Le "système international" : approches et dynamiques
L’approche praxéologique des relations internationales permet de contourner le problème que pose la définition d’un 'système international' fondamentalement –et peut-être de plus en plus– hétérogène, au moins quant à ses acteurs. Ainsi peuvent être identifiés des problèmes internationaux spécifiques –crises régionales, prolifération nucléaire, terrorisme– à propos desquels les États, toujours dominants sur la scène internationale, sont en mesure de développer leur coopération.
Politique étrangère : Votre approche des relations internationales se réfère à la notion de praxéologie. Pourriez-vous l’expliciter ?
Thierry de Montbrial : Il s’agit d’un vieux terme philosophique, que j’utilise au sens de science de l’action. Je considère ici l’action des chefs d’entreprise, des diplomates, des militaires, etc. Toutes ces actions (interventions sur les marchés, relations entre États, etc.) relèvent de méthodes comparables, qui peuvent faire l’objet d’un cadre d’analyse unifié. À cet égard, la théorie des relations internationales doit être considérée comme une partie d’une théorie générale de l’action. Une spécificité de cette démarche est donc son caractère unifié, qui correspond à la curiosité que j’ai eue moi-même à parcourir de nombreuses disciplines – de l’économie aux sciences physiques et biologiques – et à me lancer effectivement dans divers types d’actions. J’ai toujours eu quelque méfiance pour ceux qui théorisent l’action sans en avoir un minimum d’expérience : Nicolas Machiavel, Carl von Clausewitz ou Alexis de Tocqueville ont été des praticiens et pas seulement des théoriciens.
Y a-t-il un « système international » ?
P. E. : Cette théorie de l’action, si elle s’intéresse à l’international, identifie donc d’abord des acteurs. Ces acteurs forment-ils un système international ?
Th. de M. : La notion de système est d’essence mathématique, même si l’on en fait souvent des usages quelque peu approximatifs. Pour qu’il y ait système, il faut des objets et des relations entre ces objets. Après quoi on peut éventuellement envisager les relations entre, d’une part, le tout formé par ces objets et les relations qu’ils entretiennent entre eux, et d’autre part l’extérieur. Le fonctionnement d’un système, c’est tout simplement l’analyse des mouvements qui s’enclenchent entre ces objets, et avec l’extérieur.
La notion de « système international » est délicate, en ce sens que lorsque l’on cherche à définir les objets de base et les relations entre eux, la description échappe rapidement : on n’arrive pas à épuiser la description du système. Plus précisément, si l’on veut épuiser cette description, on est conduit à des simplifications qui ont un coût en termes de capacités explicatives. […]
PLAN DE L’ARTICLE
- Y a-t-il un « système international » ?
- L’illusion du chaos et le rôle des États
- La coopération des États : prolifération et terrorisme
Thierry de Montbrial, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, est le fondateur et le directeur général de l’Ifri. Professeur au Conservatoire national des arts et métiers depuis 1995, il enseigne également, depuis 1974, à l’École polytechnique. Il a publié, entre autres ouvrages, L’Action et le système du monde (Paris, PUF, 2003, 2e édition, 2006), Quinze ans qui bouleversèrent le monde, (Paris, Dunod, 2003, 2e édition, 2006), La Guerre et la diversité du monde (La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2004) et Géographie politique (Paris, PUF, 2006).
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Le "système international" : approches et dynamiques
En savoir plus
Découvrir toutes nos analysesLes Afriques en 2029
De réels progrès dans la diversification de certaines économies, ainsi qu’une réhabilitation des actions publiques en la matière, ont modifié, depuis les années 2000, les conditions générales de développement du continent. En matière politique, et au-delà des exigences de démocratie électorale formelle, trop souvent détournées, c’est une véritable reconstruction des États qui s’avère nécessaire, pour intégrer les régions marginalisées, et développer la coopération régionale et continentale.
Les fonds souverains du Golfe, acteurs majeurs de la finance mondiale
La mission principale d'un fonds souverain est de constituer une épargne nationale à long terme destinée aux générations futures, en diversifiant ses investissements sur les plans sectoriel et géographique. Dans cette logique, les pays du Golfe ont alimenté pendant de nombreuses années leurs fonds souverains grâce aux gigantesques rentes pétrolières, notamment lorsque les cours du brut étaient au plus haut, atteignant un record historique de 143 dollars le baril en 2008.
Lors de la crise financière de 2007-2008, leur intervention a été déterminante dans le sauvetage du système financier, avec l'injection de plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le capital des institutions financières. Depuis, ils n'ont cessé de gagner en crédibilité, en sophistication et en technicité. Ainsi sont-ils à la pointe en matière d'investissement dans l'Intelligence artificielle (IA) et la transition énergétique. De nouvelles orientations dans leurs stratégies d'investissement peuvent avoir des répercussions majeures sur l'écosystème financier mondial.
Aujourd'hui, les fonds souverains du Golfe sont devenus de véritables titans de la finance. Leur influence grandissante reflète un poids financier colossal et une montée en puissance aussi fulgurante que structurée. Voici dix ans, ils contrôlaient collectivement environ 2 000 milliards de dollars d'actifs sous gestion (assets under management, AUM). En 2025, ce montant a plus que doublé pour atteindre plus de 5 350 milliards de dollars, soit près de 40 % des AUM des fonds souverains dans le monde, estimés à 13 000 milliards de dollars. Le golfe Arabo-Persique est ainsi devenu le centre de gravité mondial des fonds souverains.
François-Aïssa Touazi est senior managing director chez Ardian, leader européen du capital-investissement, en charge des relations investisseurs et des affaires publiques. Il est aussi vice-président des conseils France-pays du Golfe au Medef International et préside la task force sur les fonds souverains.
Article publié dans Politique étrangère, vol. 90, n° 4, 2025.
L’Europe dans dix ans
En dix ans, la construction européenne a subi plusieurs chocs, qui ont remis en cause le narratif historique sur lequel elle s’est élevée, et plus profondément les politiques suivies, ainsi que l’adhésion des peuples. Le risque – réel – de désintégration ne pourra être évité que si les membres de l’Union acceptent une véritable refondation de la construction européenne, basée sur l’idée de « civiliser la mondialisation », et adoptant les politiques de solidarité correspondantes.
Quand la technologie façonne le monde...
Les nouvelles technologies – en particulier dans le cyberespace – ont un fort impact sur les relations internationales et la conflictualité. Les acteurs malveillants – que ce soit des États ou des acteurs non étatiques – développent des opérations d’influence sophistiquées. Ils tendent à coordonner de plus en plus finement leurs actions physiques et cyber. Les stratégies de sécurité des États occidentaux doivent évoluer en conséquence et cesser de fonctionner en silo.