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déc
2022
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Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, Bruxelles, 8 février 2022

L'Europe a besoin d'un sursaut dans la mise en oeuvre du Green Deal

Il y a urgence. Un plan Schuman d'investissement et de résilience pour sauver et décarboner les industries et préserver l'intégrité du marché unique s'impose, plaident Marc-Antoine Eyl-Mazzega et Diana Gherasim. C'est un changement d'époque.

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En décembre 2019, Ursula von der Leyen présentait le Pacte vert européen (Green Deal). Malgré les crises à répétition, l'UE a su poser des jalons essentiels pour définir et encadrer le chemin à parcourir vers la neutralité climatique en 2050, notamment grâce au paquet législatif Fit for 55. 

La rupture brutale des fournitures énergétiques russes, le sous-investissement chronique dans les technologies bas carbone, les perturbations des maillons de la globalisation, et la forte dégradation de l'environnement international, représentent à présent une menace existentielle pour la sécurité économique, énergétique et climatique de l'Europe.

De surcroît, la menace ne vient plus seulement de la Chine : les Etats-Unis, grâce à l'Inflation Reduction Act et son injection massive de subventions dans les technologies bas carbone, pourraient accélérer le décrochage économique européen. Avec un coût de l'énergie trop élevé, des conditions d'investissement peu attractives et des divergences entre ses Etats membres, l'Europe risque la fragmentation, surtout si elle se fixe les objectifs de décarbonation les plus ambitieux sans s'en donner les moyens.

La menace est aussi intérieure, avec la fragmentation du marché unique liée aux capacités fiscales inégales des Etats.

Une discipline collective accrue

Les Européens doivent s'engager dans une mobilisation de guerre pour la sauvegarde des économies et du climat, autour du triptyque « mobilisation, mise en oeuvre, accélération ». D'abord pour passer les deux prochains hivers. Et en même temps, pour sauver les industries énergo-intensives et permettre l'essor des chaînes de valeur des technologies bas carbone, également en péril.

Bien que l'on puisse envisager une amélioration de la situation électrique en 2023, le déficit de gaz des deux prochaines années en Europe sera dramatique. Il faut un effort accru pour économiser de l'énergie et garantir des volumes minimaux pour l'industrie. Une discipline collective de la sobriété énergétique doit s'installer rapidement et perdurer. Information, incitations et régulation sont clés. Les entreprises et ménages vulnérables seront aidés par des mesures de soutien financées par l'emprunt et la taxation des surprofits, mais il reste à les calibrer pour garantir leur efficacité, leur équité et ne pas tirer la demande à la hausse.

Priorité au réseau électrique

Les technologies bas carbone, les réseaux et le stockage sont désormais des enjeux de sécurité nationale et européenne. Pour installer 700 GW de nouvelles capacités renouvelables d'ici à 2030 tel qu'envisagé dans le plan RepowerEU, l'accélération des procédures d'autorisation, en particulier pour les 89 GW déjà dans les tuyaux, doit être mise en oeuvre sans tarder : cela passe par l'allocation des ressources humaines dans les administrations aux travaux d'autorisation des ENR et de structuration et facilitation des contrats de long terme (PPA), le suivi des indicateurs clés et l'assistance technique.

Cela requiert aussi une priorité donnée au développement du réseau électrique afin de renforcer le système et permettre l'électrification des usages. Enfin, le marché de l'électricité doit faciliter le financement de toutes les technologies de production, des solutions de flexibilité et, pour les particuliers, permettre le pilotage intelligent grâce à des tarifs graduels.

Elargir le périmètre du Green Deal

Un plan Schuman d'investissement et de résilience pour sauver et décarboner les industries et préserver l'intégrité du marché unique s'impose. Il convient aussi d'élargir le périmètre du Green Deal en renforçant la dimension extérieure pour à la fois subvenir aux besoins européens en gaz, électricité, métaux, hydrogène, mais aussi pour éviter le verrouillage de nouvelles émissions et investir là où l'on peut abattre du CO2 à moindre coût tout en consolidant nos positions géopolitiques.

Il s'agit bien d'une « Zeitenwende », un changement d'époque, comme le disent les responsables allemands !

 

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Mots-clés
changement climatique climat et capitalisme Energie Marchés de l'électricité transition énergétique France Union européenne