L’exode du siècle : une nouvelle vague d'émigration russe
L’assaut lancé par la Russie contre l’Ukraine n’a pas seulement modifié les contours de la géopolitique mondiale ; il a aussi profondément affecté la société russe en incitant de très nombreuses personnes indépendantes d’esprit à quitter le pays.
L’ampleur et les motifs de cet exode massif le rendent comparable à celui qui s’est produit il y a environ un siècle, après que les bolcheviks eurent cimenté leur contrôle sur la Russie. Une fois de plus, la Russie a poussé à l’exil plus d’un million de personnes partageant les valeurs occidentales, bien au fait des dernières tendances internationales et capables de participer au développement des secteurs les plus avancés de l’économie mondiale.
Selon nous, cet exode, qui sape considérablement le capital humain et social de la Russie, pourrait devenir un facteur de revitalisation de l’économie européenne. C’est ce qu’indique l’analyse des effets que la présence des « relocalisés » a eus sur les pays où la plupart d’entre eux se sont installés en 2022 : États post-soviétiques, Turquie, Serbie, Monténégro et Émirats arabes unis. Comme dans les années 1920, les États occidentaux peuvent tirer profit des Russes désireux de s’intégrer dans les sociétés d’accueil et d’y contribuer économiquement plus que de ceux qui se consacrent à la « lutte révolutionnaire » contre le régime actuel de Moscou, une lutte qui pourrait se révéler aussi peu efficace que celle de la « première vague d’émigration » contre les Soviétiques il y a cent ans.
Les responsables politiques européens auraient donc tout intérêt à accueillir ces nouveaux arrivants en tant que « professionnels russes », et non en tant que « Russes professionnels » — et cela, quelle que soit leur attitude à l’égard de la politique de Moscou.
Vladislav Inozemtsev est un économiste russe, docteur en sciences économiques. Il dirige le Centre de recherches sur la société postindustrielle, qu’il a fondé en 1996.
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