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Turquie 2050 : l’agro-industrie ; les prisons ; Trump-Erdoğan

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Repères sur la Turquie
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Repères sur la Turquie n°29 - Le programme « Turquie 2050 » développe une analyse prospective sur les thèmes de la diplomatie, de la politique intérieure et de l’économie turques afin d’y anticiper les dynamiques des trente prochaines années.
 

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Mosquée de Suleymaniye - Istanbul, Turquie
Mosquée de Suleymaniye - Istanbul, Turquie
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ÉCONOMIE

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L’agro-industrie en Turquie : un tracteur économique ?  
En avril dernier, la plus grande foire de machinerie agricole de Turquie s’est tenue à Konya, en Anatolie centrale. Pour cette 21e édition, 432 exposants issus de 20 pays différents ont présenté leurs produits à 250 000 visiteurs de 80 nationalités, majoritairement turcs, mais aussi iraniens, russes, chinois et caucasiens, tandis que 24 % du public provenait du continent africain . Historiquement agricole, la ville de Konya est parvenue à convertir son savoir-faire et son expérience en matière de mécanisation pour diversifier son économie productive et se placer ainsi en tête du secteur de la machinerie agricole.

Plus généralement, la Turquie est devenue un acteur important de ce secteur, au confluent de son industrie mécanique bien développée, de la compétitivité de ses coûts et d’une tradition agricole ancienne. En 2023, les exportations de machines agricoles turques ont dépassé 1,6 milliard de dollars, tandis que le secteur connaît une croissance stable, établie autour de 10 %, soutenue notamment par une demande internationale en hausse. La machinerie agricole turque convient à de nombreux marchés grâce à une offre de milieu de gamme et à des prix compétitifs. L’Union européenne, avec qui la Turquie est en union douanière, reste pour le moment le principal acheteur (35 % des exportations) ; c’est aussi un client de premier plan pour les exportations agricoles turques. Mais à la foire de Konya les exposants disent miser désormais sur les potentialités des marchés russe et africain pour développer leurs activités internationales.


Le secteur agroalimentaire turc se porte également bien. Employant 14,8 % de la population active et représentant 6,2 % du produit intérieur brut du pays , il a généré 68,5 milliards de dollars de revenus en 2023. L’exportation de produits agroalimentaires représente 12,1 % des exportations totales du pays, principalement vers l’Irak, la Russie, les États-Unis et l’Allemagne. Les principaux marchés en croissance sont Djibouti, le Yémen, le Pakistan, l’Inde et l’Éthiopie. L’offre de produits halal rend les produits turcs populaires dans les pays du Golfe. La compétitivité des produits turcs est également soutenue par des subventions étatiques au secteur, l’organisation de foires et la facilité des crédits à l’exportation. L’engagement de l’État a ainsi permis d’attirer d’importants investisseurs étrangers ces dernières années, tels que Nestlé, Kraft Heinz, Mondelez, Cargill, Coca-Cola et Döhler.

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POLITIQUE INTÉRIEURE

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La prison en Turquie : un phénomène à large spectre
La Turquie détient le plus haut taux d’incarcération du Conseil de l’Europe. Avec 408 détenus pour 100 000 habitants en 2023, elle devance de loin la Géorgie (256) et l’Azerbaïdjan (244). Cette même année, 348 265 personnes étaient détenues en Turquie , contre 55 870 en 2005. L’occupation des prisons turques a ainsi augmenté de 444 % en deux décennies.

Le pays compte 403 établissements  : 272 institutions fermées et 99 prisons ouvertes réservées aux hommes ; 11 prisons fermées et 8 ouvertes pour les femmes ; 9 établissements fermés et 4 centres éducatifs pour les mineurs. Au total, le parc pénitentiaire turc a une capacité de 295 328 places, ce qui correspond à un taux d’occupation d’environ 118 %. En 2023, la Turquie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des mauvaises conditions d’incarcération liées à la surpopulation carcérale. Les organisations de défense des droits humains et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont alerté sur l’augmentation des mauvais traitements et des pratiques de torture depuis le vaste mouvement de répression engagé à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, révélant notamment un recours injustifié à des fouilles à nu violentes.


Loin d’être une priorité pour l’État durant les premières années de la République, le système carcéral a considérablement évolué à partir de la fin des années 1990. Afin de lutter contre la politisation des prisons – conséquence de la criminalisation systématique du mouvement nationaliste kurde à partir des années 1970 et de l’augmentation du nombre de militants politiques emprisonnés –, l’État inaugure à Eskişehir, en 1996, un nouveau modèle de prison fondé sur des cellules individuelles. Cette nouvelle architecture vise à séparer les membres de groupes politiques, qui étaient jusque-là détenus collectivement dans des quartiers pénitentiaires (prison ward), ce qui leur permettait d’organiser leur vie quotidienne en détention, voire de prendre le contrôle d’ailes entières dans certains cas.

