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Les besoins de métaux critiques liés à la transition vers la mobilité électrique

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La transition écologique et les objectifs de neutralité climatique ont rendu incontournable l’évolution vers la mobilité électrique — via notamment l’abandon programmé de la vente des véhicules thermiques neufs d’ici 2035 en Europe. Toutefois, deux études récentes soulignent l’impact du basculement vers un parc automobile tout-électrique sur la demande de métaux critiques — des matériaux pour lesquels la France comme l’Europe dépendent largement d’approvisionnements étrangers (principalement chinois). Elles présentent toutes les deux divers scénarios d’évolution de cette demande de métaux critiques, et leurs conclusions convergent : on ne pourra pas réussir une transition soutenable vers la mobilité électrique sans un accroissement de la sobriété, qu’il s’agisse de la taille des véhicules, de la puissance des batteries, de l’intensité d’utilisation des véhicules…

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Les scénarios de l’IFRI

L’Institut français des relations internationales (IFRI) a aussi réalisé une étude analysant l’écart entre la demande et les capacités d’approvisionnement domestique (extraction et recyclage) en métaux critiques pour le véhicule électrique à l’horizon 2035. Cinq scénarios de demande ont été construits pour la France :

  1. Un scénario BAU (Business as Usual) ou tendanciel, avec une demande annuelle de véhicules particuliers neufs de deux millions de voitures dont la taille moyenne des batteries est de 55 kWh avec une chimie NMC des batteries.
  2. Un scénario « Grosses voitures », avec la même demande annuelle de véhicules particuliers neufs (deux millions), mais dont les batteries sont plus puissantes.
  3. Un scénario « Chimie variée BAU », avec également la même demande annuelle de véhicules particuliers neufs (deux millions), mais se différenciant du scénario tendanciel par une technologie de batteries partiellement différente (70 % NMC, et 30 % LFP ou autres).
  4. Un scénario « Sobriété » qui envisage un marché du véhicule neuf à 1,7 million (moins 15 % par rapport au tendanciel), avec une puissance moyenne des batteries de 40 kWh et une chimie de batteries exclusivement NMC.
  5. Et un scénario « Chimie variée sobriété », similaire au scénario Sobriété mais avec 70 % de batteries NMC et 30 % de batteries LFP ou autres.

Évolution du besoin et de la capacité d’approvisionnement domestique de la France jusqu’en 2050, dans le scénario BAU (en tonnes)

Source : IFRI.

Les résultats sont assez proches de l’étude précédente : le scénario de sobriété avec une réduction de 15 % et une taille moyenne des batteries limitée à 40 kWh réduit le besoin en métaux critiques de 38 % pour toutes les matières premières (lithium, cobalt, manganèse, graphique et cuivre) pour la France. L’étude de l’IFRI est cependant beaucoup plus optimiste sur le potentiel du recyclage que le WWF : à partir de 2040, si l’intégralité les déchets issus des usines de batterie et des batteries en fin de vie étaient recyclés, ils pourraient couvrir 80 % à 85 % des besoins nationaux en métaux dans le scénario Sobriété.

 

Évolution du besoin et de la capacité d’approvisionnement domestique de l’Union européenne jusqu’en 2050, dans le scénario BAU (en tonnes)

Source : IFRI.

L’IFRI, en dupliquant ses scénarios à l’échelle européenne, montre que les besoins du secteur des batteries automobiles ne pourront pas être satisfaits par un approvisionnement domestique, mais si tout le potentiel (optimiste) du recyclage était utilisé, dans le scénario business as usual, il pourrait couvrir jusqu’à la moitié des besoins. L’Europe devra donc mettre en place des partenariats miniers avec des pays tiers pour sécuriser au moins la moitié de ses besoins, elle devra aussi assurer un approvisionnement stable et compétitif en électricité décarbonée pour l’extraction sur son territoire, et surtout pour le raffinage de ses métaux, même importés, étape sur laquelle la Chine occupe pour l’instant une position ultradominante dont il serait dangereux de continuer à dépendre à long terme.

Le recyclage n’étant qu’un levier partiel de l’indépendance stratégique européenne vis-à-vis de ces métaux stratégiques, les deux études, IFRI et WWF, arrivent au même constat : pour réduire la dépendance aux matériaux critiques, il sera nécessaire de limiter le parc automobile et la taille des batteries électriques.

On remarquera que le marché annuel réel de ces dernières années, en France, se situe plutôt dans l’ordre de grandeur des scénarios de sobriété de ces deux études : 1,71 million de voitures neuves immatriculées en 2021, 1,58 million en 2022 et 1,63 million sur 11 mois en 2023. De même, la taille moyenne des batteries à 55 kWh est supérieure à celle observée en France (37-44 kWh en 2021) mais inférieure à celles vendues en Europe (60 kWh). L’étude de l’IFRI estime que pour l’instant, les voitures électriques en France sont des voitures secondaires pour la ville, mais que leur puissance sera amenée à augmenter pour faire de plus longs trajets. Néanmoins, les politiques urbaines dans les grandes villes tendent non seulement à réduire la vitesse — les zones limitées à 30 km à l’heure se multiplient — et, surtout, à réduire le stationnement sur la voirie, ce qui pourrait conduire de nombreux urbains à ne plus avoir de voiture personnelle et à opter pour la location ou les voitures partagées pour leurs besoins ponctuels de mobilité automobile, ce qui accentuerait la réduction du parc et des kilomètres automobiles. La limitation des SUV ou grosses voitures par la fiscalité permettrait de conforter cette tendance à une plus grande sobriété automobile, notamment dans les petites villes et les zones rurales qui resteront davantage dépendantes de la voiture personnelle que les métropoles.


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Marc-Antoine EYL-MAZZEGA

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Directeur du Centre énergie et climat de l'Ifri

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Diana-Paula GHERASIM

Intitulé du poste

Chercheuse, responsable des politiques européennes de l’énergie et du climat, Centre énergie et climat de l'Ifri