Philippines : "agissons contre la corruption"
En rassemblant plus de 100 000 personnes dans les rues de Manille, la manifestation du 21 septembre 2025 montre une exaspération vis-à-vis de la corruption, fragilisant les clans Duterte et Marcos, pourtant centraux dans la vie politique du pays.
On l’a appelée « la marche des mille milliards de pesos ». Le 21 septembre, des milliers de personnes se sont rassemblées pour protester contre le dernier scandale de corruption révélé aux Philippines : le détournement de l’équivalent de plusieurs milliards d’euros d’argent public destinés à la construction d’infrastructures anti-inondation. L’archipel est particulièrement exposé aux typhons et autres phénomènes climatiques extrêmes, lesquels viennent encore de provoquer la mort de plusieurs personnes et le déplacement de plusieurs dizaines de milliers d’autres. Mais les chantiers de construction de digues et autres systèmes de protection prennent du retard, voire ne voient jamais le jour, au point qu’on les appelle les « projets fantômes ».
Ce scandale, baptisé « Floodgate », a été révélé fin juillet par le président lui-même, lors de son discours sur l’état de la Nation. 70 % des fonds alloués au contrôle des inondations auraient été détournés depuis 2023. Le préjudice financier s'élèverait à environ 2 milliards d'euros, selon le gouvernement philippin, plutôt à 15 milliards d'euros, selon Greenpeace.
Chaque 21 septembre, date anniversaire de l’instauration de la loi martiale par le dictateur Marcos en 1972, des manifestations sont organisées par les milieux progressistes. Mais en rassemblant plus de 100 000 manifestants à Manille, la dernière mobilisation est la plus importante depuis 2013. L'invitation à mettre un terme à la corruption s'adressait non seulement aux responsables politiques, mais également aux entrepreneurs du secteur du bâtiment et des travaux publics, tels que le couple Curlee et Sarah Discaya, qui seraient réputés pour leur implication dans des pratiques de corruption. Et ce d’autant plus que le système politique semble être confisqué par quelques grandes familles. De véritables « dynasties politiques » se disputent le pouvoir. Si bien que depuis les élections présidentielles de 2022, Ferdinand Marcos Jr., le fils de l’ancien dictateur, occupe la présidence des Philippines tandis que Sara Duterte, la fille de l’ancien président, est vice-présidente.
Si les deux clans ont bénéficié pendant longtemps d’une grande popularité, ce dernier scandale de corruption risque d’ébranler considérablement la vie politique philippine. Le président Marcos a réagi rapidement et une commission d’enquête indépendante a été lancée mi-septembre. Cela suffira-t-il à calmer une population de moins en moins tolérante vis-à-vis de la corruption ?
Invités :
- Juliette Loesch, chercheuse associée au Centre Asie de l'Ifri
- David Camroux, chercheur franco-australien, membre du CERI et enseignant à Sciences Po, il est spécialiste de l’Asie du Sud-Est
- Julie Bardèche, conseillère juridique de l'ONG Redress
> Écouter le podcast sur le site de Radio France.
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