Leur détention collective leur permettait également de passer des accords informels avec l’administration carcérale et d’organiser des mouvements de résistance collective pour contrer les tentatives de l’État de reprendre le contrôle des prisons, notamment par des grèves de la faim. Ce fut notamment le cas après l’ouverture de la première prison de sécurité maximale en 1999, inspirée des établissements britanniques et états-uniens. Afin de mettre un terme à ce mouvement et de fermer les anciens établissements et transférer les détenus vers les nouvelles prisons, l’État a lancé en octobre 2000 une vaste opération répressive (« Opération retour à la vie »), à laquelle les détenus ont finalement résisté par la plus longue et mortelle grève de la faim de l’histoire carcérale de la Turquie contemporaine.

La prison d’İmralı, située sur une île en mer de Marmara, où est incarcéré depuis 1999 Abdullah Öcalan, le fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), est l’exemple emblématique de ces établissements d’isolement. Y sont détenues principalement les personnes condamnées en vertu de la loi antiterroriste, qui représentaient 7,6 % des prisonniers en 2023. Environ 34,4 % des détenus en Turquie sont incarcérés pour des infractions liées à la drogue, 28,3 % pour vol, 9,3 % pour vol avec violence, 12,4 % pour homicide, 16,7 % pour coups et blessures, 10 % pour viol et agression sexuelle, 5,7 % pour délits. économiques et 2,6 % pour délits routiers. L’âge moyen dans les prisons turques est de 36 ans, tandis que 0,7 % des détenus sont mineurs. Selon l’organisation non gouvernementale turque Civil Society in the Penal System Association, 10 % des détenus seraient des prisonniers politiques. Nombre d’entre eux sont incarcérés dans la prison stambouliote de Silivri, notamment connue pour avoir accueilli les opposants condamnés lors du procès Ergenekon, ainsi que le mécène libéral Osman Kavala depuis 2016 et Ekrem İmamoğlu depuis le mois de mars 2025.

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Évolution du taux d'incarcération en Turquie entre 2013 et 2023 (pour 100 000 habitants)
Évolution du taux d'incarcération en Turquie entre 2013 et 2023 (pour 100 000 habitants)
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Graphique réalisé à partir des données du rapport PAC, disponible sur : https://wp.unil.ch.pdf

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DIPLOMATIE

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Trump et Erdoğan : une relation sérieuse ?
La Turquie semble bénéficier du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Plusieurs visites et coups de téléphone témoignent de la réintégration de la Turquie dans le logiciel diplomatique américain. Malgré le scepticisme des observateurs qui soulignent souvent la nature structurelle des différends entre Ankara et Washington, Trump semble persuadé de la fiabilité du président turc, qu’il qualifie de « good leader ».

Le rapprochement amorcé au cours des dernières semaines contraste avec les relations plus retorses entre le prédécesseur de Trump, Joe Biden, et Recep Tayyip Erdoğan. Le président démocrate, qui avait entamé son mandat par la reconnaissance du génocide arménien, tenait plutôt son allié de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) à distance, alors qu’Ankara multipliait les initiatives internationales — en Afghanistan, en proposant la gestion de l’aéroport de Kaboul après le retrait américain en 2021 ; en Ukraine, en mettant la relation interpersonnelle entre Erdoğan et Poutine au service d’une diplomatie parallèle. Finalement, c’est sur l’adhésion de la Suède à l’OTAN que la Turquie était parvenue à contraindre les États-Unis à prendre en compte ses desiderata.


Ce manque d’alchimie explique qu’Erdoğan espérait le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, révélant une mémoire courte — sinon sélective — de ce que furent les relations turco-américaines sous son premier mandat, au cours duquel des sanctions avaient été imposées à la Turquie. Pari pourtant payant, puisque le contexte international semble aujourd’hui jouer en faveur du président turc, qui pourrait se rendre indispensable sur plusieurs dossiers internationaux que l’administration Trump cherche à régler au plus vite, quitte à s’en décharger entièrement.

C’est notamment le cas de la Syrie, que Donald Trump a déclaré vouloir « confier à la Turquie », dont le gouvernement, a démontré à plusieurs reprises sa capacité à conclure des deals dans un style proche de celui de Trump. Les États-Unis, engagés en Syrie depuis 2014 dans la lutte contre l’État islamique, envisageraient de retirer 2 000 hommes.

Contesté en Turquie, Erdoğan échappe par ailleurs aux pressions américaines sur sa pratique du pouvoir. Plutôt que de s’inquiéter  de l’arrestation d’Ekrem İmamoğlu, principal opposant d’Erdoğan, Trump s’est abstenu de commenter des « décisions internes à un autre pays ». La dissolution annoncée du PKK renforce la crédibilité de la Turquie sur le dossier kurde, en Turquie et en Syrie, ainsi que sa capacité de négociation avec les États-Unis, qui soutenaient la guérilla en Syrie.

