Les dynamiques transfrontalières dans la mobilité et l'infiltration des terroristes sur les littoraux d'Afrique de l'Est
Cette étude examine la convergence des réseaux de criminalité et du terrorisme le long des littoraux et des espaces maritimes est-africains, en prenant pour exemple les régions côtières du Kenya − plus particulièrement les comtés de Kwale, Kilifi et Lamu.
Les pays d'Afrique de l'Est font partie des 20 pays les plus touchés par le terrorisme en raison de la fragilité des États, de la prévalence des conflits armés, du sous-développement et de la montée de l'extrémisme.[1] Les réseaux terroristes ont largement exploité le domaine maritime de l'océan Indien. La criminalité navale transnationale - notamment le terrorisme maritime -, la piraterie, la traite des êtres humains, la contrebande de marchandises illicites et la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU), révèlent les aspects peu glorieux des flux criminels qui affectent les économies bleues.[2] Les groupes terroristes des littoraux est-africains, tels qu'Al-Shabaab au Puntland (Somalie) et l'État islamique au Mozambique (ISM),[3] sont de plus en plus visibles en mer en raison de l'application insuffisante de la législation maritime en Afrique de l'Est.[4]
Les littoraux d'Afrique de l'Est ont toujours été considérés comme des sites potentiellement vulnérables aux trafics de drogues, d'armes et d'êtres humains, comme l'imaginent les États et comme l'accentuent les craintes à l'ère de la guerre mondiale contre le terrorisme.[5] La sécurisation des côtes maritimes est essentielle pour les gouvernements de la région d'Afrique de l'Est, tels que ceux de la Somalie, du Kenya, de la Tanzanie et du Mozambique, car elles sont considérées comme perméables aux groupes terroristes, aux trafiquants et aux contrebandiers.[6] Néanmoins, la nécessité d'étudier les littoraux dans les zones frontalières maritimes pour comprendre le lien actuel entre criminalité et terrorisme le long de la côte est-africaine en tant que site d'activités terroristes[7] n'est pas suffisamment soulignée dans la littérature sur la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Est. Les difficultés rencontrées dans l'étude du lien entre criminalité et terrorisme sur les côtes ont été aggravées par le fait qu'il a été difficile de distinguer les activités criminelles des activités terroristes,[8] ainsi que par l'enracinement social de ces dernières dans les communautés locales.[9]
>>> Ce contenu est disponible en anglais (PDF) : Cross-border Dynamics in Terrorist Mobility and Infiltration along the East African Coastlines.
[1]. T. Omenma et M. Onyango, “African Union Counterterrorism Frameworks and Implementation Trends among Member States of the East African Community”, India Quarterly: A Journal of International Affairs, Vol. 76, No 1, Mars 2020, pp. 103-119.
[2]. “Toutes les activités économiques liées aux océans, aux mers et aux côtes. Il couvre un large éventail de secteurs établis et émergents liés entre eux.”, définition telle que fournie par la Commission européenne, disponible sur : www.un.org.
[3]. D. Ginga, “Maritime Insecurity in Sub-Saharan Africa and Its Effects in the Economy of States”, Austral. Brazilian Journal of Strategy & International Relations, Vol. 9, No. 18, 2020, pp. 196-218; “Stemming the Insurrection in Mozambique’s Cabo Delgado”, Rapport No. 303, International Crisis Group, Juin 2021, disponible sur : www.crisisgroup.org.
[4]. I. Zyl et T. Lycan, “East African Terror Groups are exploiting the seas: Analysis”, Eurasia Review, 16 Octobre 2020, disponible sur : www.eurasiareview.com.
[5]. “Responding to Potential Emerging Maritime Threat from IS in the Indian Ocean”, UNODC, 2020, disponible sur : www.unodc.org; A. Rajput, “Maritime Security and Threat of a Terrorist Attack” Pace International Law Review, Vol. 34, No. 2, 2022, disponible sur : https://doi.org.
[6]. N. Avdan, “Visas and Walls: Border Security in the Age of Terrorism”, Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2019; J. A. Winterdyk et K. W. Sundberg, “Border Security in the Al-Qaeda Era”, Boca Raton: CRC Press, 2010.
[7]. S. Ginsburg, “Countering Terrorist Mobility: Shaping an Operational Strategy”, Report Migration Policy Institute, Février 2006.
[8]. F. S. Perry, T. G. Litchtenwald et P. M. Mackenzie, “Evil Twins: The Crime-Terror Nexus”, Forensic Examine, Vol. 18, No. 4, 2009, pp. 16-29.
[9]. H. Van de Bunt et D. Zaitch, “The Social Embeddedness of Organized Crime”, in: L. Paoli (dir.), The Oxford Handbook of Organized Crime, Oxford: Oxford University Press, 2014.
Contenu aussi disponible en :
Régions et thématiques
ISBN / ISSN
Utilisation
Comment citer cette étudePartager
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLe président spirituel du Kenya et la création d'une nouvelle république : William-Ruto, les évangéliques du Kenya et les mobilisations religieuses dans la politique électorale africaine
Au cours des deux dernières décennies, un nouveau paradigme est apparu en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique : l’influence croissante des églises évangéliques et de leurs dirigeants dans les dynamiques électorales. La croissance numérique et démographique de ces mouvements religieux semble aller de pair avec leur rôle de plus en plus marqué dans la vie politique de ces deux régions, une présence qui a un impact sur les processus électoraux, mais aussi sur les sociétés et les formes que prend la gouvernance.
Turquie-Afrique : une Pax Ottomana entre l’Éthiopie et la Somalie ?
Avec plusieurs objectifs en vue, dont celui de devenir un acteur diplomatique incontournable sur la scène régionale et internationale, Ankara tente de rapprocher Hargeisa et Addis Abeba qui s’opposent sur un accord entre ce dernier et le Somaliland. Si la troisième réunion prévue mi-septembre a été repoussée, l’initiative a permis de préserver un canal de discussion... Et les nombreux intérêts turcs dans la région.
Tchad : de Déby à Déby. Les recettes d’une succession dynastique réussie (2021-2024)
Comme au Togo et au Gabon, la transition qui a eu lieu au Tchad de 2021 à 2024 a abouti à une succession dynastique. Mahamat Idriss Déby a succédé à son père Idriss Déby Itno, qui fut président du Tchad de 1996 à 2021. Alors que la majorité des Tchadiens espéraient une alternance et un changement de gouvernance, le « système Déby » est parvenu à se maintenir.
L'influence de la diplomatie stratégique infranationale dans les relations internationales
L'engagement international des villes et des gouvernements locaux s'est récemment accru et diversifié. Principalement compris par le public comme les liens culturels et académiques cultivés dans le cadre des villes jumelées, ces connexions ont désormais des implications plus profondes et davantage stratégiques.