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« Mali, Afghanistan... La France et ses armées ont toujours su payer le prix du sang pour défendre la nation »

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interviewé par Jean-Bosco Herbin dans

  Le Figaro  

 
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Les déclarations du chef d’état-major des armées pour qui la France devra « accepter de perdre ses enfants » ont suscité de nombreux commentaires. Le général Mandon n’a pourtant fait que rappeler la réalité du contexte stratégique, analyse le chercheur Élie Tenenbaum.

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Exercice militaire de l'armée française à Toulouse en février 2020
Exercice militaire de l'armée française à Toulouse en février 2020
Fred Marie/Shutterstock.com
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Élie Tenenbaum est chercheur à l’Ifri (Institut français des relations internationales). Il est l’auteur de La guerre de vingt ans : djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle, coécrit avec Marc Hecker (Robert Laffont, Prix du Livre Géopolitique 2021).

Le Figaro. - Le chef d’état-major des armées (CEMA) Fabien Mandon a déclaré devant l’association des maires de France que « les Français devaient être prêts à perdre leurs enfants ». Ce n’est pas le premier CEMA qui tient de tels propos chocs sur une guerre future, quelle est la stratégie derrière ces annonces ?

Élie Tenenbaum - L’esprit de sacrifice et le risque de pertes humaines sont des fondamentaux de ce qu’un ancien CEMA, le général Lecointre, appelait la « singularité militaire ». Donner la mort et la recevoir. En ce sens le terme employé « enfants » semble bizarrement avoir été mal compris dans le débat public, alors qu’il renvoie d’abord et avant tout aux soldats qui sont les « enfants de la patrie » comme il est dit dans le premier couplet de La Marseillaise. La France et ses armées ont toujours su payer le prix du sang pour défendre les valeurs et les intérêts de la Nation – 58 soldats sont tombés au Mali, 90 en Afghanistan, chacun « mort pour la France ». Il me semble que le CEMA n’a pas fait autre chose que de rappeler cette réalité, et cette responsabilité, en la plaçant dans le nouveau contexte stratégique d’une menace russe qui a des caractéristiques différentes de l’adversaire terroriste.

Les moyens de la Russie sont plus importants, sa puissance de feu et ses capacités de nuire plus importantes. Mais comme le général Mandon l’a également rappelé dans son allocution, la France peut aussi compter sur des alliés et des ressources importantes. Nous ne sommes pas seuls et, s’il faut regarder la menace en face, ne pas se laisser abattre par le fatalisme. La force d’âme qu’il évoque est aussi un facteur essentiel de la dissuasion face à l’agresseur. Celui qui est prêt à se défendre et à en payer le prix est plus en sécurité que celui qui invite l’attaque en abaissant la garde.

Le président doit se rendre dans les Alpes en décembre prochain et devrait annoncer un retour d’un service national militaire. Cela pourrait-il être un moyen d’exalter le patriotisme chez les jeunes ?

La question du service national revient régulièrement depuis sa suspension en 1997. La question n’est cependant pas de savoir l’apport social qui pourrait être le sien (logique de cohésion qui a prévalu autour du service national universel) que le besoin militaire auquel il pourrait répondre. Le contexte stratégique et les exigences techniques des systèmes d’armes modernes tendent à confirmer le besoin d’une armée de métier composée de soldats professionnels à des fins de projection – même si cette projection a lieu dans l’espace européen.

L’effort de défense français a atteint l’année dernière 2% du PIB et pourrait s’orienter vers 2,5% à l’horizon de la fin de la décennie, cela reste moins que ce qu’il était à la fin de la guerre froide sous François Mitterrand.

Pour autant, cet horizon se combine avec un besoin renouvelé de protection sur le territoire national et de vivier de recrutement qui doit être entretenu. Dans cette optique la réserve opérationnelle doit être étendue avec un objectif de 80 000 soldats en 2030 (52 000 en 2026), mais sa croissance tend à plafonner. Un service militaire volontaire de quelques dizaines de milliers de jeunes hommes et femmes, sur le modèle suédois, pourrait être un instrument pertinent dans ce cadre.

Le budget de la défense a été augmenté lors du PLF 2025 et le sera probablement pour l’année prochaine, la France doit-elle se préparer à la guerre ? Est-elle prête ?

L’effort de défense français a atteint l’année dernière 2% du PIB et pourrait s’orienter vers 2,5% à l’horizon de la fin de la décennie, cela reste moins que ce qu’il était à la fin de la guerre froide sous François Mitterrand. Le niveau de dépense actuel permet de pérenniser un modèle taillé pour la stricte suffisance, et une modernisation coûteuse sans trop de perte en masse. Pour autant, il ne permet pas de combler les trous capacitaires accumulés par les années de déflation et nécessaires pour répondre au besoin en matière de combat de haute intensité (artillerie longue portée, défense sol-air, logistique, stocks de munitions). Les marges de manœuvre pour l’expérimentation et l’adoption de nouveaux systèmes issus des enseignements étrangers (dronisation massive du champ de bataille, guerre électronique) sont également contraintes par les faibles marges de manœuvre laissées du fait des effets d’éviction des grands programmes. La France se prépare, mais elle ne dispose pas des moyens pour se préparer à tous les scénarios, et les arbitrages sont toujours difficiles à faire quand le niveau d’ambition affiché est si élevé.

Guerre nucléaire, conflit armé... Si la France doit se préparer à la guerre, de quel type de guerre parlons-nous ?

L’arme nucléaire permet de protéger la France contre les menaces étatiques cherchant à s’en prendre à ses intérêts vitaux. Si ces derniers (dont la définition est à la seule appréciation du président de la République) ne se limitent pas au seul territoire national, ils ne couvrent pas non plus l’ensemble des scénarios de confrontation. C’est la raison pour laquelle la France doit disposer de moyens de répondre à des menaces sur ses intérêts, lorsqu’ils sont non vitaux mais malgré tout importants – aux portes de l’Europe par exemple. Les effets de seuils et les moyens de contrôler l’escalade face à des États puissances désinhibés tels que la Russie doivent être repensés avec des moyens adaptés, de même que les formes de confrontation dans les nouveaux domaines de lutte (cyber, espace, fonds marins) pour ne pas être pris au dépourvu en cas d’agression sans plan de réponse.

[...]

> Lire l'entretien dans son intégralité sur le site du Figaro

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Jean-Bosco Herbin

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Élie TENENBAUM

Élie TENENBAUM

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Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri

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