Au menu des discussions figure également la réintégration de la Turquie au programme américain des F-35, dont elle avait été exclue – sous Trump – en 2019, après l’acquisition par Ankara d’un système de défense anti-aérienne russe.

Cet alignement sur une politique étrangère transactionnelle, doublé d’une certaine connivence dans l’exercice du pouvoir, pourrait avoir convaincu Trump d’imposer à la Turquie les tarifs douaniers supplémentaires les plus cléments (10%).

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ISBN / ISSN

979-10-373-1059-0

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Turquie 2050 : l’agro-industrie ; les prisons ; Trump-Erdoğan

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Auteur(s)
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Mosquée Süleymaniye, Istanbul, Turquie
Programme Turquie/Moyen-Orient
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Le programme Turquie/Moyen-Orient de l’Ifri fournit une expertise sur l’évolution des systèmes politiques, des sociétés et des économies de la région. Il se focalise d’une part sur les évolutions en Turquie et au Levant (influences turque et iranienne, risque de morcellement des États de la région, recompositions diplomatiques), et également au Maghreb (insertion du Maghreb dans les circuits mondiaux, relations politiques et économiques avec l’Europe et avec l’Afrique sub-saharienne…).

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Turquie
Programme Turquie 2050
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Le Programme Turquie 2050 développe une analyse prospective sur le pays afin d’y anticiper les dynamiques des 30 prochaines années. La réflexion se structure autour de trois thématiques : 
•    la politique intérieure, afin d’évaluer la solidité du régime AKP et les perspectives d’alternance ;
•    l’économie, pour comprendre la capacité de rebond de la Turquie, l’évolution de son modèle productif et ses perspectives d’intégration régionale ; 
•    la politique étrangère, pour suivre la montée en puissance de la diplomatie et de l’outil militaire, et cartographier les nouvelles zones d’influence de la Turquie.

Cette recherche, financée par des entreprises et des institutions actives en Turquie, s’appuie sur des missions de terrain qui tentent d’éclairer les points aveugles et les espaces méconnus du périmètre turc. Les partenaires du programme bénéficient d’un suivi personnalisé des indicateurs pertinents pour prendre leurs décisions, grâce à une veille stratégique mensuelle, des notes sectorielles, et la mise à disposition d’un réseau d'experts turcs et français. L’ensemble des échanges autour du programme visent à cerner in fine la notion de  « risque turc » au sens large, afin d’y adapter nos méthodes de travail. 

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Algérie-France : réflexions sur une crise

Date de publication
01 mai 2025
Accroche

L’Algérie a acquis son indépendance il y a plus de soixante ans. Paradoxalement, comme en témoigne la grave crise qui vient d’intervenir, les relations avec la France sont plus tendues qu’elles ne l’étaient en 1962, après une « guerre de libération » meurtrière. Ainsi, le temps n’a pas apaisé des relations qui restent fondamentalement conflictuelles malgré les efforts de réconciliation de part et d’autre. Comment expliquer une telle situation ? Quelles sont les racines de la crise actuelle ? Que faire pour avoir avec l’Algérie des relations privilégiées et apaisées ?

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Turquie 2050 : Conflit russo-ukrainien ; réforme constitutionnelle ; forum d’Antalya

Date de publication
15 avril 2025
Accroche

Repères sur la Turquie n°28 - Le programme « Turquie 2050 » développe une analyse prospective sur les thèmes de la diplomatie, de la politique intérieure et de l’économie turques afin d’y anticiper les dynamiques des trente prochaines années.

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La politique étrangère d’Israël : la lutte pour la sécurité

Date de publication
01 avril 2025
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Les conditions de naissance et de développement d’Israël expliquent que, dès sa création, les préoccupations de sécurité tiennent une place majeure dans l’esprit de ses dirigeants. Mais alors que, depuis une dizaine d’années, Israël semblait avoir acquis enfin la sécurité à laquelle aspire sa population, le 7 octobre 2023 a révélé sa vulnérabilité et a montré que cette sécurité était de fait loin d’être acquise. La Shoah qui devait effacer le peuple juif de la terre demeure dans les mémoires et le risque d’une menace existentielle est toujours présent.

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Turquie 2050 : Tourisme turc ; PKK ; enjeu spatial

Date de publication
15 mars 2025
Accroche

Repères sur la Turquie n°27 - Le programme « Turquie 2050 » développe une analyse prospective sur les thèmes de la diplomatie, de la politique intérieure et de l’économie turques afin d’y anticiper les dynamiques des trente prochaines années.

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Mosquée de Suleymaniye - Istanbul, Turquie
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Turquie 2050 : l’agro-industrie ; les prisons ; Trump-Erdoğan, de L'Ifri par
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Turquie 2050 : l’agro-industrie ; les prisons ; Trump-Erdoğan