Algérie : une trajectoire de puissance régionale incertaine
L’Algérie, longtemps désignée comme « l’homme malade » du Maghreb, se voit désormais présentée comme la puissance régionale. L’affirmation soudaine de ce nouveau statut dans les analyses de nombreux observateurs de l’actualité africaine et experts ès géopolitique traduirait une évolution manifeste des rapports de force régionaux.
La stabilité relative de l’Algérie dans un contexte de désordre dans le monde arabe ne suffit pas à expliquer ce changement de perception. La déliquescence accélérée des États du Sahel – faisant peser un risque de déstabilisation régionale – et l’internationalisation de la crise malienne marquent sans doute un point d’inflexion dans les équilibres régionaux, ouvrant à l’Algérie une fenêtre d’opportunité pour redéfinir ses relations avec les pays limitrophes et plus globalement avec les puissances internationales.
Cette rhétorique circonstancielle, certes flatteuse pour l’Algérie, est-elle pour autant corrélée à sa capacité réelle d’influence ? L’Algérie est-elle en mesure de s’affirmer comme une puissance régionale ? Quels en seraient, alors, les ressorts objectifs ?
Ces questions supposent un examen approfondi et nuancé des relations extérieures de l’Algérie, de leur évolution historique et des enjeux politiques, économiques et sociaux dans la région. Ce court papier s’attachera plus modestement – et au-delà de l’actualité de la crise malienne – à souligner les limites d’une diplomatie qui repose principalement sur une gestion de la rente pétrolière et sécuritaire. Les inerties idéologiques, politiques et économiques l’inscrivent davantage dans une trajectoire de puissance régionale incertaine.
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Dans un Moyen-Orient chaotique, la date du 7 octobre 2023 marque un tournant majeur qui peut conduire à un embrasement de toute la zone. La guerre à Gaza intervient dans une situation déjà en pleine évolution caractérisée par l’affirmation de l’autonomie stratégique de plusieurs puissances régionales de même que par un basculement géopolitique au profit de la Russie et de la Chine.
Iran et Isarël : meilleurs ennemis
L’attaque de missiles iraniens sur le sol israélien le 13 avril 2024, suivie par une riposte d’Israël visant une base militaire proche d’un des principaux sites nucléaires iraniens, fut le point d’orgue d’une guerre multiforme qui oppose les deux pays depuis plusieurs décennies. Alors qu’Israël entretenait les meilleures relations, diplomatiques et même militaires, avec l’Iran du Shah Mohammad Reza Pahlavi, il est apparu très vite qu’il n’en serait pas de même avec la République islamique.
La France a-t-elle encore une politique arabe?
Dès la fin de la guerre d’Algérie, la France a systématiquement repris contact avec les pays arabes qui avaient rompu les relations diplomatiques au moment de la malheureuse expédition de Suez de 1956. Ainsi se sont renouées ou nouées des relations actives et souvent confiantes, y compris avec des pays où elle était absente, comme les émirats du Golfe. Le président Chirac a voulu formaliser et conforter cette orientation lorsque le 6 mars 1996, à l’université du Caire, il a évoqué la « politique arabe et méditerranéenne » de la France. Par-delà quelques principes communs, il s’agissait naturellement d’une politique à géométrie variable selon les pays, avec la volonté d’être présent dans cet ensemble de pays qui sont nos voisins proches, situés dans une zone stratégique et dont d’importantes communautés vivent en France. Très tôt attachée à contribuer à la paix entre Israël et les pays arabes, la France prône une politique équilibrée entre le maintien de la sécurité d’Israël et le soutien du processus de paix israélo-palestinien qui donnerait le droit à l’autodétermination des Palestiniens et à la création d’un État. À cet égard, l’année 2007 représente une rupture due à l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy qui sur ce plan, comme sur d’autres, a pris le contre-pied de son prédécesseur. Depuis lors, la politique de la France dans cette région n’a plus la même priorité, réagit plus qu’elle n’agit et semble flotter entre une volonté de maintenir ses liens avec les pays arabes et une certaine complaisance à l’égard d’Israël.
France/Maghreb : une relation tumultueuse
Les relations avec le Maghreb, anciennes et marquées du sceau de la colonisation, restent difficiles alors qu’il s’agit pour la France d’une région prioritaire pour sa politique étrangère, où elle continue d’avoir une place majeure dans les domaines politique, économique et culturel, même si celle-ci est en déclin relatif. Le ministère des Affaires étrangères envoie des diplomates confirmés dans ces pays, dont la diaspora installée en France reste très proche. La relation se complique dès lors que le Maroc, l’Algérie et dans une moindre mesure la Tunisie, entrent en conflit. L’objectif de notre politique est d’avoir des relations étroites et confiantes avec ces trois pays, d’où la pression migratoire est forte. La question des visas demeure d’ailleurs un dossier très sensible, comme l’ont montré les vives réactions à la décision française prise en septembre 2021 d’en réduire le nombre de 50 %.