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Cent Rafale pour l’Ukraine : « Une annonce utile politiquement pour chaque pays, mais assez vide concrètement »

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interviewé par Eléonore Disdero dans

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Selon Léo Péria-Peigné, spécialiste des questions de défense à l’Ifri, la déclaration d’intention signée lundi 17 novembre par Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky pour de futurs contrats d’armement pourrait ne jamais se concrétiser.

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Le Rafale Dassault de l'armée de l'air française exposé lors d'un salon aéronautique
Le Rafale Dassault de l'armée de l'air française exposé lors d'un salon aéronautique
Serge Goujon/Shutterstock.com
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Une centaine de Rafale, leurs armements associés ainsi que huit systèmes de défense aérienne nouvelle génération… la déclaration d’intention signée entre Emmanuel Macron et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, porte sur de possibles contrats pour la défense de l’Ukraine sur un horizon d’une dizaine d’années. Ce document mise sur « la régénération de l’armée ukrainienne dans l’avenir », afin qu’elle soit « en capacité de dissuader toute nouvelle incursion » une fois la paix ou un cessez-le-feu conclu avec la Russie, a expliqué le chef d’Etat français devant la presse. « C’est un accord historique et nous apprécions beaucoup le soutien de la France », a abondé Volodymyr Zelensky.  

Pourtant, selon Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste des industries de défense, le document signé pourrait ne jamais se concrétiser et ne rester qu’au stade d’une vaste opération de communication, les financements de tels équipements étant difficilement atteignables et le temps de production des appareils trop long. Explications.  

Concrètement, qui financera la construction, la fabrication et la livraison de la centaine de Rafale ?  

Difficile à dire : il n’y a aucune communication sur le sujet. J’ai de très grands doutes sur la faisabilité d’une telle annonce. Pour moi, c’est surtout une opération de communication du gouvernement. Les Ukrainiens n’ont pas d’argent et la France refuse d’en dépenser pour eux sur le plan militaire. Il n’y a qu’à voir la faiblesse de notre aide bilatérale : nous ne livrons quasiment rien de neuf, c’est surtout du déstockage. Donc imaginer que la France mette plusieurs milliards d’euros sur la table pour l’Ukraine me semble très improbable.  

Les intérêts des avoirs russes gelés pourraient-ils financer l’opération ?

Ces intérêts représentent au mieux quelques centaines de millions d’euros par an pour la France, ce qui est insuffisant. Quant à la saisie des avoirs russes gelés, qui sont de l’ordre d’environ 140 milliards, ils sont en Belgique. Les Belges refusent de les saisir tant qu’ils n’ont pas la garantie d’un soutien juridique européen en cas de poursuites russes. La discussion en est encore là, donc pour l’instant c’est hors de propos.  

Les Ukrainiens ont également annoncé l’achat d’une centaine de Gripen suédois. Le financement est-il plus transparent ?  

Nous n’avons pas tous les détails, mais ce n’est pas très clair non plus. Toutefois, l’usine qui fabrique ces avions n’en produit pas actuellement, donc elle peut redémarrer immédiatement. C’est plus crédible. Mais il faudra attendre de les voir voler sous les couleurs ukrainiennes avant de les considérer comme acquis.  
Au contraire, pour les Rafale, la production est saturée pour des années. Autrement dit, il n’y a pas de capacité avant longtemps. Dassault pourrait augmenter sa capacité si les perspectives étaient solides. Mais une promesse vague de 100 Rafale, non financée, concernant un pays dont l’avenir est incertain, ce n’est pas une base pour investir. Si ces Rafale sont effectivement ajoutés au carnet de commandes, ils ne seraient livrés que dans cinq à dix ans. Emmanuel Macron a dit : « On prépare l’avenir de l’Ukraine et de ses besoins dans cinq ou dix ans », mais les Ukrainiens demandent de l’aide pour tout de suite.  

C’est un manque de volonté politique ou une réelle impossibilité industrielle ?  

Les industriels affirment qu’ils peuvent produire cette année 80 Caesar ou 1 000 blindés légers si on leur donne 500 millions d’euros. Mais la France achète très peu de matériel neuf à sa propre industrie. Ce sont des annonces sans valeur légale, financière ou commerciale. Les « memoranda of understanding » [protocoles d’accord, ndlr] sont multiples dans l’armement et une grande partie n’aboutit jamais. Ce ne sont que des premières étapes de recherche de fonds et de définition de contrat.  

La déclaration d’intention comprend aussi d’autres équipements…  

Oui, des systèmes de défense anti-aérienne et des bombes A2SM. C’est encore plus problématique pour ces dernières : on annonce 600 munitions en trois ans, soit 16 par mois, alors qu’on en fournissait 50 par mois auparavant. Pour des munitions, c’est très peu. Et tout cela intervient très tard, il aurait fallu passer commande au début de la guerre.  

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> Lire l'entretien dans son intégralité sur le site de Libération

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Eléonore Disdero

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Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri

Léo PÉRIA-PEIGNÉ

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Le Rafale Dassault de l'armée de l'air française exposé lors d'un salon aéronautique
Serge Goujon/Shutterstock.com