-cinq ans à me construire une espèce de « masque », que j'étais le pire agent de la cinquième colonne et que c'était évidemment la cinquième colonne colonialiste qui opérait à travers mon masque de mystique.
Plus profondément l'objection m'a été faite, d'une manière qui m'a fait beaucoup de peine, par un autre musulman algérien, M. Mhd ben Saï,de Batna, ancien président des étudiants nationalistes nord-africains de Paris, un homme qui réfléchit. Il mène une vie très retirée, mais c'est une des têtes de l'opposition à la francisation en Algérie. Un jour où il était malade à Paris (où je lui avais fait préparer un diplôme d'études supérieures à la Sorbonne), il m'écrivit ceci : « Je ne me pardonne pas de vous avoir aimé, parce que vous m'avez désarmé. Vous avez été pire que ceux qui ont brûlé nos maisons, qui ont violé nos filles ou enfumé nos vieillards. Vous m'avez désarmé pendant plusieurs années de ma vie en me laissant croire qu'il y avait une possibilité de réconciliation et d'entente entre un Français qui est chrétien et un Arabe qui est musulman. »
La position est donc très nette : j'ai, au point de vue mystique, apparemment échoué vis-à-vis de ces trois personnes. J'espère cependant être plus compréhensif et plus persuasif devant vous.
PLAN DE L'ARTICLE
- Une approche mystique des phénomènes politiques
- L'art de comprendre
- La primauté du culturel
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
L'Occident devant l'Orient : primauté d'une solution culturelle
En savoir plus
Découvrir toutes nos analysesRussie - [URSS] - Russie
De Nicolas II à Vladimir Poutine, la Russie est passée, au cours du XXᵉ siècle, par bien des métamorphoses. À l'empire tsariste d'avant la Première Guerre mondiale succède l'Union des républiques socialistes soviétiques, l'URSS, dont la vocation révolutionnaire internationaliste exprimée par Lénine cède à l'impérialisme soviétique, continental avec Staline, mondial avec Khrouchtchev et Brejnev. Devenue une superpuissance après 1945, la « patrie du socialisme » ne peut résister à l'éclatement de l'empire qu'annonce la chute du mur de Berlin, en 1989 : en 1991, la Russie renaît donc sur les débris de l'empire, et, avec elle, une nouvelle page de l'histoire russe s'ouvre devant les yeux inquiets du monde. Mais en dépit de ses spécificités et des tensions diverses qui l'ébranlent, entre Nord et Sud, Orient et Occident, christianisme et islam, la Russie fédérale entend bien s'intégrer enfin dans la communauté des grands États et cesser d'être considérée comme un acteur à part des relations internationales.
D'hier à demain : penser l'international (1936-2006)
Ce numéro anniversaire célèbre les 70 ans d'existence de la revue Politique étrangère, créée en 1936.
1900-2000 : Cent ans de relations internationales
Ce numéro spécial de Politique étrangère célèbre 100 ans de relations internationales, de 1900 à 2000.
Politique étrangère, 50 ans d'une revue
Ce numéro anniversaire célèbre les 50 ans d'existence de la revue Politique étrangère, créée en 1936.