19
sep
2022
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Céline PAJON, dans une tribune au Monde

L’alliance « Aukus a souligné le décalage entre l’ambition stratégique de la France dans l’Indo-Pacifique et les moyens militaires qu’elle peut mobiliser »

La rivalité sino-américaine et les inquiétudes croissantes face à une crise dans le détroit de Taïwan imposent une clarification politique sur le rôle de la France en cas de conflit de haute intensité dans cette région, estime la chercheuse Céline Pajon dans une tribune au « Monde ».

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Un an après, et malgré la stupeur provoquée par son annonce, l’alliance Aukus [acronyme d’Australia, United Kingdom et United States, l’alliance militaire tripartite formée par l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni] n’a pas marqué un tournant majeur dans la stratégie de Paris dans l’Indo-Pacifique.

Après la première onde de choc, les relations avec Washington, Canberra et même Londres se sont lentement rétablies. L’Aukus toutefois a mis en évidence une ligne de fracture entre la rhétorique politique et le niveau de l’engagement opérationnel dans cette région. L’accord de défense a également rappelé la nécessité de coopérer pour relever les multiples défis et les risques grandissants de conflits de haute intensité dans cette région.

Les relations politiques avec les Etats-Unis se sont rétablies assez rapidement, grâce aux efforts de l’administration Biden, qui a rapidement fait amende honorable et s’est engagée dès octobre 2021 à des « consultations et coordinations systématiques et approfondies ». Retour donc au statu quo ante au sein de l’alliance : dans l’Indo-Pacifique, le partenariat est fort, mais la France se méfie de la ligne antichinoise de Washington.

Paris se tient donc à distance d’initiatives telles que le Quad [coopération informelle entre les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde] ou Partners in the Blue Pacific [groupe informel visant à renforcer les relations économiques et diplomatiques avec les nations insulaires du Pacifique], privilégiant une coopération ad hoc plutôt qu’une association à part entière.

 

Partenariat stratégique

Par ailleurs, le départ du premier ministre Scott Morrison a ouvert la voie à un véritable redémarrage de la relation France-Australie, facilité par les 555 millions d’euros de compensation financière accordés à Naval Group. La rencontre du nouveau premier ministre, Anthony Albanese, avec Emmanuel Macron à Paris, le 1er juillet, a donné l’impulsion politique pour reconstruire un partenariat stratégique dans lequel la coopération en matière de sécurité et de défense sera centrale.

Début septembre, le ministre français de la défense, Sébastien Lecornu, avait d’ailleurs invité son homologue australien sur la rade de Brest, qui abrite les sous-marins nucléaires français. Voisins dans le Pacifique Sud, les deux pays y ont des intérêts indissociables, et la coopération opérationnelle n’a en réalité jamais cessé, comme lorsque, en début d’année, Australiens et Français ont coordonné leurs forces pour apporter une aide humanitaire d’urgence aux Tonga, victime d’une violente éruption volcanique.

Quant au Royaume-Uni, s’il reste un allié solide, la relation politique reste traditionnellement mouvementée, et la rivalité est bien présente dans l’Indo-Pacifique, que ce soit en matière d’influence, de coopération industrielle et de défense ou de leadership sur la sécurité maritime.

Le très faible niveau d’interaction des deux patrouilleurs britanniques déployés de manière permanente dans l’Indo-Pacifique avec les bâtiments français est d’ailleurs préoccupante. Paris et Londres devraient désormais trouver un moyen de travailler ensemble dans cette région, tant les enjeux et défis sont importants et leurs capacités respectives insuffisantes pour les relever seuls.

 

Tyrannie des distances
L’Aukus a souligné le décalage entre l’ambition stratégique de la France dans l’Indo-Pacifique – agir comme « puissance d’équilibre » – et les moyens militaires limités qu’elle peut y mobiliser. Si Paris a déployé sous-marins et Rafale pour démontrer sa volonté et sa capacité à se déployer rapidement dans la région, la tyrannie des distances contraint toujours la marge de manœuvre de la France en cas de conflit.

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