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L’Iran face aux sanctions internationales : « Une autarcie totale apparaît insoutenable »

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interviewé par Pascal Airault dans

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« La Chine, principal débouché du pétrole brut iranien via les raffineries indépendantes du Shandong, est le premier pays exposé par le retour des sanctions internationales », selon l’iranologue Clément Therme. Les faits - Chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et à l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah), Clément Therme vient de publier Téhéran-Washington (1979-2025) chez Hémisphères et Idées reçues sur l’Iran. Un pouvoir à bout de souffle ? aux éditions Le Cavalier Bleu. Pour L’Opinion, il revient sur l’impact du retour des sanctions internationales contre la République islamique.

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Centrale nucléaire iranienne
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Pourquoi l'Iran a finalement refusé de faire les concessions nécessaires pour éviter un retour des sanctions internationales ?

Les factions les plus conservatrices de la République islamique, partisanes de « l’autosuffisance », ont conservé l’initiative et rejeté la proposition, plus pragmatique, des « modérés » visant à officialiser la suspension de l’enrichissement d’uranium en échange d’une levée progressive des sanctions. Pour le Guide suprême, Ali Khamenei, il s’agit de rester ferme sur des positions idéologiques plutôt que de rechercher un compromis susceptible de garantir la survie économique du régime. Les considérations sécuritaires ont été privilégiées au détriment des réalités économiques (coupures d’électricité, pénurie d’eau, inflation...).

Quel va être l’impact sur l’économie iranienne ?

Toutes les résolutions de l’ONU, adoptées entre 2006 et 2010, sont réactivées. Elles prévoient l’interdiction de l’enrichissement de l’uranium en Iran, un embargo sur les armes dont les missiles, des gels d’avoirs, des restrictions financières et sur les transferts de technologies. L’Union européenne a indiqué qu’elle mettrait aussi en œuvre ses propres mesures coercitives. Cela resserre l’accès au financement extérieur, aux assureurs maritimes et à une partie des biens à double usage (civil et militaire). Avant même le rétablissement de ces sanctions, le rial a chuté à un plancher historique, renchérissant les importations (biens alimentaires, médicaments, intrants industriels). A court terme, cela va se traduire par une pression inflationniste, une contraction de l’investissement privé, et un arbitrage budgétaire au profit de la sécurité/défense et des subventions vitales (énergie, pain). Le risque est d’avoir pour seule option le recours à des systèmes de troc et de règlements en monnaies tierces. A moyen terme, l’effet principal est une hausse de la « prime de risque » sur chaque baril exporté et sur chaque tonne de produits pétrochimiques.

Cela sapera les recettes en devises même si les volumes résistent partiellement via des circuits opaques.

Le régime a-t-il les moyens de revenir à une économie de résistance ?

Techniquement, l'Iran a le savoir-faire : contournements maritimes (flotte fantôme), remises commerciales, intermédiation bancaire non occidentale, troc énergie-biens d’équipement et substitution d’importations. La résilience de l’économie demeure tangible, mais une autarcie totale apparaît insoutenable sans une dégradation durable du niveau de vie. En raison de l’opposition de la Chine et de la Russie, l’embargo imposé à l’Iran entre 2006-2007 et 2015-2016 ne sera qu'en partie rétabli. Cela risque néanmoins d’alourdir les coûts du commerce extérieur iranien, sans toutefois interrompre totalement les échanges d’un pays disposant de frontières terrestres et maritimes avec quinze voisins. On assiste ainsi à une forme de « retour vers le futur » pour l’Iran, qui a perdu une décennie (2015-2025) dans sa quête pour devenir un véritable pays émergent, et ce malgré son adhésion au BRICS+.

Quels sont ceux qui vont être les plus touchés ?

Les sanctions multilatérales affectent de manière différenciée les principaux partenaires de l’Iran. La Chine, principal débouché du brut iranien via les raffineries indépendantes du Shandong, est le premier pays exposé par le retour des sanctions et leur application. Les signaux en provenance du marché chinois – élargissement des rabais (à hauteur de 20 % sur les livraisons de brut qui atteignent 2 millions de b/j en septembre 2025), réorientations logistiques vers de nouveaux terminaux à la suite des sanctions américaines – indiquent que même les circuits d’approvisionnement « gris » tendent à devenir plus coûteux et plus risqués. Cela accentue aussi les risques de conformité (assurance, financement, transbordement). Les traders, les opérateurs portuaires et de stockage, les assureurs maritimes et les raffineurs indépendants sont les plus vulnérables. L'Inde envisageait un retour partiel au brut iranien pour diversifier ses approvisionnements face à la dépendance croissante au pétrole russe. Le rétablissement des sanctions onusiennes accroît le coût politique et financier d’un tel choix. La Russie est également concernée. La coopération technico-militaire figure parmi les cibles des listes de sanctions onusiennes et européennes. En Europe, l’impact sera limité. Les majors s’étaient déjà retirées d'Iran. Le commerce de biens entre l’UE et l’Iran s’est élevé à 4,5 milliards d’euros en 2024 dont 0,8 milliard d'importations et 3,7 milliards d'exportations.

Quelle incidence sur le programme nucléaire iranien ?

Le retour aux sanctions impose l’arrêt de l’enrichissement d'uranium et rétablit l’ensemble des interdictions et dispositifs de contrôle. Toutefois, son efficacité dépend de l’accès accordé à l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et de sa capacité de vérification. Or, depuis les frappes américano-israéliennes, Téhéran a restreint la coopération avec l’agence. L’Iran est en train de réhabiliter son complexe nucléaire.

Quelle va être la stratégie d’Israël et des Etats-Unis ?

Les frappes israélo-américaines de juin ont montré la difficulté d'infliger des dommages durables à des sites enterrés. D’où une stratégie « au long cours », mêlant frappes de retardement, surveillance renforcée et diplomatie coercitive. Pour l’administration Trump, ces frappes auraient « réglé » la question nucléaire alors qu’Israël poursuit sa stratégie de menace militaire contre toute reprise des activités nucléaires qui reste perçue comme un scénario inacceptable.

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Pascal Airault

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Clément Therme

Clément THERME

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Chercheur associé, Programme Turquie/Moyen-Orient de l'Ifri

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